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  • Le Père Collomb, les minarets, ma déception

     

    Je n’ai jamais caché, ni ici, ni ailleurs, mon opposition à l’initiative sur les minarets. Tout en saluant et en respectant la décision populaire de dimanche, je voudrais dire pourquoi ce choix de mon pays m’a déçu.

     

    Du plus loin qu’il m’en souvienne, le premier homme qui m’ait ouvert au fait religieux (à part ma famille) est le Père Louis Collomb, aumônier du primaire, dans les années soixante, dans l’école de mon enfance. Mon ami Bertrand Ledrappier, le député Pierre Weiss, le regretté Jean-Philippe Maitre, et tant d’autres, sont passés par la fréquentation de cet homme d’exception, la douceur incarnée, l’ouverture au phénomène religieux, bien au-delà des barrières et des étiquettes.

     

    Le Père Collomb, qui nous a quittés il y a hélas des décennies déjà, qui était-il ? Un prêtre de l’après-guerre, dont la famille avait souffert sous l’Occupation, qui s’était formé avant Vatican II, et, au moment où je l’ai connu (1965), venait de sortir de ce Concile. Il commençait à en intégrer la dimension rénovatrice, nous en parlait d’ailleurs, nous expliquant ce qui allait changer.

     

    Louis Collomb, cheveux en brosse, soutane, très maigre, visage froissé, regard incroyablement bienveillant, toujours souriant, est l’homme à qui je dois la religion catholique. Non pas l’homme de mon baptême (1958, à l’église du Châble, en Valais), mais celui d’une initiation religieuse exceptionnelle, celui de la communion et de la confirmation.

     

    Surtout, le Père Collomb est l’homme qui, dans un esprit de tolérance inégalé, nous a enseigné, entre 1965 et 1969, les autres religions. Judaïsme, Islam, bouddhisme, animisme, etc. Et même l’athéisme, qu’il considérait comme une forme de religion. Et même l’agnosticisme ! Et je veux dire ici, avec force, que jamais – je dis jamais – il n’a eu une phrase nous laissant entendre qu’il prodiguait cette ouverture à titre didactique, mais qu’au fond, nous devions garder en tête que le christianisme serait meilleur.

     

    Jamais le Père Collomb, qui restera pourtant pour moi l’incarnation de l’esprit chrétien, n’a eu le moindre mot dégradant face à une autre sensibilité spirituelle sur cette terre. Le judaïsme avec ses prophètes, ses rites, l’Islam avec la vie de Mahomet, les premiers califats, le Coran. Tout cela, simplement, nous était exposé, avec douceur, lumière, intelligence. Eh oui, paradoxe, ce fameux « enseignement du fait religieux », dont la nécessité s’impose de plus en plus, c’est un prêtre catholique en soutane qui nous l’aura prodigué.

     

    Alors ? Alors, rien. Cela ne change rien, je le sais, à la perception que le peuple suisse a aujourd’hui de l’Islam, encore une fois je respecte le vote de dimanche. Mais voilà, avant-hier, sur le coup de 14 heures, j’ai pensé très fort au Père Collomb. A son sourire. A sa douceur. A ces rayons de lumière dans sa salle de cours. A ses diapos sur Moïse, Jean-Baptiste, le Jourdain, les martyrs de l’Ouganda, le Pèlerinage de la Mecque. A son aube blanche, lorsqu’il disait la Messe.

     

    Un jour, plus tard, j’ai appris que son père avait été fusillé par les Allemands, sous ses yeux.

     

    Je n’oublierai jamais le Père Collomb. Et jamais, tout minoritaire soit ce choix, je ne stigmatiserai une autre religion.

     

    Voilà pourquoi, dimanche, j’ai voté non.

     

    Pascal Décaillet