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Les séraphins de la perfection morale

 

Chronique publiée dans le Nouvelliste - Vendredi 17.08.12

 

La récente affaire fiscale avec la France, à propos des successions, a enfin réveillé les consciences dans notre pays. Il y a eu les rapides, comme Philippe Nantermod, qui ont immédiatement dit leur colère. Il y en eut d'un peu plus lents, et même certains, d'inspiration chrétienne, qui ont attendu de sentir le vent, mais enfin maintenant, une bonne partie de la classe politique suisse exige des explications. Comment Eveline Widmer-Schlumpf a-t-elle pu, à ce point, se laisser avoir ? Que fait Didier Burkhalter ? Existe-t-il, d'ailleurs, vit-il ? Quelle est la stratégie d'ensemble du Conseil fédéral ? Réponse : néant.

 

Notre pays est en train de vivre, autour de sa place financière, des attaques d'une violence inouïe. Les pays d'où proviennent ces salves, à commencer par les Etats-Unis, n'ont strictement aucune leçon à nous donner en termes de moralité financière. Ne parlons pas de la Grande-Bretagne. Encore moins de la France, dont la gestion des finances publiques, depuis des décennies, sous la droite comme sous la gauche, est catastrophique. Et qui ne cherche, par ses actions contre la Suisse, qu'à se renflouer. C'est cela, la vérité des choses, cela et rien d'autre.

 

Face à cette guerre - c'en est une, et sur plusieurs fronts - tout pays normalement constitué réagirait par la guerre. Préciser nos valeurs. Expliquer à la population que les banques suisses ne sont pas, à la base, une émanation du diable, qu'elles ont certes commis des erreurs, mais qu'elles demeurent d'immenses sources d'emplois et de richesse nationale. En guerre, il faut une stratégie, une cellule de crise, une vision claire, une volonté inébranlable de défendre les intérêts du pays. Franchement, vous sentez cette ivresse dionysiaque chez Mme Widmer-Schlumpf ? Chez M. Burkhalter ?

 

Le pire, ce sont les ennemis de l'intérieur. Les gentils moralisateurs. Ceux qui, en pleine guerre, alors qu'il faut monter au front et parer au plus pressé, nous dispensent la leçon sur la Suisse pourrie, la Suisse qui doit se mettre au diapason, la Suisse qui doit accepter toutes les exigences de nos chers voisins. Ces puristes de la morale abstraire, ces séraphins de la perfection, ont-ils seulement compris que nous étions en guerre ? Que certains avaient décidé, là-bas, en invoquant le paravent de l'éthique, d'avoir notre peau ? Ne voient-ils pas, ces braves gens, que l'Histoire humaine n'est rien d'autre qu'une succession de rapports de force ? Quelle culture historique ont-ils ? Qu'ont-ils lu ?

 

Ceux qui, depuis plus de douze ans, me lisent dans ce journal, savent bien que je ne roule pas pour les forces de l'Argent. Et que je veux une primauté de l'Etat, et de l'intérêt public, sur les désordres de l'économie. Mais enfin, il y a le temps de la réforme, de la discussion. Et il y a, un peu plus urgent, le temps de la guerre. Nous sommes dans le second cas de figure. Si nous dormons, nous sommes morts.

 

Pascal Décaillet

 

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