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  • Demain à Genève: calme plat ou séisme?

    Commentaire publié ce matin en une du Giornale del Popolo - Quotidien tessinois - Samedi 14.11.09

    Demain, dimanche 15 novembre, Genève : le calme plat ou le séisme ? La bonne, vieille, ronronnante continuation avec les mêmes équipes, les mêmes pactes transversaux entre la droite et la gauche ? Ou l’amorce d’une rupture ? C’est tout l’enjeu de l’élection au gouvernement cantonal. Il est majeur.

    La rupture, à Genève, porte un nom : Eric Stauffer, 45 ans, député, président du Mouvement Citoyens Genevois, le MCG, parti dont il est tout à la fois le fondateur, l’âme, l’inspirateur permanent, le gourou, le directeur opérationnel et stratégique. Bref, le MCG, c’est lui. Zéro député en 2001, neuf en 2005, dix-sept depuis le 11 octobre 2009. A coup sûr, l’une des ascensions politiques les plus impressionnantes de l’après-guerre, à Genève.

    Selon Stauffer et les siens, le MCG ne serait « ni de droite, ni de gauche », mais juste au service des citoyens. De fait, il est arrivé à ce mouvement, dans la dernière législature, de voter avec la gauche sur des sujets sociaux. Mais tout de même, disons le clairement : ses positions en matière de sécurité, son verbe court et musclé, sa constante stigmatisation des frontaliers (les Français de Haute-Savoie et de l’Ain qui viennent, en effet nombreux, travailler à Genève) classent plutôt le MCG à la droite de l’échiquier. Et sans doute même à la droite de la droite.

    Un homme, d’ailleurs, ne s’y est pas trompé : un certain Christoph Blocher ! Mercredi dernier, en direct sur Radio Cité, il décochait une véritable volée de bois vert à la section genevoise de l’UDC, en effet en très petite forme en cet automne 2009, elle qui était arrivée en tête, en suffrages, lors des élections fédérales d’octobre 2007. De véritables apprentis, à en croire Blocher, des bleus, des puceaux, qui se seraient faits complètement doubler par des professionnels. Pragmatique, l’ancien conseiller fédéral souhaite même un rapprochement entre l’UDC et le MCG. Numériquement, une fusion donnerait naissance au premier parti du canton, et de loin. Mais culturellement, elle n’est absolument pas à l’ordre du jour, tant les deux équipes se détestent.

    D’ailleurs, la force du MCG, c’est que tout le monde le déteste. La gauche socialiste (qui a certes la détestation aussi facile que sa propension à distiller, tous azimuts, des leçons de morale), mais aussi les partis dits de « l’Entente », démocrates-chrétiens, radicaux et libéraux. Particulièrement faible dans cette campagne, le parti radical genevois, héritier de la grande figure de James Fazy (1794-1878, le père de la Genève républicaine, celui qui a abattu les fortifications et donné au canton ses institutions), passe son temps à regretter l’existence du MCG, la tonalité du MCG, le verbe du MCG, la visibilité du MCG. Il fait campagne sur des thèmes trop cérébraux, et ne peut plus guère compter que sur l’intelligence et le talent politique de son conseiller d’Etat sortant, François Longchamp, ainsi que sur le jeune et brillant Pierre Maudet (31 ans, membre du gouvernement de la Ville de Genève), pour survivre. Jusqu’à quand ?

    Calme plat, ou séisme : voilà donc Genève cramponnée à une élection dont on sait déjà (par le vote par correspondance) que la participation sera très bonne. Genève retient son souffle. En attendant, une chose est sûre : si les cinq partis qui se partagent le gouvernement (socialistes, Verts, PDC, radicaux, libéraux) sauvent leur quintet d’arrangement, et s’imaginent qu’ils pourront continuer comme si rien ne s’était passé, Monsieur Stauffer leur donnera rendez-vous dans quatre ans. Et là, la République des copains et des conciliabules pourrait très sérieusement trembler.

    Pascal Décaillet





  • En mémoire d’Adrien

     

    Tribune de Genève - Jeudi 12.11.09

     

    Mars 1999 : Adrien Pasquali, quarante ans, choisit de quitter ce monde. Celui des hommes, mais aussi celui des livres, où il sera passé comme une trace filante, dans la nuit. Né en 1958, en Valais, d’origine italienne, écrivain, chercheur, traducteur, auteur d’une thèse sur Ramuz, Pasquali, aujourd’hui encore, nous éclaire sur les auteurs de Suisse romande, de Gustave Roud à Nicolas Bouvier. Il est parmi nous. Il nous manque.

    Demain, vendredi 13, dès 9h, salle B 112, Uni Bastions, sous l’impulsion de Sylviane Dupuis, qui lui a succédé dans sa charge de cours à l’Université de Genève, un colloque rendra hommage à Pasquali, l’une des personnalités littéraires les plus attachantes de la littérature romande. Par la qualité de son regard, son acuité critique, sa culture, mais aussi son œuvre propre. On pense évidemment, en priorité, au « Pain du silence », publié chez Zoé l’année de sa mort.

    Qui était-il, cet homme étrange ? A coup sûr, un passeur. Mais aussi un défricheur d’univers. Celui qui décrypte le langage des autres. Mais encore, et peut-être surtout, celui qui nous invite sur le grand chemin de traverse : le sentier de la racine vers l’apesanteur, l’identité perdue, pour peu qu’elle fût jamais acquise. Ce vendredi, Adrien, nous penserons à vous. Comme à tous ceux qui, nous ayant ouverts aux livres, nous ont ouverts à la vie.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Maudet debout. Au milieu des Assis.

     

     

    Comme le milan sur la palombe, Pierre Maudet pique en vrille sur Ueli Maurer. Il lacère, décortique, désosse, et cette féérique charcuterie, salée comme cochonnaille d’automne, excite les esprits et aiguise les sens. Enfin quelqu’un qui se bat. Ca fait plaisir à voir. Et même à humer, tiens.

    Ce matin, sur l’idée ahurissante de laisser une police privée sillonner les Pâquis (ce ne sont pas ces braves agents, le problème, c’est le signal de démission de l’Etat dans la plus régalienne de ses tâches), revoilà qui ? Maudet, pardi ! Pour asséner quelques vérités qui ravissent l’oreille. Le verbe est simple, imagé, la phrase courte, percutante. Tout cela, non au service du populisme, mais de l’esprit républicain. Bref, tout ce que nombre de ses collègues de parti, englués dans l’abstrait, les excès lacrymaux et les leçons de morale, ne savent plus faire.

    Curieux, non ? Maudet, qui ne brigue nulle fonction en cet automne 2009, se démène dans tous les sens, alors que certains candidats brillent par un excès de tranquillité qui, même en cas de réélection, pourrait bien leur jouer de sérieux tours. C’est cela qui ne va pas dans ce quintet des sortants: cette impression d’immuable, d’entre-soi. De club. La sérénité des notables. Des Assis.

    Au point qu’ils ont la singulière arrogance, pour se démarquer des outsiders, de s’auto-qualifier de « partis gouvernementaux ». Comme si on était « gouvernemental », non par la volonté du peuple, mais par une sorte d’essence. Divine ? Transcendante ? Génétique ? « Moi, Monsieur, je n’ai fait que 11%. Mais, désolé, je suis gouvernemental : C’est mon être. Ma nature ».

    Cette fois encore, sans doute, ils sauveront leur place. Mais mille questions demeurent, dans ce système électoral qui favorise à l’extrême les alliances, ne laisse aucune chance à la marge, coalise et coagule, dans un pacte de permanence, les éléments les plus disparates. Ces leçons-là, un homme comme Pierre Maudet est prêt à en discuter. Et les autres ? Ils attendent la prochaine échéance ? Dans quatre ans ? Ou, peut-être, la prochaine défaite ?

     

    Pascal Décaillet