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  • Les Rijabons de Carabule

    Sur le vif  -  Vendredi 05.09.08  -  15.45h

     

    Vous avez sans doute en tête la dernière page d’Astérix et les Goths, ce pataquès généralisé où les chefs germaniques se neutralisent en se combattant les uns et les autres. Il y a aussi les Ouménés de Bonada, merveilleux poème d’Henri Michaux, où s’entremêlent Nippos de Pommédé, Bitules de Rotrarque, Rijabons de Carabule. A faire lire, à haute voix, par tous les élèves de toutes les classes, tant les sonorités de ces noms de tribus imaginaires flattent l’oreille, excitent le désir anthropologique, donnent envie de croquer, à dents de requins, l’aigre-douce dérision du pouvoir.

    Tout cela, en ce vendredi d’arrière-été, me fait penser à l’actuel Conseil fédéral. Ce collège de l’après-10-décembre, expurgé de la bête immonde, dont on nous promettait la plus parfaite des sérénités. En lieu et place de ce rêve, naïf comme un oiseau blanc dans le ciel d’automne, voilà que la réalité nous rattrape : plusieurs ministres attaqués, simultanément, comme jamais, par plusieurs partis gouvernementaux, pour des raisons différentes, dans la plus glacée Bérézina du sens et de la raison.

    Entre partis gouvernementaux, on ne se parle plus : on s’écrit des lettres ouvertes. Le ministre de la Défense est en état de siège, prêt à bouffer du rat plutôt que de se rendre. Celle des Affaires étrangères est invitée à ne plus mettre un pied à l’extérieur du pays. Dernier missile en date : celui des radicaux, qui, dans leur service de presse d’hier, qualifient Moritz Leuenberger « d’ancien conseiller fédéral » ! A moi, Michaux, à moi les Ouménés, les Odobommédés, à moi Rijobettes de Billliguette, à moi Prochus d’Osteboule, à moi Goscinny, Uderzo, à moi Mazarin qui divisa les Allemagnes. A moi, je vous en supplie, pour m’aider un peu à comprendre.

     

    Pascal Décaillet

  • Le général de l’armée morte

    Commentaire publié par le Giornale del Popolo du vendredi 05.09.08

     

    Depuis cet été, la situation de Samuel Schmid était déjà de plus en plus difficile. Là, elle devient franchement intenable. Accumulant les erreurs, ou les « oublis », attaqué de toutes parts, le conseiller fédéral a perdu le crédit nécessaire pour pouvoir, décemment, poursuivre son mandat. Dans n’importe quel autre pays du monde, un ministre acculé à une telle situation en aurait déjà tiré les conséquences. Mais la Suisse, décidément, n’est pas un pays comme un autre.

    Dernier rebondissement : le ministre de la Défense a admis, hier, qu’il était au courant, en novembre 2006 déjà, de la plainte déposée contre Roland Nef. Mais il aurait, ensuite, « oublié » cette affaire ! « Moi aussi, je suis un être humain ».

    Cet argument de « l’oubli » ne passera pas. L’affaire Nef est jugée, par les Suisses, comme grave, car les errances dans la vie privée du chef de l’armée suisse se doublent d’une crise majeure de notre politique se sécurité : les objectifs en sont pas clairs, les achats de chars rappellent la guerre froide. A bien des égards, par rapport à l’excellent travail de réforme engagé par Kaspar Villiger et Adolf Ogi, l’ère Schmid aura marqué une régression.

    Maintenant, Samuel Schmid est un homme seul. Comme Elisabeth Kopp fut, à un certain moment, une femme seule. Qu’il y ait une certaine grandeur à se maintenir malgré tout, est tout à son honneur. Mais la politique, avant d’être une affaire morale, est un rapport de forces. Vilipendé par son ancien parti, l’UDC, attaqué par les Verts qui veulent profiter d’une vacance pour placer l’un des leurs au Conseil fédéral, le général de l’armée morte est maintenant lâché par les socialistes.

    Déjà, on parle de ne pas l’élire, cet automne, à la vice-présidence du Conseil fédéral. Mais ce terme même est bien lointain. A coup sûr, en coulisses, c’est la succession du Bernois qui capte les attentions. Combien de temps tiendra-t-il encore ? Avec quelle marge de manœuvre politique ? Quelle autonomie de décision ? Quelle crédibilité ? Quelle vision d’avenir pour notre politique de sécurité ? Ce sont là les vraies questions, bien au-delà des péripéties de la vie privée de Monsieur Nef.

     

    Pascal Décaillet

  • La rue qui divise


    Edito du 7-8  -  Radio Cité  -  Vendredi 05.09.08  -  07.05h

     
    Le nom de Gabrielle Perret-Gentil vous dit-il quelque chose ? Moi, rien. Comme celui d’Emilie Gourd, d’ailleurs, avant qu’on ne lui donne le nom d’une école, ne me disait rien. C’est ainsi : la culture des grandes figures du féminisme ne fait pas partie de mes passions.

    Gabrielle Perret-Gentil est, nous rappelle la Tribune de Genève de ce matin, une pionnière de l’avortement. Une précurseure, avec un « e » à la fin, je vous prie, du droit d’interruption de grossesse. Fort bien. La chose, en Suisse, a été légalement tranchée, elle a force de loi, le peuple souverain a voté, il n’est pas question de le contester.

    Faut-il pour autant lui donner une rue ? La question divise, puisque le Conseil d’Etat vient de renvoyer sa copie à la Commission cantonale de nomenclature, qui avait pourtant émis un préavis favorable. Alors, côté féministe, on rugit, on vocifère. Rémy Pagani lui-même, du haut de sa hauteur, parle de scandale. Une mobilisation, ajoute la Tribune, s’organise pour que ce projet aboutisse.

    La question, pourtant, mérite d’être posée. Et les autorités compétentes ont parfaitement le droit de prendre leur temps, quelles que soient les pressions communautaristes, dans cette affaire. L’avortement, en Suisse, est certes légal, dans certaines conditions. Mais il divise encore, et il convient de respecter ceux pour qui il continue de poser un problème. Bref, la figure d’une « pionnière », en l’espèce, n’apparaît pas comme la plus rassembleuse.

    On peut donc comprendre que les autorités hésitent. Elles ont à prendre leur décision en toute sérénité, en toute souveraineté. Elles n’ont pas à se laisser impressionner par les revendications sectorielles, les hurlements, les clameurs. Le nom d’une rue, ça doit être quelque chose dans lequel tout le monde se reconnaît. Pas quelque chose qui divise.

     

    Pascal Décaillet