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  • La fugue des chiens fous

     

    Suite de mes entretiens avec le jeune écrivain Grégoire Barbey - Jeudi 09.08.12 - 15.16h



    PaD - Malgré ma grande sympathie (qui lui demeure acquise) pour la candidature de Jean-Marc Froidevaux, je dois avouer que l'obstination d'Olivier Fiumelli à se maintenir, ne pas se laisser faire, force le respect. Il montre qu'il a très envie: pour un candidat, c'est une vertu cardinale.



    GB - Oui, il a un sacré mérite, et je suis l'évolution de sa candidature avec beaucoup d'assiduité. Tenez, il ne s'est jamais laissé démonter, quand bien même son parti l'a désavoué en l'ignorant totalement. D'ailleurs, sa persévérance pourrait bien payer, puisqu'il a déjeuné avec Pierre Maudet. Ce dernier a peut-être revu sa position quant à une candidature unique de l'Entente. Fiumelli pourrait-il remporter l'élection, d'après vous ?



    PaD - Je n'en sais rien. Je n'ai aucune idée de l'issue de cette élection, nous en sommes encore trop loin. Mais les deux candidats PLR me plaisent. Les deux montrent une puissante envie d'aller au combat, ça fait plaisir à voir. Aucun des deux ne se laisse décourager. En politique il faut non seulement avoir envie d'être élu, mais aussi envie d'être candidat.



    GB -
    Tout l'intérêt d'Olivier Fiumelli et de Jean-Marc Froidevaux réside dans l'éventualité de mettre en échec la stratégie mise en place par les appareils politiques du PDC et du PLR. Arriveront-ils à convaincre les leurs ? Si le déjeuner de Fiumelli et Maudet a fait changer d'avis le nouveau conseiller d'État, les jeux ne sont pas encore terminés.



    PaD
    - J'espère, pour M. Fiumelli, que la cuillère, lors de ce repas que vous mentionnez, était assez longue. Il est des commensaux dont il faut diablement se méfier. Ce qui est extraordinaire, avec ce duo de candidats têtus qui se maintiennent contre vents et marées, c'est qu'ils agissent, comme vous le relevez, contre les préceptes et consignes de leur propre formation. Laquelle roule pour le candidat d'un autre parti ! Surréaliste. Sacrées personnalités, ces Froidevaux et Fiumelli: des têtes de lard ! Donc, exactement ce qu'il faut pour siéger, seul de droite, face à quatre de gauche. Ils ont le profil !



    GB - Oui, il faut des personnalités fortes pour siéger à quatre contre un, c'est sûr ! Et je trouve très bien que ces deux-là s'opposent à cette politique de manigances. Raisonnablement, nous pouvons estimer que le PDC a le droit de prétendre au siège. Mais ces combines, dans l'ombre et cachées des électeurs, m'exaspèrent. Je discutais avec Froidevaux, il y a peu, et nous partageons une même vision : c'est à l'électeur, et à lui seul, de désigner qui le représente. Non l'inverse. C'est ça, non, la démocratie ?



    PaD - Ah bon, il y a un candidat PDC, en plus ? Je m'y perds ! Mais le poste laissé vacant, celui de Pierre Maudet, était bien un poste PLR, non ? L'un des rares dont ce parti dispose encore dans l'exécutif d'une grande ville suisse.



    GB - Il y a deux candidats PDC : Guillaume Barazzone, qui abandonnera si le PLR ne soutient pas sa candidature, et Alain de Kalbermatten, qui sera présent pour porter les couleurs de son parti si le PLR renonce à sa promesse - dont il ne faut pas parler - et qu'il envoie l'un de ses deux prétendants. Compliqué ! En tout cas, si le PLR cède son siège, il risque d'en perdre un second lors des élections cantonales de 2013. Au profit, peut-être, d'un deuxième PDC. Je verrais bien Serge Dal Busco et Luc Barthassat au Conseil d'État. Rochat ne repassera pas, de toute façon. Et le PLR, survivra-t-il ?



    PaD
    - Ah bon, il y aurait eu des promesses ? Je n'en reviens pas ! Ca change évidemment tout, parce que les promesses, en politique, sont toujours respectées à la lettre, c'est bien connu. Quel que soit le commensal. Et quelle que soit la longueur de la cuillère. Dans ces conditions je serais reconnaissant à MM Froidevaux et Fiumelli de bien vouloir retirer, séance tenante, leurs candidatures. Et venir demander pardon. Comme des chiens fous. Qui, après une courte fugue, retournent vers le collier du Maître.



    GB - Oui, il y a eu des promesses, c'est un fait, que certains ne veulent pas reconnaître. Parce qu'au fond, les promesses n'engagent que ceux qui y croient. J'aime les chiens fous, les personnes imprévisibles, et c'est pourquoi je suis satisfait de voir des candidats à contre-courant comme MM. Froidevaux et Fiumelli. S'ils peuvent, par leur action, scier les dents longues d'un certain personnage, ma joie n'en serait que plus grande. À bon entendeur, et que le meilleur gagne !




    GB + PaD

     

  • Polac, la liberté du promeneur

     

    Hommage - Mercredi 08.08.12 - 15.22h

     

    Emmerdeur surdoué, dérangeur, homme d'une infinie culture, pétri par les livres, concerné jusque dans l'intime par l'aventure de l'écriture, Michel Polac nous a quittés à l'âge de 82 ans. C'était un grand. Un solitaire. Une singulière essence de sauvagerie, si raffinée, dans le grotesque cliquetis des cocktails parisiens. Je dirais, profondément, un « Provincial », au sens à la fois de Pascal et de la Compagnie de Jésus. Provincial, oui, bien qu'il fût infiniment urbain. Il ne suivait jamais les modes. Ses chemins de traverse à lui, ses choix de lectures, étaient d'un autre ordre, d'une autre pente, d'une autre galaxie. Provincial, dans le sens de la solitude.

     

    Polac, homme total, journaliste total. Il a tout fait, créant la première version du Masque et la Plume en 1955, illuminant nos vingt ans avec Droit de réponse, ce qui équivalait, en ces années-là, à produire et animer une émission au sommet de l'Etna. Il fait partie des meilleurs, ceux qui se font virer par les médiocres, disparaissent, reviennent. Hallucinant bosseur, infatigable. Jour et nuit sur les bouquins. Le plus fascinant, dans Droit de réponse, c'était sa connaissance à lui des dossiers. Sur le bout des doigts.

     

    Je crois qu'il aurait voulu être écrivain, il le fut d'ailleurs. Son équation à la chose littéraire, malgré des choix parfois à des années-lumière des miens, me frappe par sa magnifique liberté de cheminer, de fureter, au pays des autoroutes et des passages obligés. Lui, producteur de TV, se contrefoutait allègrement des impératifs des maisons d'édition et des petits marquis de la criticature. Il allait son chemin. Et la petite magie tranquille de cette errance, en premier lieu de toutes choses, me fascinait. Polac était un esprit indépendant, un homme libre. J'aurais aimé, un peu, cheminer avec lui. Un jour, peut-être. Ailleurs.

     

     

    Pascal Décaillet

     

  • Présidente de la Confédération... ou du Conseil fédéral ?

     

    Commentaire publié ce matin en une du Giornale del Popolo - Mercredi 08.08.12


     

    Un bilan de sept mois, c'est original, inédit. On peut gloser sur le premier semestre de l'année présidentielle, ou sur l'année elle-même, mais sept mois... Eveline Widmer-Schlumpf, présidente 2012 de la Confédération, serait-elle en panne ? Aurait-elle besoin de lustrer un peu son blason, à quelques jours d'une intervention SSR du 1er août dont le moins qu'on puisse dire - en restant poli - est qu'elle n'a pas galvanisé les foules. En langue française, ce fut même catastrophique. Alors oui, quelques annonces intéressantes, hier à Berne, comme cette invitation lancée au président François Hollande. Mais surtout, pour nous, peuple suisse, l'occasion de nous interroger sur cette présidence.

     

    D'abord, Mme Widmer-Schlumpf, comme conseillère fédérale, apparaît beaucoup plus légitime depuis décembre 2011 que lors de la législature précédente. Elle a été réélue, avec aisance, dans un scrutin qui, cette fois, ne sentait pas la combinazione, comme en 2007, lorsqu'il s'agissait d'évincer Blocher. Légitime comme conseillère fédérale, et donc aussi comme présidente. Elle est maintenant, un ministre comme les autres. Ses interventions sont intelligentes, précises, mesurées. Comme présidente, elle a le souci du pays, de son unité dans la diversité : les habitants des Grisons, comme de la Suisse italienne, sont habités par l'impérieuse nécessité de ces équilibres, les lecteurs de ce journal le savent bien.

     

    Un ton présidentiel, donc. Comme les Suisses l'aiment. C'est-à-dire sans élever la voix, sans se draper dans des postures supérieures, sans se hausser au niveau de l'homme ou de la femme providentiels. De ce côté-là, bravo. Reste à savoir si cette femme travailleuse mais discrète est vraiment présidente de la Confédération, ou plutôt, seulement, présidente... du Conseil fédéral. Ça n'est pas la même chose ! Nul doute que Mme Widmer-Schlumpf fasse fort bien son boulot de prima inter pares, au sein des sept. Et c'est, en effet, une partie capitale de sa fonction. Mais on pourrait, pour l'intérêt du pays, en rêver une autre : une présidente qui irait, bien davantage, au contact du pays profond. Dans le style, toutes proportions gardées, d'Adolf Ogi : un président apprécié et populaire.

     

    Là, nous touchons aux limites. De Suisse romande (et vous, en Suisse italienne ?), on a vraiment l'impression d'une ministre qui ne vit que pour convaincre le cercle très fermé de la Berne fédérale. Hier encore, elle rappelait la complexité des dossiers dont elle est chargée, ce qui est un bilan de Département, pas de présidence. Élue par le Parlement (et dans quelles circonstances, la première fois !), cette conseillère fédérale ne semble avoir pour horizon, pour théâtre d'opérations, que le Palais fédéral. Dommage. Parce qu'une présidence de la Confédération, ça doit être autre chose. Les Suisses doivent sentir la puissance d'une personnalité, le lien intime qui les unirait à un combat pour le pays. Je pense, en écrivant ces lignes, à Jean-Pascal Delamuraz. Ce type de lien, l'actuelle présidente ne l'a pas. Elle ne cherche pas à l'avoir.

     

    Reste - mais c'est une autre affaire - à dresser le bilan de son Département. Là, les Suisses la jugeront sur son intransigeance à les défendre. On sait que de nombreuses voix, notamment à droite, se montrent de plus en plus sévères en évoquant les concessions de la Suisse à l'étranger. Par exemple, en matière de fiscalité. En attendant, souhaitons que Mme Widmer-Schlumpf, pour les cinq mois qui lui restent, vienne davantage voir les Suisses, sur le terrain. Car la politique n'est pas seulement gestion au jour le jour. Mais elle aussi incarnation.

     

     

    Pascal Décaillet