Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • Le dauphin

     

    Chronique publiée dans le Nouvelliste - Lundi 25.05.09

     

     

    Pascal Couchepin serait-il sur le départ ? De partout, ça suinte, ça bruisse, ça roucoule, ça murmure. A la vérité, pourtant, personne n’en sait rien ! Peut-être même pas l’intéressé lui-même, à qui, seul, la décision d’un retrait appartient. Qu’on l’aime ou non, l’homme a acquis suffisamment de dignité et de stature d’Etat pour qu’aucun d’entre nous n’ait à le mettre sous pression. Ce serait, d’ailleurs, aller à fins contraires : il est des êtres, ici-bas, que la seule apparition de l’adversité réveille et galvanise.

     

    Patience, donc. Mais qui n’empêche en rien de supputer sur quelques scénarios de succession. Il ne s’agit, rien de moins, que du poste radical romand au Conseil fédéral, lequel n’a été tenu, depuis 1973, que par trois titulaires, dont deux Vaudois. Au fait : radical, ou PDC ? On sait à quel point le poids de ces deux partis s’est équilibré, on sait l’appétit vorace du président du PDC suisse pour la « Reconquista » du siège « volé » à Ruth Metzler, en décembre 2003, lorsque Blocher est entré dans la bergerie. Depuis plusieurs mois, Christophe Darbellay ne fait plus le moindre secret de son ambition de ravir aux radicaux ce siège, mais oui, à ces chers amis des faux beaux jours, avec qui il est toujours aussi délicieux de s’expliquer, quelque part sur les bords du Trient.

     

    Une chose est sûre : lorsque la succession sera à l’ordre du jour, il faudrait (mais c’est un vœu, j’en conviens, d’une déraisonnable piété) que le centre-droit suisse, disons tout ce qui existe entre la gauche et l’UDC, ait la sagesse de penser « globalement », en se demandant qui, chez le PDC, les radicaux ou même les libéraux, serait le mieux placé. Dans l’intérêt supérieur du pays. Dans cette optique-là, quelles que soient les éminentes qualités du président du gouvernement vaudois, d’un timide mais compétent Neuchâtelois, ou d’une ancienne conseillère d’Etat genevoise ayant conservé quelque acuité dans l’extrémité des incisives, la solution Darbellay apparaît de loin comme la plus convaincante. Parce qu’à tout choisir, lorsqu’il y a la jeunesse, le tempérament, l’instinct du chasseur, une capacité de travail phénoménale, et la connaissance des dossiers, on dira – pour demeurer mesuré – que nous sommes dans l’émergence naturelle, hors de l’écume, de ce mammifère marin qui se joue à la fois de la terre et du ciel. Et qui s’appelle un dauphin.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

     

  • La plume du démon

    Chronique publiée dans la Tribune de Genève - Lundi 25.05.09

     

    Il y a vingt ans et quelques poussières, mort d’un génie. Visage d’ange, plume du démon. Mort, sang, désir, urgence de l’échange. Le souffle d’Eschyle, mais où le mortel ne dialoguerait plus qu’avec lui-même. Parce que les dieux, raus ! Aux abonnés absents. Il y a vingt ans, une hyène ancestrale, en forme de sigle à quatre lettres, deux syllabes qui disent oui, fauchait Bernard-Marie Koltès. L’un des plus grands.

     

    Que nous dit Koltès ? Je l’ignore. Mais à le lire, comme on lirait Genet, je subodore des flèches de feu dans le chemin du désir. Des hommes qui aiment des hommes, oui Monsieur Grégory Logean, président des Jeunes UDC valaisans, cela existe. Et puis, des femmes qui aiment des femmes. Et, tout au bout, la mort, avec son sourire de miel, et le bleu moiré de son regard.

     

    La « loi naturelle » ? Moi, catholique, combien de fois je me suis engueulé avec des théologiens sur cette négation du nomos. La loi, désolé, sera conventionnelle ou ne sera pas, elle sera celle des hommes. Et puis, la loi, il y a des moments où on s’en fout. Comme Roberto Zucco, sur son toit, avec la jeune fille. Comme Chéreau et Grégory, dans leurs Champs de coton. La seule loi, c’est le style. La seule loi, c’est écrire. La seule loi, c’est aller jusqu’au bout de son désir. Droit vers la mort. Là où le Paradis, enfin réveillé, se prendrait pour l’Enfer.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

     

     

     

  • Un Ziegler de droite

    Chronique publiée dans le Matin dimanche - 24.05.09

     

    Un poisson volant, c’est rare, ça défie la pesanteur de nos préjugés. Plus insolite encore, un sociologue de droite. Ainsi, Uli Windisch. Professeur à Genève, défricheur émérite dans le domaine des médias et des sciences de la communication, où les étudiants se pressent, cet universitaire choque et dérange, chatouille et égratigne, parfois exaspère. Très exactement ce que n’a cessé de faire, toute sa vie, mais dans l’autre camp, un certain Jean Ziegler.

     

    Alors, je ne sais pas, cela doit tenir à un visage, l’inflexion d’une voix, mais tout ce qu’un certain milieu pardonne à l’un, il le reproche à l’autre. Les excès du langage : chez Ziegler, c’est le génie de l’inspiration ; chez Windisch, le démon rampant du fascisme. La provocation : chez Ziegler l’arme du juste, chez Windisch l’encre noire du scandale. La préférence politique : chez Ziegler l’aiguillon de la bonne cause ; chez Windisch l’infâmante inféodation. Le soutien à Castro, à Mugabé : chez Ziegler, l’inévitable phase romantique de l’intellectuel. Ne pas avoir diabolisé Blocher : chez Windisch, la signature de son arrêt de mort.

     

    Amusant, non ? Dans ce monde où les poids et les mesures vont s’évaporant, où les causes et les effets s’évanouissent dans une troublante mathématique d’ombre, voici donc un chevalier blanc et un prince noir. Il se trouve que ces deux hommes-là sont mes amis. Ziegler, j’aime parler avec lui du poète allemand Hölderlin, de Willy Brandt et Mitterrand. Windisch, j’apprécie et respecte son travail sur les médias, son amour de la Suisse, le courage de son combat dans le milieu où il sévit. Alors, voilà, nul, jamais, ne m’empêchera de prendre la plume pour les défendre. Et, pour la criticature gratuite et méchante, rampante de bassesse, suintante comme la délation, on se contentera de réserver, avec Ferré, juste au passage, quelques petites tonnes de crachats.

     

    Pascal Décaillet