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  • Le Climatique et la rose des vents

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    C’est reparti : alors que nos moites sueurs s’enfoncent dans l’été, revoici Ueli le climatique. Forme olympienne : plus Vert que Vert ! A chaque prise de parole, cinq ou six fois le mot « crise ». « Crise mondiale », « crise planétaire », « crise climatique » : à l’entendre, la Suisse n’est plus qu’un champ de ruines, livré à cinquante degrés permanents de canicule, le gaz carbonique seigneur et maître, l’Apocalypse imminente.

    Le but ? Ma foi, fort simple. Placer un Vert, le plus vite possible, au Conseil fédéral. Un Sage. Un qui aurait compris le danger qui échappe un peu aux pourceaux d’ignorance et d’impéritie que nous sommes. Enfin, quand je dis « nous », je veux juste parler des quelque 91% de Suisses qui, à tort et dans un accès de stupidité digne des grandes errances et des hérésies albigeoises, n’ont pas jugé bon de voter Verts aux élections fédérales d’octobre 2007. Ah, les sottes gens !

    Mais qu’importent les chiffres, qu’importe la raison, lorsque vient poindre, de son groin d’immondices, la Fin du Monde ! Pour tenter de la contrer, cette chienne dévoreuse du temps, peu importent la volonté du peuple, la République, la majorité, toutes ces fadaises enfantées par d’obscures Lumières. Non. Seul compte l’Autel de la Sagesse. Un Vert, vite ! Un Vert, bien frais, bien tassé. Un Vert providentiel. Un Sauveur.

    Mais pas tout seul, le Vert. Dans l’esprit du Climatique, homme courtois, il n’est pas question de brûler la politesse aux socialistes. Alors, va pour les rose des vents, va pour deux socialistes et un Vert ! Voilà qui colle parfaitement, non, avec le signal délivré par le peuple en octobre 2007.

    Le voilà donc, l’allié de circonstance que certains s’imaginent pour le 16 septembre. En clair, il est assez légitime que Christophe Darbellay tente de récupérer le siège perdu par Ruth Metzler. Mais le Valaisan ne peut décemment opérer cette manœuvre par des alliances qui casseraient la cohérence interne de la droite suisse. Une droite à qui le corps électoral a largement accordé sa confiance, aux dernières élections fédérales. C’est simple, c’est juste de bon sens. Comme de se mettre à l’ombre lorsque le temps, pour quelques heures, se réchauffe.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Le pays des ocres

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    Tribune de Genève - Lundi 29.06.09

     

    Pour moi, les vacances, c’est lire, lire et lire encore. Comme je suis loin d’être seul dans ce cas, je vous recommande un petit bijou, le dialogue de deux éclatants octogénaires, le biographe de génie Jean Lacouture (1921) et l’essayiste Raymond Jean (1925), auteur, entre beaucoup d’autres, de « La lectrice », d’un « Nerval » et d’un « Eluard ».

    Ces deux hommes se sont connus au Maroc en 1958, et, régulièrement, se croisent l’été dans le Vaucluse, département de fierté républicaine, de vignes vierges, d’olives et de premières figues, le « pays des ocres », comme ils l’appellent, le Luberon. Non loin, la Durance, le gris moiré des alluvions où l’Alpe se charrie jusqu’à la mer.

    De quoi parlent-ils ? De tout ! Voltaire, Rousseau, la communauté juive de Salonique, Combat, le Monde, Clavel, Jacques Rivière, Gide, Ben Barka. Et si c’était eux, la Durance, avec le charivari des sables et des graviers, les troncs, les branches d’une vie d’homme, juste dans le siècle ?

    Rien, dans ce dialogue de 120 pages, qui suinterait le didactique. Juste la vie, qui s’écoule et nous rafraîchit l’âme. Sublime vieillard que Lacouture, vin de vie boisé, de la plus parfaite tradition bordelaise. Et Raymond Jean, à niveau, pour des répliques à faire frissonner les ambitions de la Mort. A lire, vite.

     

    Pascal Décaillet

     

    *** Raymond Jean, Jean Lacouture : « Dialogue ininterrompu, Maroc 1958 - Luberon 2008. Entretiens au pays des ocres ». L’Aube, mai 2009.

     

  • La chance perdue

     

    Le Matin dimanche - 28.06.09

     

    Pierre Maudet, jeudi après-midi, hésitait encore. Penché sur l’extrême bord du Rubicon, à deux doigts du plongeon, il a préféré renoncer. Dommage. Il y avait là la salutaire espérance d’une fenêtre ouverte, avec l’irruption d’un vent glacé, dans le hublot d’un vieux grenier où suinteraient la lésine, le roussi, le poussiéreux avachissement du poids des ans.

    Surdoué de l’action publique, Pierre Maudet est aussi un homme d’une rare culture sur l’histoire des idées, la genèse et l’évolution des partis politiques depuis la Révolution française : James Fazy, Jules Ferry, Guizot, Mandel ou Mendès France n’ont aucun secret pour lui, il est imprégné de passion républicaine, capable d’en parler pendant des heures. Bref, un arrière-pays, chose hélas de plus en plus rare dans la classe politique. Radical, il sait pourquoi il l’est, d’où vient ce parti, comment le régénérer pour relancer le pays.

    Cette candidature, sans doute, avait bien des risques d’aller se fracasser, au final, contre celle d’un Pelli ou d’un Broulis. Mais diable, elle aurait remué et labouré le champ de nos idées, secoué la torpeur du centre-droit, charcuté nos préjugés, remis en question ce mode électoral, si ahurissant, où nul programme commun, nulle épine dorsale ne relie entre eux les membres du Conseil fédéral, ces passants du hasard, qui restent tant qu’ils veulent et prennent congé, par pure convenance, au beau milieu d’une législature.

    Tout cela n’est pas une question d’âge. Maudet n’a ni raison ni tort d’avoir 31 ans. Il a 31 ans, c’est tout. Et puis, foin du conflit des générations, foin de celui de sexes ! Ce dont la Suisse a besoin, c’est d’hommes et de femmes, de tous âges, ayant une puissante ambition pour le pays. Pierre Maudet, parmi quelques rares autres, en fait partie. Il aurait été, c’est sûr, un candidat d’exception.

     

    Pascal Décaillet