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  • Le Jura : noir comme l’âme du Diable

     

    Il existe, quelque part au nord-ouest de la Suisse, une terre maternelle et sauvage, latine comme une Louve porteuse, à la fois frondeuse quand il s’agit de son statut et étrangement conservatrice sur des sujets de société (le PACS), enracinée dans sa profondeur et pourtant ouverte aux vents de l’Europe. Paisible, aussi. Et pourtant colérique comme mille volcans de lave. Cette terre, attachante comme la noirceur de l’âme du Diable, s’appelle la République et Canton du Jura.

    Oh, je ne raconterai pas ici toute l’histoire de ce canton ! La première fois de ma vie que j’ai voté, c’était en septembre 1978, pour un oui du cœur et de l’âme, sans appel et sans hésitation, au Jura. Disons qu’il y a le nord et le sud, ce qui relevait de l’évêché de Bâle et ce qui n’en relevait pas, ceux qui croient au Ciel et ceux qui n’y croient pas, les Béliers et les Sangliers, la langue de Faust et celle de Pascal, les chevaux des Franches-Montagnes et la vieille ville de Porrentruy, le cloître de Saint-Ursanne, les machines-outils, les décolleteuses, l’ombre de Gonzague de Reynold, quelques fragrances des Guerres de Religion : le Jura, c’est l’inconscient affectif de la Suisse romande, sa part de cicatrices et de jouissances, le refoulé de son Histoire. Trois siècles de psychanalyse n’y suffiraient pas. Au fond, seul un Valaisan peut comprendre le Jura. Ou un fou. Ou le bienheureux qui appartiendrait à l’intersection de ces deux cercles.

    N’en pouvant plus de leurs désaccords sur le chemin de leur destin, les Jurassiens du Nord et ceux du Sud ont eu l’étrange idée de confier, il y a quelques années, à une Assemblée le mandat de leur inventer un désir de vivre ensemble. Après de longues et laborieuses réflexions, cette Assemblée, dite « interjurassienne », présidée par un ancien conseiller d’Etat valaisan aux petites lunettes cerclées d’or, Serge Sierro, est arrivée à la puissante conclusion… qu’il appartenait au peuple de trancher l’avenir du Jura !

    Ah, les braves gens ! Mille ans de cogitations pour en arriver là ! Alors, quoi ? Alors, en effet, que le peuple vote ! Que les trois districts du Nord  confirment leur élan d’indépendance des années septante. Que ceux du Sud confirment Berne ou transgressent, ce sera exactement comme ils voudront, c’est leur vie, ce sont eux les acteurs, nous les spectateurs. Mais qu’ils reprennent la scène, oui : leur cause, à l’excès, s’était assoupie, ils étaient devenus des Suisses comme les autres, de petits destins dans de petites querelles. Et là, voilà qu’une Assemblée, courageuse et prophétique comme une Cassandre dans la torpeur de sa sieste, en appelle au seul acteur qui ait jamais écrit l’Histoire du Jura : le peuple.

    Car ils sont plébiscitaires, en ces contrées-là. Buveurs, peut-être, bouillants, sudistes. Mais le peuple, c’est sacré. Alors, voilà une Assemblée qui n’aura strictement rien réglé. Mais qui, au moins, aura parachevé sa sainte inopérance par l’invocation du seul démon pouvant encore nous raconter une histoire. Revoilà le Jura. Hosannah.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

  • Ecrire, ah là là !

    Tribune de Genève - Jeudi 07.05.09

     

    Ne m’en veuille pas, ami lecteur, mais désormais, toute personne qui prendra connaissance de cette chronique devra s’acquitter d’une taxe de trois francs. Je sais, c’est très cher. Et injuste pour les démunis. Je sais, tu as déjà payé ton exemplaire de la Julie, on ton café, mais c’est ainsi. Trois francs.

    Oh, n’aie crainte, nul besoin de délier chaque fois ta bourse. Je concocte un amour de petite puce électronique, que nous te grefferons délicatement dans la pupille, et qui déduira biométriquement la somme. Bien sûr, les tarifs seront dégressifs : deux francs à la deuxième lecture, un franc à la troisième. A partir de la soixantième, l’accès à ma prose sera gratuit. Il faut savoir récompenser les fidèles

    Surtout, ne crois pas que j’empocherai cet argent. Ecrire, ah là là,  t’imagines pas les frais : l’encre, les buvards, les gommes, les analyses de laboratoire pour les traces de sueur sur les brouillons. Et puis, les assureurs, tous ces Séraphin Lampion, comme des milans attirés par la blancheur de la palombe.

    A la fin du mois, c’est tout juste s’il me reste de quoi offrir un ballon de blanc à mon ami Pascal, à Martigny. Ou à Christophe, en Entremont. Allez, va, j’te dis : trois balles, c’est encore bien sympa. Ah, j’allais oublier : c’est rétroactif depuis mars 2007. Ben oui, comme disait Mouloudji : faut vivre. Non ?

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

  • Habeas Corpus

    Tribune de Genève - Lundi 04.05.09


    Vous avez dit « fazyste » ? Ah, bon, j’avais cru comprendre autre chose. Un truc tout proche, à l’oreille. Faut dire qu’ils nous y poussent pas mal, ces temps, les radicaux genevois, dans le registre de la boussole hallucinée comme cigale en extase, de la pâture en herbes grasses dans le pré du voisin. Qui s’appelle l’UDC.

    D’ailleurs, faites un test. Prenez leur dernier texte, aux radicaux, sur la détention administrative, sans jugement, pouvant aller jusqu’à 24 mois. Vous découpez l’en-tête, vous mettez UDC, ou MCG, ou Lega. Sûr, là, que les alliés de l’Entente, qu’ils soient de sacristie latine ou du Temple libéral, hurleront au loup.

    Mais là, ils se taisent, ou même abondent. Aux orties l’Habeas Corpus. Au caniveau, les grands principes. L’UDC, pas question d’alliance, Monsieur, vous n’y pensez pas. Mais proposer leur politique, et même au-delà, dès que se profile le très électoral enjeu sécuritaire, alors là, oui, pour un coup. Un coup seulement, of course.

    Cette manœuvre, qui la dirige ? Un homme de main, ou l’ombre orgueilleuse d’un Prince ? Gagner, cet automne, sans l’UDC. Mais pas sans une partie de son programme. Pas fou, quand même. De jour, on fait l’agneau, en bêlantes contrées. La nuit, on se noircit jusqu’à la déraison. Allez. Ces gens-là, il faudrait inscrire « fazyste » sur leur passeport. Au stylo bille. Indélébile. Juste pour la route.

     

    Pascal Décaillet