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  • Méfions-nous des pèlerins et des amateurs d’architecture

     

    Chronique publiée dans le Nouvelliste - Vendredi 18.12.09

     

    Dédier une chapelle à une sainte. Vouloir que ce lieu de recueillement s’érige dans le plus beau paysage possible, là où soufflerait l’esprit. Et puis non, pas seulement l’esprit, quelque chose de la terre et puis de la lumière, cette sorte de matière ou de glaise qui, reflétée dans un coin de ciel, porterait la solitude du pèlerin à une forme d’élévation. De rencontre. Depuis la nuit du christianisme, c’est cela une chapelle. Ca n’a rien de grand, rien d’arrogant, c’est à des années-lumière de la majesté d’une cathédrale.

    Le Valais, pays de montagne, est terre de chapelles. Comme le Piémont, le Val l’Aoste, la Haute-Savoie, le Haut-Adige, quand on descend du Brenner vers le lac de Garde, et que, d’un seul regard, on peut parfois en embrasser cinq ou six, sur le flanc de la vallée. Les Grecs aussi avaient leurs lieux de magie (Delphes, Epidaure), leurs divinités tutélaires, leurs Athénas protectrices ou éponymes, et bien souvent le culte du petit, qui n’était ni Parthénon, ni Pergame. Les Napolitains ont leurs madones, aux joues roses, posées sur leurs postes TV. C’est ainsi, c’est la vie, les rationalistes ricanent, rien n’y change.

    Dédier une chapelle, donc, à ce tout petit bout de femme qu’on tient pour une sainte, Mère Teresa. Confier sa construction à l’un des plus grands architectes de notre temps, Mario Botta. Choisir le Moosalp, à Törbel. Et finalement, suite au recours d’une Ligue en adoration devant le patrimoine, buter sur le Tribunal fédéral. Elle craignait quoi, cette Ligue : le trop-plein de pèlerins et d’amateurs d’architecture !

    Les voilà donc, les grands dangers du troisième millénaire : les pèlerins et les amateurs d’architecture. On aurait pu penser au loup, à la grippe noire, aux ravages du profit spéculé, au manque d’amour sur la terre, à la douleur des familles déchirées, à la Grande Faucheuse qui nous guette nous, à la petitesse de nos pauvres âmes, aux maquereaux de Chappaz, à ces amours errantes qui, à peine rencontrées, déjà nous quittent et nous délaissent. Mais non, le péril suprême, ô mes douces sœurs, ce sont les pèlerins et les amateurs d’architecture.

    J’ai enfin compris à quoi servaient les juges : ôter à des pèlerins l’idée saugrenue d’aller dans une chapelle. Je vais y réfléchir, tiens : à l’ombre d’un minaret.

     

    Pascal Décaillet

  • Laïcards au carrré

     

    Tribune de Genève - Lundi 14.12.09

     

    Plus laïcard que laïcard, tu connais, mon frère ? Plus extrémiste que le petit Père Combes. Plus bouffeur de curés qu’un radical de Fully, canal hystérique. Plus allumé que le général André, qui fichait les officiers allant à la messe. Plus phrygien que le plus enragé des sans-culottes. Cela porte un nom : cela s’appelle un Jeune socialiste suisse.

    L’ennemi numéro un, pour la JS ? Le chômage ? Le réchauffement ? La fièvre du profit ? Niet. Le diable, l’urgence absolue à combattre, c’est la religion. Dans un papier de position (dont l’horizontalité n’a d’égal que celle du missionnaire), nos jeunes et sémillants esprits, qui avaient déjà appelé les socialistes à sortir de l’Eglise catholique, sont allés si loin que le député neuchâtelois Baptiste Hurni, samedi soir à la RSR, juste après avoir claqué la porte, évoquait la « vieille haine bolchevique » de la religion au sein des JS.

    Cette hargne en éruption dessert, hélas, le principe même de laïcité, dont le catholique qui signe ces lignes tient à rappeler la nécessité, pour cohabiter en République. Comme le note très bien Yves Scheller, la laïcité, ça n’est pas l’anti-religion. Ca exige une certaine culture. Une certaine connaissance. Un certain respect. Et puis peut-être juste, avant de s’exprimer sur ce genre de questions, lire deux ou trois livres. Ou quelques centaines. Contre le ridicule, ça peut aider.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

  • La Régente épicène et les Saxons déboussolés

     

    Sur le vif - Samedi 12.12.09 - 17.45h

     

    Le budget 2010 de la Ville de Genève, tout ce samedi devant le Conseil municipal : une majorité de gauche écrasante alignée couverte, refusant avec une discipline systématique et prussienne les amendements de l’Entente, dont certains sont pourtant hautement justifiés ; une ministre des Finances dans le discours de laquelle l’épicène le dispute à l’arrogance ; un PDC dont on se demande à quel camp il appartient.

    La ministre ? Sandrine Salerno. Un discours préliminaire où les « toutes et tous » (comme si le neutre « tous » n’englobait pas les deux sexes) ne se font voler la vedette que par un « sots et sottes » (si !). Un ton donneur de leçons, cassant, pour remettre à leur place les spadassins de l’Entente qui se risqueraient, les insensés, à oser des amendements. Ces Simon Brandt, ces Olivier Fiumelli, ces Adrien Genecand, qui décidément auront fait leurs premiers pas en politique, comme naguère Pierre Maudet, dans la posture frontale des minoritaires (ça forge le caractère), la Régente leur répond par des leçons de morale. C’est un peu la tonalité de cette instance, qui régit une communauté humaine de quelque 240.000 habitants avec les mêmes mots que si elle était chargée des sept millions d’âmes de la planète.

    Ils sont courageux, ces jeunes grenadiers de la cause perdue. Contre eux, ils ont non seulement une majorité, mais une sorte de prétention morale à constamment définir ce qu’est le bien. On se frotte les yeux, on pense à la loi de 1907 : on se croirait presque au temple.

    Et tiens, puisqu’on parle d’église, le PDC de la Ville, dans ce débat, étonne par son extrême ductilité. Il joue avec la boussole de la gauche et de la droite à en démagnétiser les pôles. Les Saxons, à la bataille de Leipzig (16 au 19 octobre 1813) étaient assurément plus fiables. C’est dire.

     

    Pascal Décaillet