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Sur le vif - Samedi 28.10.23 - 15.15h"Nous nous prenons la raclée du siècle, DONC nous exigeons un siège au Conseil fédéral".Nous la tenons enfin, la preuve que les experts du GIEC cherchent depuis tant d'années : l'effet du réchauffement sur les consciences est dévastateur.S'il existait une taxe sur la déconnexion des esprits, et qu'on venait à y astreindre ces âmes errantes, les finances fédérales seraient sauvées.Pascal Décaillet
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Petite fleur fragile
Commentaire publié dans GHI - Mercredi 25.10.23
La Suisse est une petite fleur fragile. Ce pays que nous aimons, c’est peut-être pour son infinie fragilité. Nous avons certes une économie solide, nous sommes prospères. Nous avons des institutions politiques, nous venons de procéder à des élections, nous avons une démocratie directe, tout fonctionne.
Pourtant, tout peut s’écrouler. Nous ne sommes à l’abri de rien. Tenez, cette fameuse prospérité, savez-vous depuis quand elle existe ? Réponse : depuis l’après-guerre, pas avant ! Nous fûmes, il n’y a pas si longtemps, un pays d’émigration, d’exode rural, de précarité dans le monde paysan, sans parler des régions de montagne. Même la Suisse radicale, celle de 1848, inventive, novatrice, n’a pas eu raison des poches de pauvreté, dans notre pays.
Notre force, nous la tenons de notre cohésion sociale, notre solidarité. Nos grandes assurances d’Etat, comme l’AVS en 1947. Nos systèmes d’apprentissage, de formation. Nos écoles de santé, de médecine. Notre chimie, à Bâle. Nos machines-outils. Notre horlogerie. La qualité de notre agriculture, nos vins. Notre projection sur un destin collectif, au-delà de la réussite individuelle de chacun.
Être Suisse, c’est vouloir penser la Suisse, la réformer, la réinventer. Comme les radicaux de 1848. Nous venons d’élire notre députation à Berne, pour quatre ans. Mais la politique nous appartient à tous. Les citoyennes, les citoyens, pas seulement les élus.
Pascal Décaillet
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Le Père Collomb, un être et un enseignement exceptionnels
Commentaire publié dans GHI - Mercredi 25.10.23
J’ai été éduqué, dans les années soixante, par un homme d’exception, trop tôt disparu. Il s’appelait le Père Collomb. Là où j’étais, et où j’ai vécu des années de formation incroyablement ouvertes et heureuses, il nous a enseigné le respect des peuples et des religions, le droit de chaque nation à disposer d’elle-même. A l’âge de dix, onze ans, nous avions déjà une solide formation non seulement sur le christianisme, mais sur le judaïsme et l’Islam. Entre ces trois religions du Livre, il tissait des liens, mettait l’accent sur ce qui rassemble, plutôt que sur les ferments de dispersion. Il nous racontait l’Ancien Testament, le Nouveau, nous initiait au monde musulman. C’était un être de lumière, d’un calme et d’une gentillesse incomparables, je ne l’oublierai jamais.
Il était l’aumônier du primaire, où je suis entré en 1965, jusqu’en 1969, date de mon arrivée à l’école secondaire. De sept à onze ans, mes quatre années avec le Père Collomb ont été les plus formatrices de ma vie. Autre chance : avec ma famille, j’ai eu l’occasion, dès 1966, de visiter des mosquées, au Proche-Orient, puis en 1969 de découvrir les splendeurs de l’Andalousie : mémoire d’un temps de lumière, où les grands courants religieux ont pu, un moment, se côtoyer. Plus tard, je me suis rendu maintes fois au Proche-Orient, pour des reportages, et en Afrique du Nord. Trois fois Jérusalem dans ma vie, trois fois la lumière. En Israël et avec le monde arabe, j’ai noué des liens. Entre eux, je ne choisis pas. Pas question de rejeter l’un, en faveur de l’autre.
Nous sommes en Suisse, nous avons cette chance. La force de notre pays, qui vient de procéder à ses élections fédérales, c’est d’avoir, au fil des siècles et parfois non sans peine, réussi à vivre ensemble. Nous sommes un pays ouvert, un pays neutre. Nous sommes des amis d’Israël, et des amis du monde arabe. Pour ma part, j’ai toujours milité pour un Etat palestinien, il est aujourd’hui moins probable que jamais, et c’est justement maintenant qu’il ne faut pas lâcher prise. Oui, en ces heures où tout semble irrémédiablement perdu, la Suisse doit prendre des initiatives de dialogue. Ne parlons pas de paix, c’est prématuré. Mais soyons le lieu du monde où la parole laisse ouvert le champ du possible. Nous l’avons été pendant toute la Guerre d’Algérie (1954-1962), où d’innombrables rencontres, entre France et FLN, se sont déroulées chez nous, discrètement. Nous devons l’être, aujourd’hui et demain, sur le front du Proche-Orient. Si notre Suisse ne le fait pas, quel pays le fera ?
Pour arriver à ce statut de médiateurs, nous devons absolument, au plus haut niveau de notre parole d’Etat, nous abstenir de réagir à chaud, à la dernière horreur du moment, commise par l’un ou l’autre belligérant. Nous devons maintenir, dans la durée, une ligne d’écoute, de partage, d’ouverture. En nous fondant sur la connaissance, la passion pour l’Histoire et pour les langues, le respect de toutes les convictions spirituelles. C’était cela, le message du Père Collomb, cet homme que j’ai aimé, dans les années soixante.
Pascal Décaillet