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  • François Longchamp nous annonce la Troisième République

     

    « En tant que  radical, je refuse que l’on tombe dans un rapport de force entre la droite et la gauche… Toutes les réformes essentielles doivent faire l’objet d’un consensus politique qui dépasse ce clivage traditionnel ». Propos de François Longchamp, président du Conseil d’Etat genevois, interviewé par ma consœur Sandra Moro, dans « Le Temps » de ce matin.

    A lire cette apologie de la transversalité politique (le bleu du ciel de ce matin d’arrière-automne, générateur de bonne humeur, me freine dans l’emploi d’un mot plus fort), on a l’impression que la droite genevoise ne serait majoritaire que d’un rien. Et que, par là, elle serait condamnée à passer des accords, disons pour le moins avec les Verts. En clair, le radical François Longchamp (11 députés au Grand conseil) parle comme si rien, aucune alliance possible, fût-elle de circonstance, n’existait à droite de l’Entente (43 sièges si on totalise libéraux, radicaux et PDC). D’un revers de main, l’admirateur extatique de Louis Casaï fait comme si les 9 élus de l’UDC, et surtout les 17 élus du MCG n’existaient pas. Hors de son camp, il ne regardera donc que sur sa gauche.

    C’est évidemment son droit. Mais franchement, son camp l’a-t-il élu pour cela ? Et puis, laissons parler les chiffres : 43 de l’Entente + 9 de l’UDC, c’est déjà une majorité. 43 de l’Entente + 17 du MCG, ce sont trois députés sur cinq. Enfin, les trois réunis, et nous avons la vérité de l’expression populaire du 11 octobre : une gauche particulièrement minoritaire, pour quatre ans. Pourquoi François Longchamp ne compte-t-il pas davantage exploiter cette victoire ? Pourquoi annonce-t-il la continuation, à tout prix, de consensus transversaux, qui furent le fait quasi obligé, pour cause de cohabitation, de l’ancienne législature (CEVA, réforme du cycle d’orientation, baisse d’impôts) ? Là, pour quatre ans, il bénéficie d’une marge de manœuvre impressionnante à droite : ce matin, à bien lire l’interview du Temps, il nous laisse entendre qu’il ne compte guère l’utiliser.

    C’est ainsi, dans un gouvernement, lorsque le président est issu d’un parti ne faisant que 11%. Et c’est là que le bât blesse, dans le système. Pierre Kunz, parmi d’autres, plaide pour des exécutifs issus d’une charpente idéologique, et non d’un patchwork. Avec un président pour l’ensemble d’une législature, dont on peut aisément imaginer qu’il viendrait du parti le plus fort – et non le plus faible – de la coalition. Au lieu de cela, nous voilà avec un parti radical qui passera quatre ans à compenser la modestie de sa représentation parlementaire par de grandes leçons de morale données aux gueux de la marge. Rappelant, sans cesse, qu’il est, lui, un parti de gouvernement. Comme si ce statut relevait de l’essence, et non d’un choix du peuple. Ce petit jeu, qui rappelle tellement les combinaisons de la Troisième République, nous est promis pour quatre ans. Au-delà, nous verrons bien.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Pardo, Leyvraz

     

    Tribune de Genève - Jeudi 10.12.09

     

    De Soli Pardo à Eric Leyvraz, il y a toute la distance de la Lune à la Terre, de la folie saturnienne de Gabriele d’Annunzio à la sagesse vigneronne de la dernière époque de Gilles. Deux hommes que tout oppose, si ce n’est, dans un cas comme dans l’autre, une solide et impressionnante culture.

    Des UDC cultivés ? Eh oui. Avec Pardo, il y a toujours à reconquérir Fiume, ou quelque rivage de la côte dalmate, dans le soleil noir du sang qui sèche. Avec Leyvraz, on peut parler politique ou histoire, un bon bout, sans s’ennuyer. Avec Pardo, toujours un zeste d’ivresse, le verbe en verticale disponibilité à se frelater, qui s’élève jusqu’au trébuchement. Chez Leyvraz, la phrase est tranquille, le pas mesuré : on chemine vers le langage comme on monte vers les ceps.

    Avec son nœud papillon, ce nouveau président qui a tellement l’air d’un syndic vaudois des années soixante, évidemment radical, fera-t-il oublier les solitaires pulsions prétoriennes de son prédécesseur ? Ramènera-t-il le parti dans le sillon agrarien ? Tendra-t-il la main à l’Entente, en vue des communales ?

    Autres temps, autre verbe. Un fou et un raisonnable, au fond. Un patineur et un marcheur. Un qui dérape, un qui assure. Celui qui croyait à la nuit noire, celui qui guette le gel. Celui qui sème, celui qui récolte. Celui qui désire tellement la ligne jaune. Et celui, plus prudent, qui se contente de la contempler.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Tu montes à l’autel, chéri ?

     

    Etrange République, en vérité, qui se proclame laïque depuis 1907, mais dont le gouvernement prête serment, tous les quatre ans, dans une… cathédrale !

    On me dit qu’elle est, pour l’occasion, sécularisée. Je veux bien. Mais alors, si c’est pour extraire le sacré, comme on ôte une épine, pourquoi ne pas tenir cérémonie à Palexpo ? Ou l’Arena ? Ou l’aéroport ? Ou dans une halle polyvalente de la zone suburbaine ? Ou, si on tient à tout prix à la présence de l’Histoire, à l’Hotel-de-Ville, qui est palais républicain.

    Diable. Ces voûtes et ces lumières, le feu du vitrail, l’empreinte, jusque dans la pierre, de tant de milliers de prédications, la marque des siècles, la trace des chants et des prières, nos autorités profanes y seraient-elles, peut-être, moins insensibles que le raide et le roide de l’équerre ne le laisseraient transparaître ? Les extatiques de la matrice froide seraient-ils, au-dedans d’eux-mêmes, orphelins d’une autre matrice, brûlante comme une filiation perdue ?

    Singulière contrée, oui, où les élus de la République viennent se mettre en communauté avec les Saintes Ecritures, juste une heure, juste en passant, le temps d’un serment. Avant de rejoindre, pour quatre ans, le doux régime de Séparation. Irait-on à l’autel comme irait aux filles ?

    Juste une dernière fois. Avant le sacerdoce républicain.

     

    Pascal Décaillet