Édito Lausanne FM – Lundi 10.03.08 – 07.50h
Y aurait-il, sur cette terre, tout de même une justice ? La magnifique réélection, dès le premier tour, hier soir, 55,8%, d’Alain Juppé à la mairie de Bordeaux pourrait le faire croire.
Voilà un homme qui revient des enfers. Des études brillantissimes, une formation littéraire d’une rare qualité, une carrière politique dans l’ombre de Jacques Chirac, et jusqu’à Matignon. Fidèle à l’homme de sa vie, tellement fidèle qu’il acceptera sans rechigner le rôle du fusible dans quelque obscure affaire parisienne. Ces années de noirceur et de solitude, ces moments où plus personne, dans la rue, ne vous salue, avec les changements de trottoir, il les traverse sans jamais la moindre plainte.
Juppé, c’est l’anti-Sarkozy. Discret, pudique, avare de ses sentiments, n’étalant jamais sa vie privée, le maire de Bordeaux rappelle ces politiques de l’ancien temps, où servir primait sur apparaître. Les quelques entretiens où il dévoile la richesse de ses goûts littéraires laissent transparaître une personnalité d’une rare finesse. Alain Juppé croit en l’intelligence, est c’est cela, chez lui, qui séduit.
C’est vrai, il n’aime guère les foules. Nicolas Sarkozy a sans doute mille qualités que lui, n’a pas. Mais rien, jamais, ne m’empêchera de regretter que cet homme d’élite ne joue pas un rôle plus important, en France, au niveau national. Ce regret, je l’ai écrit, formulé, tout au long de sa traversée du désert. À l’époque du pimpant et du clinquant, des flashes sous l’ombre des Pyramides, voilà un homme qui saura vous parler des dynasties, des signes sur les pierres et de l’honneur de vivre. Les Bordelais, qui sont gens secrets et discrets, et qui ont toujours su, de Montaigne à Jacques Chaban-Delmas, élire les meilleurs, ne s’y sont pas trompés.