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  • La décevante résignation de Géraldine Savary


    Théâtre, marécage, désir : une trilogie de l’impossible

    Vendredi 15.08.08 – 20.20h

    Souriante et sympathique, la conseillère aux Etats vaudoise Géraldine Savary serait-elle déjà engluée, jusqu’à la paralysie, dans les sables mouvants de la Berne fédérale ?

    C’est l’impression qu’elle a donnée tout à l’heure, dans un débat RSR revenant sur l’idée d’Anne Bisang (cf ma chronique précédente) d’instituer une sorte de Nicolas Bideau pour le théâtre. Débat auquel participaient aussi le directeur du Forum Meyrin, Mathieu Menghini, et Anne Bisang elle-même. Et où aucun représentant de la vision libérale de la société, et des modes de financements culturels, n’avait apparemment été convié.

    Qu’il faille un Monsieur (ou une Madame) Théâtre au niveau national, on peut en discuter. Mais l’immobilisme de Géraldine Savary, au nom de la complexité de nos structures fédérales, laissant entendre que rien ne changera jamais, ne donne guère envie de faire confiance aux élus politiques pour dynamiser le monde de la création artistique. À entendre la résignation de la Vaudoise, à certains moments, on avait juste envie de se pendre. Ce qui serait dommage, parce que la vie est plutôt belle, non ?

    Cet immobilisme du politique n’est d’ailleurs pas grave, ni nouveau. La première erreur, tout attendre de l’Etat, ne vient-elle pas des gens de culture eux-mêmes ? Bref, s’ils veulent leur coordinateur au plan national, ou leur générateur d’idées et de passerelles, ils feraient bien de s’y prendre autrement que d’attendre la création d’un nouveau poste dans la fonction publique fédérale. Ils doivent compter sur eux-mêmes. Parrainage, appel aux fonds privés, diversification des financements : les modèles alternatifs à l’Etat ne manquent pas. Aller quérir soi-même cet argent, convaincre, se battre, est d’ailleurs autrement stimulant que d’attendre une manne, et se plaindre lorsqu’elle ne tombe pas.

    Quant à l’évaluation des spectacles en fonction de leur taux de fréquentation, immédiatement condamnée comme hérétique par Mathieu Menghini, elle appelle une remarque : si réunir du monde autour d’un succès, ce qui n’est facile ni dans le théâtre ni ailleurs, est au départ un défaut, alors il y a des bases de discussion, avec certains représentants du monde culturel, qui risquent d’être un peu difficiles.

    Pascal Décaillet


  • Un Nicolas Bideau pour le théâtre suisse !



    Un superbosseur, SVP. Superglandus s’abstenir.



    Vendredi 15.08.08 – 08.40h

    Excellente idée lancée il y a quelques minutes par Anne Bisang, dans un billet sur la Radio Suisse Romande : doter le théâtre suisse d’un Nicolas Bideau. Un coordinateur. Un homme ou une femme d’idées, de projets et de passerelles, bien au-delà des barrières cantonales et communales.

    Oui, le théâtre suisse, ou plutôt le théâtre en Suisse, a besoin d’un personnage de ce genre. Il ne s’agit ni d’un ministre de la Culture, ni surtout d’un super programmateur, mais simplement d’un générateur d’enthousiasmes, de rencontres, au niveau national. Un bosseur, évidemment, avec résultats concrets au rendez-vous, pas un superglandu de coktails. Surtout pas !

    Le théâtre suisse fourmille de talents. Rien qu’entre Genève et Lausanne, l’offre est impressionnante. On travaille avec la France, on s’échange des spectacles, on fait tourner des productions. À l’intérieur de la Suisse romande, mais aussi avec la Suisse alémanique (Zurich est une ville majeure du théâtre), on pourrait le faire davantage. Un « facilitateur », en l’espèce, évidemment porté sur les deux cultures, sans oublier notre partie italophone, ne serait pas de trop. Tourné vers l’étranger, aussi, à commencer par cette Europe qui nous entoure, et à laquelle, culturellement, nous appartenons entièrement.

    Mais davantage qu’un ciment, c’est d’un propulseur que le théâtre de Suisse a besoin. Un accoucheur d’idées nouvelles, portant son regard au-delà des fiefs, des prés carrés, des bastions, et même parfois des clans familiaux dont ce domaine cultive jalousement le secret. Juste un homme, ou une femme. Juste un poste. Pourquoi, d’ailleurs, devrait-il émaner à tout prix d’une fonction publique fédérale dont le dynamisme révolutionnaire n’est pas exactement la griffe ? D’autres modalités de financement, largement, sont possibles.

    Un apparatchik de plus ? Surtout pas ! Il n’y en a que trop. Non, juste une femme ou un homme animé par la double passion du théâtre et de la Suisse. Faire vivre ce pays, non seulement par son modèle politique, qui nous est envié loin à la ronde, non seulement par un travail acharné pour surnager dans l’économie mondialisée, mais aussi par le génie de ses artistes. Défini comme cela, ce poste n’est pas seulement souhaitable. Il devient presque urgent.

    Pascal Décaillet






  • Quand Hugues Hiltpold se trompe de cible



    Jeudi 14.08.08 – 08.30h

    Dans un pamphlet publié aujourd’hui par l’Hebdo, et intitulé « La girouette ignore l’odeur du vent », le président du parti radical genevois, Hugues Hiltpold, attaque son confrère du Conseil national, le démocrate-chrétien vaudois Jacques Neirynck, avec des pointes de violence si peu usuelles, chez lui, que cela mérite réflexion.

    Peu usuelles, oui : Hugues Hiltpold, homme posé, compétent, se trouve être l’un des personnages les plus courtois de notre univers politique. Là, il attaque Neirynck sur l’initiative anti-minarets. Non sur le fond : ils sont d’accord, l’un et l’autre (et, avec eux, toute personne raisonnable en Suisse), pour la rejeter sans appel. Mais parce que le même Neirynck avait accepté, pour les élections fédérales de l’an dernier, l’apparentement du PDC vaudois avec l’UDC (Union démocratique fédérale), l’un des partis à soutenir l’initiative. L’occasion de démasquer cette ambivalence de sacristie, évidemment, et de tenir un beau discours sur la direction du vent, était trop belle.

    Soit. Mais de là à jeter à un homme comme Jacques Neirynck les mots « girouette », « hypocrite », « Tartuffe », et lui asséner la bonne vieille leçon laïcarde, fazyste à souhait, combiste, waldeck-rousseauiste, des radicaux genevois, dès qu’affleure un sujet à connotation religieuse, on pouvait attendre mieux de la tenue et de la classe auxquelles, jusqu’ici, Hugues Hiltpold nous avait habitués. Car enfin, cette initiative, Neirynck la rejette. Ce qui est l’essentiel. Les vrais adversaires, ce sont ceux qui la soutiennent, non ?

    Et puis, quoi ! Nous ne sommes plus dans la France de 1905, ni dans la Genève de 1907, il n’est plus nécessaire de sermonner à tous crins, à longueur de journée, sur la laïcité, principe admis par une écrasante majorité de nos concitoyens. On dirait que certains n’en peuvent plus de bonheur d’avoir lu quelques ouvrages sur le début du vingtième siècle, l’affaire des inventaires, le général André, la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Il faut voir les proportions que peut atteindre, chez certains radicaux valaisans, encore aujourd’hui, du côté de Fully ou de Martigny, l’anticléricalisme le plus caricatural. Comme si l’Eglise catholique représentait aujourd’hui, en Suisse, le moindre danger pour la solidité de l’Etat. Quand on sait que certains de ces Valaisans inspirent au plus haut niveau l’idéologie du parti radical genevois, on commence à comprendre.

    Il serait beaucoup plus intéressant de se demander pourquoi le radical Hiltpold en veut au PDC de certaines alliances avec des partis d’origine confessionnelle, parfois protestante, d’ailleurs. Il y a une explication : en choisissant, au début de la législature, de former un groupe commun avec les Verts libéraux et le Parti évangélique, le PDC s’est payé la petite insolence de dépasser le groupe radical-libéral, aux Chambres fédérales. Prise de position tactique, évidemment, en attendant la reconquête du deuxième siège au Conseil fédéral. Ce que les radicaux, on l’imagine, n’ont que très modérément goûté.

    Surtout, il y a beaucoup mieux et beaucoup plus urgent à faire, quand on est radical, en Suisse, en août 2008, que d’attaquer un démocrate-chrétien. Et vice-versa. Le Sonderbund, depuis longtemps, est oublié. Les valeurs que défendent ces deux partis, y compris sur les sensibles questions confessionnelles, sont les mêmes. Dans quelques années, il n’y aura plus ni parti radical, ni parti démocrate-chrétien, mais quelque chose de plus grand, de fédéré, occupant tout l’espace entre la gauche et la droite nationaliste. Cette évolution-là est inéluctable. Le monde que défendent Hugues Hiltpold et Jacques Neirynck est le même. Dans un contexte où Fulvio Pelli ne craint pas d’attaquer gratuitement Christophe Darbellay, le signal de discorde de l’Hebdo d’aujourd’hui n’était pas nécessaire.

    Enfin, sur le fond : lorsque Hugues Hiltpold affirme que tout mouvement religieux doit accepter explicitement l’ordre juridique suisse, il a évidemment raison. Le catholique qui signe ces lignes n’en a jamais disconvenu une seule seconde. Et cela, pour l’immense majorité de nos compatriotes, va de soi.

    Pascal Décaillet