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  • La Francophonie ne sert strictement à rien

     

    Edito - Giornale del Popolo - Lundi 25.10.10

     

    Adossée au lac Léman, face aux sublimes montagnes de Haute-Savoie et du Valais, la ville de Montreux, dans le canton de Vaud, jouit d’un paysage sans pareil. On y déguste aussi d’excellents petits-fours, avec saumon, champagne, langoustines, et l’esturgeon décliné sous toutes ses formes. Lors du Sommet de la Francophonie, qui vient de s’y tenir ce week-end (il s’est achevé dimanche soir), il y en eut donc pour le goût et pour le regard, pour les papilles et pour l’œil. Sans compter la présence de quelques femmes de rêve, robes longues, épaules nues, cernées de smokings et du désir des hommes. C’était Montreux, ce week-end. Le rêve. A un détail près : c’est que la francophonie ne sert strictement à rien.

     

    Ou plutôt si. Elle sert à engraisser, précisément, une nébuleuse d’improbables et d’inutiles, la Sainte-Alliance des cocktails, ceux qui jacassent et qui pérorent. Ils ne disent rien. Mais ce néant, ils l’expriment en français, s’il vous plaît. Le français : Dieu sait si nous aimons cette langue, qui est nôtre, nous les Suisses romands, comme les Français, les Belges, les Québécois, les Algériens, les Sénégalais. Mais Dieu sait, aussi, s’il convient de se méfier comme de la peste de ce conglomérat de petits copains, de réseaux de la France post-coloniale, de suppôts du Quai d’Orsay, d’universitaires en fin de carrière, de journalistes qui ne pratiquent plus : oui, c’est cela, la francophonie.

     

    Et les pires, ce sont les défenseurs de la langue française. Ils ont de cette dernière une conception figée, fossilisée, paléolithique. Ils voudraient qu’on la parle comme dans des traités de grammaire du dix-neuvième siècle, détestent les apports de l’extérieur, vomissent l’anglicisme, veillent sur la langue comme des Gardes rouges. Oui, c’est aussi cela, la francophonie.

     

    En attendant, Montreux aura été, l’espèce d’un week-end (horreur, un mot anglais !), capitale du monde francophone. Et va pouvoir, tout doucement et tant mieux pour elle, pouvoir reprendre le cours normal de son existence.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Garde noire, nuits blanches

     

    Sur le vif - Lundi 25.10.10 - 09.06h

     

    Ce matin, sur Radio Cité, pour donner la réplique à Soli Pardo, non pas François Longchamp, mais sa Garde noire. Réplique ? Pas exactement : il n’y eut pas débat, mais succession de prises de parole.

     

    La Garde noire, c’est le secrétaire général adjoint du Département. Je ne dirai pas son nom, car je dois protéger sa personnalité. C’est ce que m’a aimablement demandé, un jour, son supérieur, le secrétaire général tout court, un homme totalement inconnu au bataillon, disons le chaînon invisible entre le magistrat élu et l’adjoint de l’adjoint.

     

    Et c’est cela qui me titille. Le secrétaire général tout court, qui est supérieur au secrétaire général adjoint, strictement personne ne le connaît, il ne monte jamais au front. Si ce n’est, par lettre courtoise, pour appeler à la protection de la personnalité (évidemment en grand danger) du secrétaire général adjoint, alias la Garde noire. Une aspirine ?

     

    Le secrétaire général adjoint est un homme de valeur. Dont il s’agit de protéger la personnalité. Des fois qu’elle exploserait en vol. Donc, pour résumer, il y a un conseiller d’Etat, qui monte au front quand ça l’arrange, un secrétaire général totalement inconnu au bataillon, et un secrétaire général adjoint, alias la Garde noire, qui affronte très volontiers micros et caméras. Mais dont il ne faut pas parler. Car il faut protéger sa personnalité.

     

    C’est comme si je vous disais : « Je ne suis hélas pas disponible, mais voyez avec l’adjoint de mon adjoint. Car mon adjoint tout court est trop inconnu au bataillon. L’adjoint de mon adjoint, lui, faites-lui confiance, il connaît tous les dossiers ». Alors, va pour l’adjoint au carré, sauf que du coup, l’adjoint tout court vous invite à respecter la personnalité de l’adjoint de l’adjoint. Alias la Garde noire.

     

    Pas simple, le Département Longchamp. Dans ce jeu de cagoules, masques et bergamasques, le marivaudage (qui n’est pas sans séduction) le dispute au culte de l’ombre. Peut-être est-ce là l’une des tâches de l’adjoint de l’adjoint, qui a en fait plus de pouvoir que l’adjoint tout court. Et dont il s’agit de maintenir le nom secret. Car il faut protéger sa personnalité.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

     

     

     

     

  • La lune, les cochons

     

    Chronique publiée dans la Tribune de Genève - Lundi 15.10.10



    Pardo, Stauffer, deux tronches, deux tempéraments, deux révoltes. Ici, le Levantin à la prunelle d’ébène. Là, le boulangiste aux petits matins blêmes, hâbleur, rassembleur. Deux écorchés, deux contestataires, mauvais garçons, l’un et l’autre profondément anti-bourgeois. Parce que les bourgeois, c’est comme les cochons.

    Chaque année, sur les bords du lac de Garde, je passe devant le Vittoriale, à Gardone, la somptueuse demeure du poète Gabriele D’Annunzio, et je pense à Soli Pardo. Il y a, dans l’anticonformisme de ce rebelle, quelque chose de littéraire, une petite musique lunaire, une extase de la face cachée dont on sait qu’elle peut conduire à l’irrédentisme. Contre les bourgeois, les cochons.

    Les bourgeois, c’est qui ? C’est l’ordre établi. Celui des partis gouvernementaux. Celui de son propre parti, qu’il a fini par fuir. Sans doute, aussi, l’inéluctable de sa propre existence. Le destin, c’est comme la grammaire, il faut constamment la casser, quérir l’exception. Exalter la rupture. Il paraît que Kadhafi veut détruire la Suisse. Soli, lui, veut détruire Pardo. Par esthétisme. Contre les cochons.

    C’est comme dans la chanson, il y a Maître Soli et Maître Pardo. Dans la nuit éthérée de leur mémoire, les temps anciens où ils faisaient les quatre cents coups. En ce temps-là, Soli avait rendez-vous avec la lune. Pour hurler dans la nuit. Contre les cochons.

    Pascal Décaillet