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  • De grâce, mes amis, choisissons de grandes querelles !

     
     
    Sur le vif - Dimanche 22.09.24 - 16.10h
     
     
    Je dispose du droit de vote depuis le jour de mes vingt ans, le 20 juin 1978. Mon premier vote fut pour dire OUI, du fond du coeur, en septembre 78, au nouveau Canton du Jura. En 46 ans d'exercice de mon droit, je crois bien n'avoir jamais manqué une votation. Une fois peut-être, pour raison de santé impérative sur laquelle je n'ai aucune envie de m'étendre. En plus, vous me connaissez : je suis un défenseur acharné du principe même de la démocratie directe, ces fameux droits populaires auxquels nous, Suisses, sommes tant attachés.
     
    On ne me soupçonnera pas, donc, d'hostilité au suffrage universel : j'en suis, en Suisse romande, l'un des plus intransigeants défenseurs.
     
    Pourtant, cette fois, je dois dire ma fatigue. Oh, j'ai fait mon boulot, quatre débats de GAC, sur les quatre objets soumis au peuple genevois, deux fédéraux, deux cantonaux. Avec mes invités, nous avons tout entrepris pour rendre simples, lisibles, concernants, des enjeux présentés dans un jargon abominablement technique par les brochures de votations. Depuis quarante ans, je fais cela : présenter au plus grand nombre les sujets les plus complexes, en m'efforçant d'être simple, accessible. Et je remercie mes invités, tous partis confondus : ils savent que cet impératif de lisibilité est la règle, dans mes émissions.
     
    Alors fatigue, pourquoi ? Mais parce que la plupart des sujets de ce dimanche 22 septembre 2024 étaient mal fagotés, pardi ! La droite suisse, aux Chambres, sur la LPP, par arrogance libérale, avait vidé de sa substance un compromis dûment négocié, et parfaitement acceptable. L'hyper-idéologie des Verts, sur la biodiversité, avait fait preuve de mépris pour une paysannerie suisse qui en fait déjà tant pour l'environnement. Dans la Genève cantonale, la réforme fiscale sur l'outil de travail apparaissait comme un cadeau aux nantis. Enfin, faire passer, contre l'avis des principaux intéressés, de quatre à trois ans la formation des maîtres du primaire était l'ultime avatar d'un irrédentisme né de la bataille (justifiée, et gagnée) de 2006 sur les notes à l'école, mais devenu à son tour une idéologie.
     
    Il fallait que toutes ces errances fussent sanctionnées. Aujourd'hui, elles le furent.
     
    Nous, citoyennes et citoyens de ce pays, faisons la politique, saisissons le suffrage universel, plus que jamais ! Mais de grâce, mes amis, choisissons de grandes querelles. Les paquets mal ficelés, les résultats d'arrogances, ne passent pas la rampe. Le peuple tranche, et c'est très bien.
     
     
    Pascal Décaillet
     

  • Les retardataires

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 18.09.24

     

    Dans le monde éditorial, j’accueille avec bienveillance toutes les approches, celles de gauche, celles de droite, les libéraux, les étatistes, peu importe ! Mais il est une catégorie pour laquelle j’ai peu d’estime : les retardataires.

     

    Ceux qui, aujourd’hui, commencent enfin à nous parler immigration, parce qu’ils sentent le vent tourner, tant les peuples meurtris exigent une régulation draconienne. Alors, les retardataires se convertissent : les mêmes qui, dans la campagne du 9 février 2014, sur l’immigration de masse, nous traitaient de xénophobes parce que, citoyens parmi les citoyens, nous soutenions le texte, d’ailleurs accepté par le peuple et les cantons, hélas jamais mis en œuvre par les corps intermédiaires.

     

    Ils se convertissent, les retardataires, tels les résistants de la 25ème heure, vous savez, ceux qui se mettent un brassard FFI le jour de la Libération. Ainsi, les retardataires, enfin, après trois décennies de tyrannie libérale, commencent à exiger un retour de l’Etat. Ce même Etat qu’au printemps du Nasdaq et des boursicoteurs, ils voulaient rayer de la carte ! Les mêmes, enfin, commencent à entrevoir la totale vanité du culte des « start-ups », dans lequel ils avaient sombré. Nous pas. Ni pour les start-ups, ni pour le Nasdaq, ni pour le libéralisme financier, ni pour la destruction des nations. Alors, vous êtes du côté des retardataires, ou du mien ? Vous êtes libres. Choisissez !

     

    Pascal Décaillet

     

  • Histoire allemande : le chemin de connaissance

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 18.09.24

     

    Un tiroir entier de photos noir-blanc dans de vieilles enveloppes étiquetées d’une écriture fine  : l’Allemagne des années trente. Ma mère y avait vécu, elle en avait rapporté d’admirables images de Würzburg, Fulda, Erlangen. Des châteaux, des scènes de chasse, des bâtiments qui n’ont pas survécu aux bombardements des années 44,45. Il émanait de ces images fascinantes un parfum de Vieille Allemagne, celle que la grande destruction aérienne avait reléguée dans le passé. Elles dataient des années trente, qui n’étaient après tout pas si loin, mais semblaient surgir du  fond du Moyen-Âge, si riche d’Histoire et d’architecture dans ces régions de la Franconie, de la Hesse et de la Thuringe, où ma mère avait vécu, en plein centre des Allemagnes. Dans mon cerveau d’enfant, c’était comme si 1945 avait tout détruit : il y avait l’avant, et l’après.

     

    Dès l’enfance, puis pendant toute l’adolescence, puis toute ma vie d’adulte, j’ai sillonné l’Allemagne, avec une prédilection pour sa partie orientale, celle qui porta, de 1949 à 1989, le nom de DDR. Toute ma vie, j’ai recherché la Vieille Allemagne. Dans les années 60, 70, je m’en souviens parfaitement, on nous exhibait l’Allemagne médiévale, dont certaines petites villes magnifiques, comme Dinkelsbühl ou Rothenburg ob der Tauber, avaient totalement échappé aux bombardements. Les Allemands en étaient très fiers : pour eux, c’était une manière de nous dire  : « Regardez, nous aussi, comme l’Italie, nous avons un passé ! ». En 1971, par exemple, j’étais à Nuremberg, j’avais passé une journée à visiter la grande exposition des 500 ans de la naissance, dans cette même ville, de Dürer. J’y avais vu, au théâtre, le Götz von Berlichingen de Goethe, dont la langue m’avait saisi. J’y avais découvert les thèmes de Wagner. Le Moyen-Âge, encore et toujours ! Mieux que tout, j’avais visité la Saxe médiévale en 1978, avec des camarades d’études : c’était fascinant.

     

    J’ai mis du temps à comprendre, il m’a fallu de longues années, mais j’ai enfin saisi que cette surexposition du passé médiéval des Allemagnes fonctionnait comme un paravent. Pour camoufler quelle autre période ? Le Troisième Reich ? Oui, bien sûr. Pour cette opération de diversion, on aurait pu nous servir la République de Weimar, ou l’époque bismarckienne, ou le 19ème romantique, ou le 18ème baroque, ou la Réforme, née en Allemagne, lorsque Luther, en 1522, traduisait la Bible en allemand de son temps. Mais non, ils avaient choisi le Moyen-Âge. Aujourd’hui, par la magie des algorithmes, je reçois tous les jours des centaines d’images du passé des villes allemandes. Depuis qu’existe la photographie. Toutes les villes, toutes les Allemagnes, à l’Est comme à l’Ouest, sur la Baltique comme en Haute-Bavière. Et cette puissance de l’image me restitue l’infinie variété des vérités. Elle est une leçon de méthode historique : laisser venir à soi les archives, les documents. Se construire une vision en tenant compte de toutes les complexités. Ce qu’on nous montre, ce qu’on nous a caché. C’est cela, le chemin de connaissance.

     

    Pascal Décaillet