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  • L'Amérique et le murmure du vent



    Édito Lausanne FM – Mercredi 05.03.08 – 07.50h



    Elle l’a fait. Déjà donnée morte, et jusque dans son propre camp, Hillary Clinton vient de remporter, cette nuit, les primaires de l’Ohio et du Texas. Cela ne signifie pas qu’elle obtiendra l’investiture démocrate de Denver, encore moins qu’elle sera présidente des Etats-Unis. Mais cela constitue un nouveau tournant dans l’une des campagnes les plus passionnantes, depuis longtemps, Outre-Atlantique.

    Hillary Clinton ne respire pas la sympathie. Elle est froide, métallique, ne brille pas par son charisme. Mais là, en se cramponnant face à la tempête de l’Obamania, en allant jusqu’au bout, cette femme étonnante a fait exactement ce qu’on attend d’un futur président : elle a, tout simplement, tenu. Comme Jacques Chirac, seul contre tous fin 1994 face à la déferlante Balladur dans les sondages, avait tenu.

    Je vous fais un pari : dès ce matin, et pour les jours qui viennent, nombre d’observateurs, en Suisse romande, hier encore les chantres du charisme d’Obama, vont se mettre à retrouver maintes qualités à l’ex-first lady américaine. Des femmes socialistes, par exemple. Féministes, évidemment : c’est aujourd’hui dans le contrat, pour exister comme femme socialiste. Et adeptes du vent, aussi, ce vent qui tourne et nous défrise. Pendant toute la tempête Obama, ne voulant pas être dans le camp des perdantes, elles venaient nous jurer que, pour une fois, le sexe était sans importance. Aujourd’hui, avec cette remontée (ponctuelle ?) de Madame Clinton, elles vont très vite revenir sur l’urgence d’avoir enfin une femme à la Maison blanche.

    Au fond, le grand maître de cette campagne, c’est le vent. Les Etats-Unis, après huit ans de George W. Bush, semblent avoir envie d’ouvrir grand les fenêtres, quitte à casser les vitres, laisser passer un souffle de renouveau. Mais lequel ? Nul, ce matin, n’est capable de dire qui sera conduit, le 4 novembre, à la Maison-Blanche. Nul, même pas le murmure du vent.


  • Méditerranée



    Édito Lausanne FM – Mardi 04.03.08 – 07.50h



    C’est encore bien timide – juste une déclaration d’Angela Merkel et Nicolas Sarkozy – mais l’Europe semble enfin recommencer à s’intéresser à la Méditerranée. L’Europe, ou plutôt la France et l’Allemagne. C’est-à-dire l’Europe.

    Formellement, la chancelière allemande et le président français vont plaider auprès des 27 pour créer une « Union pour la Méditerranée ». Le mot vous dit sans doute quelque chose : il figurait, noir sur blanc, sur le programme électoral du candidat Sarkozy, ce printemps. Au début, l’Allemagne avait freiné l’idée, estimant qu’elle risquait de diviser l’Europe. Là, elle entre en matière.

    Le moins qu’on puisse dire, c’est que cette idée est à saluer. Après avoir immensément, et peut-être démesurément, porté toute l’attention de sa croissance vers sa partie orientale, l’Europe (Suisse comprise, car là, l’appartenance institutionnelle n’est pas la question), doit réinventer son appétence pour le Sud. Longtemps coloniale, cette attraction était, comme par nature, la chasse gardée de la France. Que l’Allemagne, tellement plus continentale dans son Histoire et sa position stratégique, donne un signal favorable dans ce sens, est une excellente nouvelle, un signe de plus de l’ouverture et de la vision diplomatique de sa chancelière.

    Faut-il rappeler que Marseille, à vol d’oiseau, est moins éloignée d’Alger que de Paris ? Faut-il rappeler que, dans les trois pays du Maghreb occidental, on parle encore le français ? Que des journaux, dans notre langue, s’y éditent. Que 132 ans de présence française en Algérie y ont laissé des traces inaltérables ? Faut-il rappeler que nous devons une partie de notre culture à l’Afrique du Nord ? Or, depuis des années, l’attention à ces pays a bien baissé en Europe, même en France. Et la Suisse n’échappe pas à la règle. Point n’est besoin de remonter au grand Braudel, à ses livres de lumière sur le lien méditerranéen, pour avoir envie de saluer, très fort, l’idée d’un nouveau rapprochement entre ces pays et l’Europe.

    Si vous avez encore le moindre doute à ce sujet, je pourrais vous recommander tant de livres, de Germaine Tillion, cette éblouissante ethnologue de 101 ans, à Jules Roy, en passant bien sûr par Camus. L’Algérie, le Maghreb, ça n’est pas l’étranger. C’est nous, c’est une part inaltérable de ce que nous sommes. La part de chaleur. La part de lumière.

  • Le sang noir, au soleil



    Édito Lausanne FM – Lundi 03.03.08 – 07.50h



    Christian Levrat, 37 ans, nouveau patron du PS. Toni Brunner, 33 ans, nouveau président de l’UDC, libre de sa partition à condition qu’il suive scrupuleusement les indications de son souffleur. Christophe Darbellay, 37 ans, président du PDC. Partout, on nous annonce l’ère des jeunes loups, la nouvelle vague. On se croirait presque dans les Cahiers du Cinéma, il y a un demi-siècle.

    Que ces trois hommes soient de valeur, nul n’en doute. Mais que la presse s’extasie ainsi, à chaque fois, face au mythe de la jeunesse, ce roman du renouveau, voilà qui en dit plus sur les observateurs que sur l’objet du discours. La grande illusion générationnelle des rénovateurs, on nous l’a tant et tant servie ! En 1979, au Congrès de Metz, on nous présentait Rocard, quatorze ans plus jeune que Mitterrand, comme l’homme qui allait le passer par pertes et profits. On a vu la suite. Et le sang bleu du dauphin présumé est devenu sang noir de victime. En 1990, on nous disait Chirac cerné par les « rénovateurs », les jeunes loups du RPR. On a vu la suite. On a vu sécher dans le désert le sang de Michel Noir.

    La politique n’est pas une affaire d’âge. Bonaparte, à 30 ans, s’emparait du pouvoir. À 27, il avait déjà fait la prodigieuse campagne d’Italie. Mais Adenauer, à 85 ans, scellant avec de Gaulle la réconciliation franco-allemande, montrait qu’il était encore un grand chancelier. En politique, l’âge n’existe pas. Ou plutôt, nul discours solide, autour de l’âge, ne se peut formuler. La question générationnelle, en soi, n’existe pas. Mythe du renouveau, de la résurgence, illusion de recommencer la vie. Mais qui, si souvent, se perd et s’abolit dans la noirceur coagulée du sang, quand il sèche au soleil.