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  • La voie lactée

    Tribune de Genève - Jeudi 30.04.09

     

    Il est magnifique, le Conseil d’Etat genevois. Lorsqu’il s’agit de se coltiner le président iranien, dans la minuscule immensité d’un tarmac de province, c’est le sortant Laurent Moutinot qu’on envoie. J’allais dire au casse-pipe. Mais, pour revêtir l’habit de lumière et annoncer de somptueuses comètes fiscales pour les familles, les ministres soumis à réélection, cet automne, se pressent dans la voie lactée. A la notable exception de celui qui n’est pourtant pas le moins méritant : François Longchamp.

    Alors, hier, avec le solide David Hiler, le vertical Mark Muller et le revenant Pierre-François Unger, ce ne furent qu’aurores de braise, résurrection, avenir aux doigts de rose pour enfants et familles. 300 millions par an pour réduire les impôts, ce dont franchement personne ne se plaindra, d’autant que la fourchette est généreuse : tout ménage entre 40.000 et 400.000 de revenu en bénéficiera !

    Electoral ? Oui, bien sûr. Mais une bonne mesure tout de même. A Genève comme sur l’ensemble de la Suisse, les familles payent trop d’impôts, il fallait s’y attaquer. On notera juste, au passage, que lorsqu’un programme d’inspiration libérale est repris par un gouvernement de gauche, cela s’appelle des mesures « anticycliques ». Ca en jette. Ca donne l’impression qu’on va tirer sur des vélos. Ca fait sérieux. Et, pour les élections, c’est salé comme un apéritif de printemps.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Macha, la voix des voix

    Une voix.

    Juste une voix. Quelque part dans la nuit. Entre minuit et deux heures du matin. Rauque, fumeuse, corsée de vécu, patinée de la douleur des temps, c’était une voix-cicatrice.

    Dans l’encre de la nuit, elle vous parlait. A l’autre bout du fil, des types cassés, des nanas disjonctées, toutes les saloperies de la vie qui vous remontaient. Et toi, au volant ou dans ton lit, tu écoutais. Elle parlait à l’autre évidemment, l’arraché du bout des ondes, mais, au fond, elle te parlait à toi, aussi. C’était là sa puissance. Là, le miracle.

    Macha Béranger, qui nous a quittés hier à l’âge de 67 ans, des suites d’une longue maladie, était une très grande dame de la radio. Justement parce qu’elle n’était pas une dame. Mais juste une voix, furtive et profonde comme l’âme de la nuit. Pendant trente ans, sur France Inter, qui n’a pas été foutue de la garder, il y a trois ans, elle a été l’honneur de ce métier, l’honneur de la chaîne.

    En hommage, ce mot de Léo Ferré, dans un poème qui s’appelle « Richard » : « Les gens, il conviendrait de ne les connaître que disponibles, à certaines heures pâles de la nuit, près d’une machine à sous. Avec leurs problèmes d’hommes. Simplement des problèmes de mélancolie ».

     

    Pascal Décaillet

     

  • Elections à Neuchâtel : le temps des cerises

    Sur le vif - Dimanche 26.04.09 - 18.30h

    Fulvio Pelli, le président du parti libéral-radical suisse, est, depuis cet après-midi, un homme heureux. Avec trois membres de ce parti, sur cinq élus au Conseil d’Etat neuchâtelois, revoilà, ne serait-ce que l’espace d’un printemps, le mirage des belles années, celles où le grand vieux parti régnait en maître sur le pays. Après les années difficiles, après la mauvaise performance aux élections fédérales d’octobre 2007, le temps des cerises serait-il de retour ? Franchement, malgré l’éclat des apparences, il serait bien prématuré de l’affirmer.

    Les faits, d’abord. Aujourd'hui à Neuchâtel, la droite a reconquis la majorité au gouvernement. Il devra vive en cohabitation avec un parlement de gauche. Sont élus deux socialistes : Jean Studer (33.279 voix), ancien candidat au Conseil fédéral et véritable homme fort du canton, et Gisèle Ory (32.819), conseillère aux Etats. Puis, trois libéraux-radicaux : Frédéric Hainard (29.546), Claude Nicati (28.701), et Philippe Gnaegi (28.440). Un vrai gouvernement radical-socialiste, « radsoc », digne des très riches heures de la Troisième République française ! Une authentique composition de la belle époque, celle où l’UDC mangeait les pâquerettes et où les Verts, faute d’annoncer l’Apocalypse, n’avaient pas encore vécu leur Genèse.

    Les Verts : parlons-en ! Il doit l’être, Ueli Leuenberger, le très climatique président national du parti, conquistador en herbe du premier siège, un jour, au Conseil fédéral. Oui, il doit être, cet homme aussi aimable qu’avide d’expansion, vert de rage. Contre Fernand Cuche, conseiller d’Etat sortant de son parti, ex-icône de « la politique autrement », la politique plus douce, la politique par homéopathie, la politique à temps partiel. « La pluie est toujours bonne, vient de déclarer, non sans humour, cet homme affable et sympathique, parce qu’elle participe à la vie ». Belle prise de congé, d’un être attachant, mais qui ne parviendra pas à masquer l’ampleur d’un échec. Celui des Verts, pourtant bien placés au parlement. Mais surtout celui de l’homme. Qui déclare, désormais, vouloir retourner, au sens propre, sur ses terres.

    Au gouvernement, donc, des libéraux-radicaux, des socialistes. Punkt, Schluss. Les deux grandes forces, au fond, qui ont fait ce canton, lui ont donné ses plus grands hommes, un grand nombre de conseiller fédéraux. Comme si Neuchâtel s’en retournait à quelques fondamentaux historiques et philosophiques. A l’axe antagoniste, dialectique, qui a construit sa pensée et sa pratique politiques. Reste à voir comment ce Conseil d’Etat de droite vivra avec un parlement de gauche. A l’heure de la crise économique où des décisions fort douloureuses, hélas, ne manqueront pas d’être prises.

     

    Pascal Décaillet