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  • Nos villages, ces parcelles d'âmes

     

    Chronique publiée dans le Nouvelliste - Samedi 29.09.12


     
    Evolène, plus beau village de Suisse romande ! Ainsi en ont donc décidé les lecteurs de l’Illustré : bravo à Evolène. Rien à dire sur le choix, ce village est magnifique, tout comme le sont tant d’autres, ne serait-ce que La Sage, pour rester dans la région. Du coup, comme sans doute beaucoup d’entre nous face à cette opération de mes confrères, j’ai pris quelques minutes, me suis demandé quel aurait été mon choix. Et je me suis rendu compte du nombre de villages, principalement valaisans, que j’aimais ! J’ai fermé les yeux, pensé à eux, et c’est avec une incroyable précision, surprenante, que je les ai vus défiler dans ma tête. Parce que le village, davantage qu’un quartier de ville, se dessine. Il forme paysage, se voit en entier, d’un coup d’œil, il est au fond repérable, comme un visage.


     
    Oui, nos villages ont une âme. Oui, leur existence est indispensable au pays. Que serait la Suisse, territoire déjà très densifié, si elle était appelée à devenir une sorte de zone semi-urbaine continue, ni vraiment ville ni vraiment campagne, comme l’est hélas déjà une bonne partie de l’arc lémanique, en tout cas entre Genève et Lausanne. Comme l’est de plus en plus le triangle d’or, aux abords de Zurich. Je combats cet urbanisme-là, ou plutôt ce laisser-faire. J’aime que la ville soit la ville, et la campagne, la campagne. La récompense obtenue par Evolène est  celle d’un développement intelligent, esthétique, soucieux du bien vivre, mais aussi du visuel, l’allure du village. Ce qui, hélas, fait défaut à certaines de nos stations, à cause des errances architecturales des années 70, notamment.
     


    J’ai donc fermé les yeux, vu défiler, en vrac, Finhaut, Sarreyer, Bruson, Orsières, Ferret, Grimentz, Salvan, Saint-Jean, Fionnay, Champex, Trient, tant d’autres. Davantage, je dois le dire, dans les vallées ou sur les hauteurs que dans la plaine du Rhône : je dois être, dans mon arrière-pays cérébral, un type de plus de huit cents mètres. Bien sûr, j’ai pensé à d’autres villages, ceux du Haut-Valais, ou du Val Maggia, ou des vignes vaudoises, Toscane, Provence, Grèce. Et je crois que, si mon destin n’avait été urbain (j’adore Genève), j’aurais été infiniment heureux dans un village. Ces regroupements humains, souvent deux fois millénaires quand on remonte à l’époque romaine, voire au paléolithique, ne sont jamais là par hasard, l’eau y joue un rôle majeur, des générations se sont battues pour y vivre, parfois y survivre, les fiertés se sont dressées, les armoiries se sont imposées, de longues généalogies familiales se sont formées.


     
    Oui, la Suisse romande a besoin de ses villages. Comme elle a besoin des villes. Les uns rêvant des autres, dans les deux sens ! Les uns nourrissant l’imaginaire des autres. Mais tous, enfants du même pays. Avec ses valeurs, sa fragilité. La part du sentiment qui nous relie à lui, inestimable.


     
    Pascal Décaillet

     

  • Genève: l'Etat PLR

     

    Sur le vif - Mercredi 26.09.12 - 17.25h

     

    Je ne doute pas une seconde des compétences de Michel Halpérin pour présider les HUG. Ni de celles d’Alain Peyrot pour les SIG. Mais enfin, ils sont les deux PLR, et même clairement libéraux, ils ont l’un et l’autre présidé le parti, ils en sont l’aristocratie, la chevalerie, la nocturne continuité, même sous l’étoile de la fusion. Deux radicaux au Conseil d’Etat, et pas les moindres, il fallait bien un gage au cher cousin, non ?

     

    Les gages. Un libéral à la tête des HUG. Un libéral à la tête des SIG. Une libérale (Mme Rochat, directement présidente) à la tête de l’AIG. Pour des institutions qu’on voulait expressément « dépolitiser », c’est bien parti ! Des PLR partout, deux conseillers d’Etat radicaux qui sont en train de nous bichonner un amour de petit noyautage de la haute administration et des régies par les leurs, cela porte un nom : cela s’appelle l’Etat PLR. Une armée. Propre, organisée, avec ses réseaux : le renseignement, l’intendance, les troupes de choc. Il ne manque que « le noir kolback ou le casque poli », chers au poète.

     

    Les deux conseillers d’Etat radicaux sont intelligents et compétents. On ne va pas s’en plaindre ! Mais leur manière de placer leurs hommes, tisser leur toile, est un peu trop visible. Et puis, qui dirige vraiment le PLR ? L’aimable bailli, ou les magistrats exécutifs ? Vertige du pouvoir, quand il s’offre trop à vous. Par la faiblesse de certains autres, c’est vrai. Mais jamais, en Suisse, pour très longtemps. Pour l’heure, en tout cas, et pour pas mal de mois qui nous attendent, nous sommes sous le sceau de l’Etat PLR. Puisse-t-il, lui qui aime tant se prévaloir des Lumières, exercer de façon éclairée son despotisme.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Dimanche noir pour les bobos

     

    Sur le vif - Dimanche 23.09.12 - 15.43h

     

    57% : le verdict est clair, sans appel. Le corps électoral de la Ville de Genève, à l’issue d’une campagne où chacun a pu s’exprimer (avec notamment un débat de belle tenue entre MM David Rochat et Adrien Genecand), rejette le crédit de plus de cinq millions destiné à la mise à l’essai, pendant un an, des fameuses 50 rues piétonnes.

     

    Ça n’est pas un non à la place du piéton en Ville. Ni un non aux cyclistes. Ni un non à la mobilité douce. Ni un non aux transports publics. Je suis citoyen en Ville, j’y vote depuis 34 ans, aucun de ceux qui ont dit non n’éprouve une particulière jouissance face à une bagnole qui serait reine, et tuerait la ville.

     

    Mais c’est un non aux ayatollahs. Un non, cinglant, bien au-delà de la Ville (à part nous, les initiés, les gens savent-ils, au fond, si une votation est municipale ou cantonale ?), à la petite clique de puissants penseurs qui entreprennent toutes choses, depuis des années, pour faire de la circulation en voiture un véritable enfer. Ils veulent faire le bonheur des gens contre leur gré, c’est à cela que 57% des votants ont dit non. Ils n’ont que mépris pour les livreurs, les fournisseurs, ces gens qui font vivre l’économie réelle, mais n’entrent pas dans leurs schémas de perfection Verte. Ils veulent, surtout, punir l’automobiliste d’exister, ce qui est juste une violation du principe, accepté par le peuple, de libre choix du mode de transport. C’est à ces gens-là, ces bobos du bien être silencieux, de la ville rêvée, des écoquartiers conçus sur papier, que le corps électoral a dit non.

     

    Les gens ne font pas la différence entre la Ville de Genève, cercle électoral de cette votation, et ses abords immédiats que sont Carouge, Lancy ou Vernier. Or, que vit-on, depuis tant de mois, et de façon plus criante encore depuis la rentrée scolaire ? Un état catastrophique de la circulation à Genève. Des chantiers dont on informe les gens au dernier moment, comme celui du tunnel du Bachet, sur l’autoroute de contournement, où le Conseil d’Etat lui-même a été placé devant le fait accompli par la ministre. D’un chantier à l’autre, aucune coordination. Pour le cochon d’automobiliste immobilisé, aucune espèce de respect. C’est cela qui ne va pas, ce mépris d’en haut, cela qui doit changer.

     

    Ce dimanche, pour qui sait lire la politique à Genève, le changement est venu à 13.54h. Par un communiqué, non de la Ville, qui rase les murs, mais du Conseil d’Etat : « Les mesures de circulation ne doivent pas impacter significativement le fonctionnement du réseau routier du canton ainsi que la progression des transports publics. Le cas échéant, les communes doivent proposer des mesures d’accompagnement à mettre en œuvre pour maintenir ces conditions ». Ce communiqué, excellent, en dit long sur la volonté d’une majorité du Conseil d’Etat de prendre en mains, de façon collégiale, la question de la mobilité. Au besoin, en exerçant sur la ministre responsable, une tutelle éclairée.

     

    Les habitants de la Ville de Genève n’ont pas dit non aux piétons. Ils ont dit non à ces bobos, qui rêvent d’une vie douce, méprisent le vrai travail du commerce, de l’industrie, de l’artisanat. Ils voudraient, au fond, une ville à eux, juste pour eux. Dans le silence de leurs volutes de fumée, sur leurs terrasses branchées. Bonne nouvelle, tout de même, pour eux : fumer sur une terrasse, ils pourront. Mais c’est une autre affaire. Bonne fin de dimanche.

     

    Pascal Décaillet