Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • Annie Girardot

     

    Elle était une comédienne populaire. Parlait droit au cœur des gens. Elle vous faisait pleurer, et parfois rire, c’était selon. Les salles, elle les remplissait. Certains films, par sa seule présence, elle les sauvait du néant. Les dernières années, elle souffrait d’Alzheimer. Ne se souvenait plus d’avoir été actrice.

     

    Elle avait pleuré, lors d’une célèbre remise de Césars. Nous avait bouleversés. Elle avait parlé du manque, de ce vide sidéral de la comédienne à qui on « oublie », quelques années, de proposer des rôles. Elle n’avait pas évoqué la plénitude d’un personnage, mais l’horrible vacance de l’intermittence. On ne vous connaît plus, on ne vous reconnaît plus.

     

    Mais ce désert-là, elle l’avait traversé. Avant d’en connaître un autre. Ca n’est plus le monde qui t’oublie, mais toi, doucement, tu oublies ton propre monde.

     

    Je souhaite que cette grande dame repose en paix. Le cinéma français, cette fois, ne l’oubliera plus jamais.

     

    Nous non plus.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

  • Hic et nunc

     

    Chronique publiée dans la Tribune de Genève - Lundi 28.02.11

     

    Le latin. Des centaines d’heures, dès l’âge de 12 ans, sur la matière du langage. Une réflexion sur la construction de la phrase, les rapports entre les mots. La découverte de l’origine d’une immense quantité de vocables français, l’évolution de leur sens à travers les âges. Des outils utiles pour tant d’autres langues.

     

    Défendre le latin, ça n’est pas s’accrocher au passé. C’est lutter pour une certaine conception de l’enseignement, où prof et élèves, à mille lieues des béatitudes globales, s’interrogent sur l’organisation des mots dans la phrase. Au début, comme la musique, c’est plutôt rugueux. Les premiers chemins sont caillouteux, avec le temps ils s’adoucissent.

     

    La possibilité de tenter cette aventure doit être offerte à tous. Elle doit le demeurer dès la première année de l’école secondaire, l’actuelle 7ème. Le latin n’est pas un luxe pour une élite sociale, ne doit surtout pas l’être. La force, la grandeur de l’école républicaine, c’est justement de donner à tous une chance de s’élever vers des sphères insoupçonnées. Le latin en est l’un des moyens, parmi d’autres.

     

    Le latin n’appartient pas aux seuls latinistes. Il vaut mieux que la triste solitude des salons bourgeois. Il est une part de nous-mêmes. Il a contribué à nous façonner. Il compte pour beaucoup dans notre bagage génétique. Il n’y a, en lui, rien d’archaïque. Il est présence. Hic et nunc.


    Pascal Décaillet

     

  • Tu ne tueras point, Emmanuel

     

    Sur le vif - Dimanche 27.02.11 - 11.39h

     

    J’ai déjà, il y a quelques semaines, ici même, parlé d’Emmanuel Kilchenmann. Je l’ai reçu à « Genève à chaud », mais aussi, avec Alexis Favre, au « Grand Oral ». 30 ans, président des Jeunes démocrates-chrétiens fribourgeois, un être issu de Stendhal, de l’époque où existaient encore les grands ordres : l’Eglise, l’armée. Une armature idéologique hors du commun sur les fondements de la démocratie chrétienne européenne. Certains parlent de Léon XIII et de Rerum Novarum (1891) : lui, clairement, les a lus, il les a placés dans un contexte historique, il estime que la Doctrine sociale peut encore avoir des résonances, 120 ans après.

     

    Mais Kilchenmann est également capitaine à l’armée. Est-ce, il y a une vingtaine de minutes, l’impétuosité du grenadier qui s’est réveillée en lui ? Invité de La Soupe, répondant à une question d’Anne Baecher sur la  responsabilité morale de l’ancien syndic de Fribourg, l’actuel conseiller national Dominique de Buman, numéro 2 du PDC suisse, dans l’affaire de la caisse de pension de la Ville, c’est sans une once d’hésitation que le jeune ambitieux a déclaré coupable son cher camarade de parti.

     

    Cela s’appelle un meurtre en direct. Cela rappelle une constante de la politique : l’ennemi est toujours à l’intérieur du camp, les dagues sont chez les « amis ». Chaban, en avril 1974, en a su quelque chose de la part de Chirac. Mark Muller, à Genève, l’éprouve à ses dépens. L’assassinat en politique, est chose courante. Presque un passage obligé. Mais, avec un tel sang-froid, comme à la Soupe sur le coup de 11.15h, c’est de la belle ouvrage. Il est possible que Dominique de Buman n’apprécie que très moyennement cet homicide dépourvu de toute négligence.

     

    Pascal Décaillet