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  • César, Brutus, et le temps des cerises



    Pour quelqu'un qui s'en va et prétend avoir désormais comme priorité les conserves de cerises, Pascal Couchepin ne perd pas le nord. Dans une interview accordée à Ludovic Rocchi, publiée aujourd'hui dans le Matin dimanche, mais réalisée dans son bureau de Berne, vendredi matin, juste après l'annonce de son départ, l'Imperator annonce clairement la couleur pour sa succession: « Il est dans l'intérêt du pays que mon siège revienne à un libéral-radical latin ».

    A la bonne heure! Il a dit « latin », pas « romand », c'est déjà un signe, n'est-ce pas, Monsieur Pelli. Mais enfin, voilà qui laisse le champ ouvert. A une exception près: il a dit « libéral-radical », entendez: « Il n'est pas question que l'ennemi héréditaire, celui de la bataille du Trient et du Sonderbund, vienne nous griller la politesse sur ce coup-là ». En clair, par atavisme partisan, il écarte d'un revers le plus férocement doué de ses successeurs possibles, Christophe Darbellay. En politique, on tue les pères, mais on tue aussi les fils, même adoptifs. En politique, c'est souvent César qui tue Brutus. Délicat et charmant, non, comme un flot de sang sur la candeur d'une toge.

    On peut aussi voir les choses autrement. Darbellay, comme Couchepin, est un fauve qui s'abreuve aux eaux troubles de l'adversité. Et si ce refus de bénédiction, justement, se révélait un propulseur? Le PDC, dans cette affaire, a de précieuses cartes en mains pour récupérer le siège de Ruth Metzler. Les négociations, y compris avec l'UDC, commencent dès aujourd'hui. Cela n'est ni gagné, ni perdu, mais la partie est jouable. S'il décide de jouer cette carte, le PDC doit lancer le meilleur des siens. Et nul autre.

    Delamuraz, en 83, était le meilleur de tous, il fut élu. Idem pour Couchepin en 98. Il n'y a aucune raison, en cette période de crise et de tempête qui nécessite des caractères forts, des tronches, d'incomparables puissances de travail dans les collèges gouvernementaux, d'aller chercher, pour arranger tout le monde, des semi-tempéraments dans des semi-costumes. Il faut juste les meilleurs. Libéraux-radicaux ou PDC, ça n'est pas l'essentiel sur ce coup-là. Les valeurs de ces deux grandes familles, entre le socialisme et l'UDC, sont à bien des égards les mêmes. Pour le 16 septembre, il serait sage d'oublier le Sonderbund. Et d'aller chercher le meilleur. Là où il est.

    Pascal Décaillet


  • Lièvres et lapereaux

     

    Départ du Bol d'Or, ce matin.

    Tout est là, sauf le vent.

    Devant ces voiles immobiles, allez savoir pourquoi, je pense soudain à Messieurs Luscher et Hiltpold.



    Epigrammes à 3 grammes – No 1 - Samedi 13.06.09 - 14h

  • Un homme d’Etat

    Publié dans le Nouvelliste - Samedi 13.06.09

    Bien sûr, il y aura le bilan, les hauts et les bas, le droit d’inventaire. L’impasse des derniers mois, l’affaire des trente francs, la levée de boucliers du corps médical. Bien sûr, des maladresses, des coups de menton, des pulsions prétoriennes, de solitaires rêveries sur l’Ile Saint Pierre. Tout cela, par pertes et profits, sera passé, comme passent les chiffres et les hommes, tout cela sera décortiqué, analysé. Le temps des historiens viendra, celui des biographes. Les hagiographes, les courtisans, très vite, deviendront plus rares, l’homme mesurera la valeur des amitiés réelles, le temps s’épurera, les contours du destin, plus précisément, se dessineront.

    Bien sûr, il y aura tout cela. Mais restera aussi, et c’est cela qui compte, la stature et la dignité d’un homme d’Etat. Passionné, comme peu d’autres, par la chose publique. Habité par la passion de l’Histoire, une rigueur mendésiste attachée aux faits et à l’importance de l’économie, un respect des institutions jusqu’à cette lettre de démission adressée avant tout à la présidente du Conseil national. Tout cela n’est pas surgi de rien. Un homme, c’est un passé, des milliers d’heures de lecture, le gouffre d’une solitude, l’ambition divinement déraisonnable de réaliser des rêves de gosse.

    Alors, quoi ? Quelle trace ? Pour moi, chez cet homme, la férocité d’une ambition républicaine. Un incroyable sens du combat, aussi : vivre, c’est se battre, c’est cela et pas grand chose d’autre. J’ajoute enfin la passion des idées, la jouissance de leurs antagonismes, l’attachement à un logos rationnel où la puissance de l’image n’a pas toujours sa place, et où doit s’effacer ce qui n’est pas porté par une rigueur. Delamuraz, plus poétique, plus allusif, plus serti et plus virevoltant dans la faconde, nous faisait davantage rêver. Là, non : la parole est constat, borne de partage, on est davantage dans la précision du cadastre que dans la fermentation céleste. Mais préciser, délimiter, n’est-ce pas l’une des tâches cardinales du vivre ensemble ?

    Quels que soient ses succès ou ses échecs dans ses tâches sectorielles, à l’Economie puis à l’Intérieur, Pascal Couchepin restera avant tout un homme de dimension d’Etat, le meilleur des trois conseillers fédéraux que le Valais ait, en 160 ans, donnés à la Confédération.

    Pascal Décaillet