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  • Lukrezia Meier-Schatz: la sanction




    Premier grand test depuis les élections fédérales, les élections cantonales à Saint-Gall voient, ce soir, une impressionnante victoire de l’UDC, qui gagne neuf sièges au parlement et devient le premier parti du canton. Surtout, le candidat de l’UDC, Stefan Kölliker, jusqu’ici inconnu en politique, devance nettement la conseillère nationale PDC Lukrezia Meier-Schatz dans la course au Conseil d’Etat. Cet événement dépasse les frontières de Saint-Gall, et mérite réflexion au plan national. Christophe Darbellay, à l’instant (18.42h), reconnaît d’ailleurs l’échec du PDC.

    On sait le rôle qu’avait joué Lukrezia Meier-Schatz pour déstabiliser Christoph Blocher en pleine campagne fédérale, l’automne dernier, avec de très étranges propos tenus, un soir, dans une non moins étrange conférence de presse, à propos de liens supposés entre le conseiller fédéral et un banquier zurichois. On sait à quel point ces propos ont été inopportuns, la chose a d’ailleurs été partiellement reconnue plus tard par la principale intéressée. Il n’en fallait pas moins pour qu’elle devînt la tête de Turc de l’UDC, la femme politique à abattre.

    De fait, ces élections saint-galloises ont été un duel entre l’UDC et le PDC. Christoph Blocher et Christophe Darbellay s’y sont rendus pour soutenir leurs candidats. Il y avait, en Suisse orientale, comme un air de revanche à prendre pour les partisans du conseiller fédéral déchu. Ce soir, c’est en partie gagné, en attendant le deuxième tour.

    À en juger par la tonalité des propos que vient de tenir Lukrezia Meier-Schatz, à 18.05h, sur les ondes de la RSR, cet éternel registre de victime, regrettant l’ « agressivité » de la campagne à son égard (elle aurait peut-être souhaité recevoir des roses de ses adversaires), on se dit que le personnage, décidément, n’entreprend rien pour conquérir les sympathies. C’est son droit. Celui du peuple saint-gallois, c’est de procéder, en toute souveraineté, à ses choix. Ce soir, c’est chose faite.


  • Pierre Mamie, Chiara Lubich, deux chemins spirituels



    Pierre Mamie, Chiara Lubich. L’évêque et la rassembleuse. L’un et l’autre nés en 1920, l’un et l’autre décédés hier, vendredi 14 mars 2008. Deux parcours, deux chemins spirituels dans le siècle.

    Ordonné prêtre en 1946, évêque dès 1968, Pierre Mamie était un homme au cœur de la Cité. Il s’est battu pour une Suisse ouverte, tolérante, accueillante aux flux d’immigration qui viennent l’enrichir. Il n’a cessé, toute sa vie, de réfléchir à l’identité du catholicisme, la place de cette religion en Suisse romande, le dialogue qu’elle devait entretenir avec les autres mouvements spirituels. Tous ceux qui l’ont approché ont connu sa douceur, le rayonnement qui l’habitait.

    Ses dernières années, Pierre Mamie les a consacrées a diriger l’édition d’une œuvre majeure : la prodigieuse correspondance entre Charles Journet et Jacques Maritain. Journet, fondateur, en 1926, de la Revue « Nova et Vetera », l’un des seuls prélats, en Suisse, pendant la guerre, à avoir dénoncé haut et fort l’horreur de la déportation. Et puis Maritain, le grand philosophe converti au catholicisme, qui sera l’une des lumières de la pensée thomiste au vingtième siècle.

    Cette correspondance, publiée il y a une dizaine d’années par les Editions Saint-Augustin, ce sont quelques centaines de lettres de feu entre deux hommes qui s’aiment, se respectent infiniment, confrontent leurs expériences au milieu de la tragédie du monde. A lire absolument, le volume III (1940-1949), contenant les années de guerre. Cette correspondance-là est l’une des plus belles que j’ai lues. Point n’est besoin d’être catholique, ni même chrétien, pour aller s’enrichir du frottement épistolaire de ces deux grands esprits. Du silex et de la flamme, d’une lettre l’autre.

    Et puis, j’aimerais dire un mot de Chiara Lubich. Voilà une femme qui, dans l’Italie de 1943, en pleine guerre, lance la grande aventure des Focolari. Aujourd’hui, à travers le monde, ils sont des centaines de milliers. Un mouvement qui cherche l’universel, ce qui rassemble les humains plutôt que ce qui les sépare. Au fond, étymologiquement, un mouvement totalement « catholique ». Mais tellement libéré de la pesanteur de l’institution.

    Pierre Mamie, Chiara Lubich, deux chemins à la recherche de l’esprit. Ou de l’Esprit. Il y a des jours, comme cela, où les majuscules ne sont pas primordiales.

  • Vous avez dit "rupestre"?



    Édito Lausanne FM – Vendredi 14.03.08 – 07.50h



    Donc, le pays de Vaud est rupestre.

    Ça n’est pas moi qui le dis – je ne me permettrais pas – c’est un document très officiel de la Ville de Genève, signé du maire, Patrice Mugny. En toile de fond, la couverture, insuffisante aux yeux des édiles du bout du lac, de l’actualité genevoise par la RSR. Qui aurait « peu à peu fait du rupestre pays de Vaud son centre d’intérêt principal ».

    Rupestre ! Ah, le beau vocable ! Tellement éloquent, évocateur, qu’on se fourvoie, la plupart du temps, sur son sens. Mugny, ou le nègre (ah, l’infâme, sur qui on va pouvoir, avec force courage politique, rejeter toute la responsabilité !) de Mugny, a sans doute voulu dire « champêtre ». Ou « agricole », « boisé », « verdoyant », ou encore « pays de terres grasses ». Mais il a dit « rupestre ». C’est plus court, plus dense, ça commence par vous gratter la glotte, ça grimpe en flèche vers le vert extatique du « u », ça finit vite par s’apaiser sur un suffixe où la pâture le dispute à la bovine sieste des champs.

    Patrice Mugny, ou son nègre (ah, l’infâme, honte à lui !), auraient pu, dans une irrémissible et soudaine avidité de connaissance et de culture, se saisir d’un dictionnaire. Et se rendre compte, juste en passant, que « rupestre » était relatif au monde des grottes, des peintures murales. Il y a des plantes rupestres (dont certaines, magnifiques, au Jardin botanique de Genève), des dessins rupestres, etc.

    Il y aussi des floraisons rupestres. Comme il y a, dans la langue de certains (pas les maires, les nègres), les floraisons lépreuses chères au poète. Cette peste, ce choléra du langage qui nous fait dire (pas nous, nos nègres) un mot pour un autre, et suinter le mépris dans le grisâtre ennui d’un document qu’on remet à l’Ofcom.

    Le nègre, qu’on le pende ! Mugny, qu’il survive ! Pour le seul bonheur et la seule fonction de nous inventer de si beaux mots, riches de leur seule inanité, alpestres comme la mer. Ah, le beau maire ! Le maire, le maire, toujours recommencé !