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  • Serviteurs du peuple

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 11.09.24

     

    En politique, on peut se coaliser tant qu’on veut contre les gagnants d’une élection, on peut ourdir, bricoler, magouiller, toutes ces gesticulations sont, à terme, parfaitement inutiles. Si un parti monte, ça n’est pas pour rien. Il y a, dans l’opinion publique, des raisons profondes à cette ascension. Refuser de les voir, se voiler la face, c’est promettre des succès futurs à ce parti.

     

    En Allemagne comme en France, comme d’ailleurs en Suisse aussi, la principale de ces raisons est l’immigration. Une masse montante du peuple veut la réguler. Face à elle, une alliance entre la droite libérale et patronale, et les grandes candeurs pro-altérité de gauche, entreprend tout pour glisser le problème sous le tapis. A terme, cette singulière Ligue de vertu et de profit joue perdant. Les colères du peuple, un jour, l’emporteront.

     

    L’immigration, il faut la traiter. En parler. Réguler les flux. Établir enfin ces fameux quotas décidés par le peuple et les cantons, le 9 février 2014. Tant que la classe politique refusera de le faire, son discrédit montera. Nous avons besoin, à gauche comme à droite, d’hommes et de femmes courageux, qui prennent au sérieux les souffrances des plus défavorisés, en Suisse, sur le marché du travail. Plutôt que se congratuler entre eux, comme si le statut « d’élus » constituait un privilège. Alors qu’il impose, au contraire, une fonction de serviteurs du peuple.

     

    Pascal Décaillet

  • Coalitions : le pitoyable bal des vaincus

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 11.09.24

     

    Partout en Europe, c’est le même cirque. Partout, à commencer par les deux puissances les plus importantes de notre continent, la France et l’Allemagne. Dans ces pays, on vote, la droite nationale obtient un tiers des voix (AfD en Thuringe), ou juste un peu moins d’un tiers (AfD en Saxe), ou plus d’un tiers (RN en France). Un tiers, ça n’est certes pas une majorité, ça n’est pas 50,1%, on est bien d’accord. Mais, dans ces trois exemples, c’est arriver en tête, loin devant tous les autres. Comme l’UDC en Suisse, aux élections fédérales.

     

    Alors, que faire des partis qui arrivent en tête ? Un esprit simple pourrait imaginer, par exemple, au hasard, qu’on les intègre au pouvoir. Non pour leur en donner toutes les manettes (un tiers, ça n’est pas 50,1%), mais tout au moins pour qu’une ou deux inflexions de leurs programmes, après tout plébiscités par une masse montante de l’électorat, puissent se mettre en œuvre. Il existe un petit pays, vous le connaissez peut-être, en plein centre de l’Europe, qui procède ainsi depuis 1848. Il s’appelle la Suisse. De 1848 à 1891, sept conseillers fédéraux sur sept étaient radicaux ! Pendant toute cette période, l’opposition catholique-conservatrice (aujourd’hui PDC, ou Centre) montait. Eh bien, en 1891, on a fini par les intégrer au pouvoir, avec le Lucernois Joseph Zemp. Puis, ce fut, en 1929, le PAI (ancêtre de l’UDC), avec le légendaire Bernois Rudolf Minger. Enfin, en 1943, les socialistes, avec le Zurichois Ernst Nobs. Ce sont encore, 80 ans plus tard, nos quatre partis gouvernementaux.

     

    Ce génie de l’intégration, l’Allemagne de l’après-guerre l’a longtemps eu, elle aussi, on se souvient de la Grande Coalition de 1966 à 1969, avec le CDU Kiesinger à la Chancellerie et le SPD Willy Brandt comme Vice-Chancelier, et aux Affaires étrangères, avant de devenir lui-même, en 1969, un immense Chancelier. Eh bien cette méthode intelligente, aujourd’hui, l’Allemagne l’a oubliée. L’AfD performe, on se coalise immédiatement contre elle, on fait tout pour l’écarter. En France, idem avec le RN. Dans les deux principales puissances d’Europe, dès qu’un parti se trouve plébiscité par un bon tiers de l’électorat, surtout ne pas l’associer au pouvoir ! Alors, on invente des noms, « pacte républicain », « cordon sanitaire », on se donne bonne conscience au nom de prétendues « valeurs », comme si la « valeur » suprême, en démocratie, n’était pas l’onction de l’électorat.

     

    Ce petit jeu a ses limites. Parce que le jour où l’un de ces partis maudits, détestés par les tenants de l’actuel pouvoir, par les médias, par les universitaires, par les bien-pensants, tutoiera les 50%, alors il pourra, à son tour, jouer la seule logique majoritaire. Et sera légitime à réclamer, pour lui-seul, le pouvoir. Pour ma part, citoyen suisse n’entendant donner de leçons ni à mes amis français ni à mes amis allemands, je me félicite de vivre dans un système où la différence, même gênante, se voit intégrée. Et non rejetée dans les marges.

     

    Pascal Décaillet