Commentaire publié ce matin en une du Giornale del Popolo - Mercredi 08.08.12
Un bilan de sept mois, c'est original, inédit. On peut gloser sur le premier semestre de l'année présidentielle, ou sur l'année elle-même, mais sept mois... Eveline Widmer-Schlumpf, présidente 2012 de la Confédération, serait-elle en panne ? Aurait-elle besoin de lustrer un peu son blason, à quelques jours d'une intervention SSR du 1er août dont le moins qu'on puisse dire - en restant poli - est qu'elle n'a pas galvanisé les foules. En langue française, ce fut même catastrophique. Alors oui, quelques annonces intéressantes, hier à Berne, comme cette invitation lancée au président François Hollande. Mais surtout, pour nous, peuple suisse, l'occasion de nous interroger sur cette présidence.
D'abord, Mme Widmer-Schlumpf, comme conseillère fédérale, apparaît beaucoup plus légitime depuis décembre 2011 que lors de la législature précédente. Elle a été réélue, avec aisance, dans un scrutin qui, cette fois, ne sentait pas la combinazione, comme en 2007, lorsqu'il s'agissait d'évincer Blocher. Légitime comme conseillère fédérale, et donc aussi comme présidente. Elle est maintenant, un ministre comme les autres. Ses interventions sont intelligentes, précises, mesurées. Comme présidente, elle a le souci du pays, de son unité dans la diversité : les habitants des Grisons, comme de la Suisse italienne, sont habités par l'impérieuse nécessité de ces équilibres, les lecteurs de ce journal le savent bien.
Un ton présidentiel, donc. Comme les Suisses l'aiment. C'est-à-dire sans élever la voix, sans se draper dans des postures supérieures, sans se hausser au niveau de l'homme ou de la femme providentiels. De ce côté-là, bravo. Reste à savoir si cette femme travailleuse mais discrète est vraiment présidente de la Confédération, ou plutôt, seulement, présidente... du Conseil fédéral. Ça n'est pas la même chose ! Nul doute que Mme Widmer-Schlumpf fasse fort bien son boulot de prima inter pares, au sein des sept. Et c'est, en effet, une partie capitale de sa fonction. Mais on pourrait, pour l'intérêt du pays, en rêver une autre : une présidente qui irait, bien davantage, au contact du pays profond. Dans le style, toutes proportions gardées, d'Adolf Ogi : un président apprécié et populaire.
Là, nous touchons aux limites. De Suisse romande (et vous, en Suisse italienne ?), on a vraiment l'impression d'une ministre qui ne vit que pour convaincre le cercle très fermé de la Berne fédérale. Hier encore, elle rappelait la complexité des dossiers dont elle est chargée, ce qui est un bilan de Département, pas de présidence. Élue par le Parlement (et dans quelles circonstances, la première fois !), cette conseillère fédérale ne semble avoir pour horizon, pour théâtre d'opérations, que le Palais fédéral. Dommage. Parce qu'une présidence de la Confédération, ça doit être autre chose. Les Suisses doivent sentir la puissance d'une personnalité, le lien intime qui les unirait à un combat pour le pays. Je pense, en écrivant ces lignes, à Jean-Pascal Delamuraz. Ce type de lien, l'actuelle présidente ne l'a pas. Elle ne cherche pas à l'avoir.
Reste - mais c'est une autre affaire - à dresser le bilan de son Département. Là, les Suisses la jugeront sur son intransigeance à les défendre. On sait que de nombreuses voix, notamment à droite, se montrent de plus en plus sévères en évoquant les concessions de la Suisse à l'étranger. Par exemple, en matière de fiscalité. En attendant, souhaitons que Mme Widmer-Schlumpf, pour les cinq mois qui lui restent, vienne davantage voir les Suisses, sur le terrain. Car la politique n'est pas seulement gestion au jour le jour. Mais elle aussi incarnation.
Pascal Décaillet