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  • PLR : l'école avant tout !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 31.05.23

     

    C’est donc Pierre Nicollier qui a été choisi, au soir du jeudi 25 mai, par l’Assemblée du PLR genevois, pour succéder à Bertrand Reich, comme président de cette importante formation politique, la première du canton. Par 136 voix contre 116, il s’est imposé face à son excellente concurrente, Natacha Buffet-Desfayes. Un résultat équilibré, qui prouve la qualité des deux candidatures. Bonne chance, donc, à Pierre Nicollier.

     

    Dans cette élection, une chose frappe, et c’est une très bonne nouvelle : les deux candidats avaient chacun, chevillée dans les tréfonds, la passion de la formation. Natacha Buffet est elle-même enseignante, Pierre Nicollier s’est engagé corps et âme dans la bataille autour de la réforme du Cycle d’orientation. Ils veulent l’un et l’autre une école de qualité, joyeuse, efficace, décentralisée, respectueuse des équipes scolaires en place et de l’autonomie des directions, débarrassée des apparatchiks, valorisant enfin l’apprentissage. Bref, ils voient loin, ils voient juste.

     

    Franchement, ça fait plaisir d’avoir eu deux candidats à la présidence du PLR mettant l’accent sur la qualité de l’école. Ça donne un message : le premier parti du canton ne se soucie pas que de fiscalité des entreprises, même si ce thème est en effet important. Il a d’autres passions, d’autres cordes à son arc, d’autres horizons d’attente. Bonne chance au nouveau président, félicitations à sa rivale, et hommage à Bertrand Reich, qui sut être un président humaniste, respectueux, apaisant. Le parti en avait besoin.

     

    Pascal Décaillet

  • DIP : restaurer la joie de transmettre !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 31.05.23

     

    La grande aventure humaine est celle de la connaissance. La grande noblesse, celle de transmettre le savoir, ou les compétences, à d’autres humains, à commencer par les plus jeunes. J’ai beau être un passionné de toutes les politiques publiques, celles qui forgent la cohésion sociale, mais l’éducation m’apparaît comme la mission première. Grand lecteur de Charles Péguy, notamment ses Cahiers de la Quinzaine, je ne puis penser sans une immense émotion à ce passage de « Notre Jeunesse », 1913 (un an avant sa mort, au tout début de la Grande Guerre), où il rend hommage à ses maîtres. Le hussard noir de la République. Le maître d’école, personnage principal du village, en concurrence avec le curé, dans cette France où rugit le thème de la Séparation Eglise-Etat, la fameuse loi de 1905, qui a tant déchaîné les passions. Le maître d’école, en Valais on disait « le régent », qui scelle avec l’élève un lien, pour la vie.

     

    A Genève, le Département de l’Instruction publique est de loin le plus important. Parce qu’il s’agit de nos âmes. Celles, en plein éveil, de nos enfants, placées devant mille chemins. On les accompagne, on leur tient un peu la main, on la lâche, on la reprend, c’est leur vie, leur chemin, nous sommes juste là pour défricher, aider à ouvrir le champ. Le DIP a beau être une armée, des milliers de personnes, ceux du front, ceux de l’intendance, rien ne doit pourtant le détourner de sa mission première : la transmission de la connaissance. Non pour bourrer les crânes, qui s’empresseraient très vite d’oublier le fatras, mais pour éveiller, guider, mettre de la joie dans le partage du savoir. Cette mission-là n’est pas une science, mais un art. Il faut le dire tout net, quitte à déplaire à la doxa de l’armada des pédagogues : certains humains sont faits pour enseigner, d’autres déjà un peu moins, d’autres pas du tout. Dans l’art de transmettre (c’est valable aussi pour d’autres métiers, allez disons au hasard le journalisme), nous ne sommes pas tous égaux.

     

    Au DIP, tout est à reprendre, de fond en comble. Non pas le travail des profs, la majorité d’entre eux font très bien leur boulot. Mais ce poids étouffant de l’intendance. Cette obsession fonctionnarisée du contrôle. Cette méfiance instillée, d’en haut, à l’égard des équipes en place, des directions, du corps enseignant, qui n’ont nul besoin de ces Big Brother d’état-major pour les fliquer à longueur de journées. Oui, les directions d’établissements, à tous les niveaux, doivent friser l’autonomie, et ne pas crouler sous les directives des « directions générales ». Y parvenir sera la tâche de la nouvelle Conseillère d’Etat, Anne Hiltpold, à qui nous souhaitons bonne chance. Elle en aura sacrément besoin, parce que la résistance des apparatchiks, à l’interne, ne manquera pas de s’organiser. Ils s’y entendent, ceux-là, dans le corporatisme.

     

    Restaurer la joie de transmettre. Et, du côté des élèves, la joie d’apprendre. C’est le seul objectif qui vaille. Il n’est pas d’ordre organique, non, il touche à la qualité de nos âmes. Donc, à l’essentiel.

     

    Pascal Décaillet

  • Ludwig, le passage de la Comète

     
    Sur le vif - Samedi 27.05.23 - 16.24h
     
     
    Depuis plus d'un demi-siècle, je me pose une question : comment le moment Beethoven a-t-il été possible ? Comment, entre 1770 et 1827, un homme a-t-il été à ce point capable non seulement de composer les chefs-d’œuvre que nous connaissons, mais d'évoluer à ce point, sans la moindre faille ni le moindre relâchement, d'une partition à l'autre ?
     
    De Beethoven, depuis la fin de l'enfance (je me souviens parfaitement de l'Année du 200ème, 1970), je me dis (et mon constat n'a rien d'original, il est celui de tous) : "Cet homme-là est un chemin, il est l'homme en mouvement, il est celui qui ne se retourne jamais, il progresse, il se modifie, il est la métamorphose permanente".
     
    Sur lui, tout a été dit. La Révolution musicale à lui tout-seul, l'influence de Mozart dans les premiers concertos (n'oublions pas Haydn, et deux ou trois autres, très précis), et les derniers Quatuors, 35 ans plus tard, juste avant sa mort, qui préfigurent les créations les plus audacieuses du vingtième siècle ! Entre ces deux repères, l'éternité du monde.
     
    Ce qui, depuis l'enfance, m'époustoufle chez Beethoven, c'est évidemment le génie de sa musique. Mais je pourrais en dire autant de quelques autres, de Haendel à Bela Bartók, de Richard Strauss à Debussy, et tellement d'autres au fond. Mais ce qui me coupe le souffle, plus encore, c'est l'évolution interne de l'oeuvre, la rénovation constante du langage musical, jamais le moindre rappel d'une oeuvre antérieure. Il revient certes sur le Judas Macchabée de Haendel, et avec quel brio, mais c'est annoncé comme tel. Lui, il avance. Il ne fait pas de la musique, il bouleverse la musique elle-même, à chaque nouvelle oeuvre.
     
    En même temps, il perd l'ouïe, déjà très jeune, et puis ça s'accentue. La Neuvième, ou les derniers Quatuors, il est complètement sourd. L'Ode à la Joie, sur paroles de Schiller, le tube qui tire les larmes aux cinq continents de l'univers vivant, a été composée par un sourd.
     
    S'intéresser à Beethoven, c'est bien sûr se pénétrer, toute une vie, de chacune de ses oeuvres. Rien que les Sonates pour piano sont un monde vivant, cohérent, galactique. Mais ça doit aussi être autre chose : prendre la mesure, par l'écoute, de la fusion permanente que représente l'évolution de son style, cette exigence suprême de l'artiste qui refuse toute allusion parodique aux compositions antérieures, cette nécessité vitale du chemin, qui n'est pas sans rappeler la pulsion de vie du Pèlerin. Pourquoi croyez-vous que l'une des plus grandes oeuvres de Franz Liszt s'appelle "Les Années de Pèlerinage" ? Quel chemin, si ce n'est celui du style musical lui-même ? Le chemin de l'homme vers le son. Comme Heidegger, plus tard, nous invitera à cheminer vers le langage : "Unterwegs zur Sprache".
     
    Toute Histoire des Allemagnes est aussi l'Histoire de la langue allemande (Luther, Frères Grimm, Brecht), dans sa diversité dialectale, et l'Histoire, en profondeur, de la musique allemande. L'Histoire des instruments. L'Histoire des partitions. L'évolution des graphies, on pense bien sûr au travail immense de Jean-Sébastien Bach dans ce sens.
     
    Pourquoi Beethoven ? Pourquoi ce moment-là ? L'Europe est en effervescence, il a 19 ans lorsqu'éclate la Révolution française, il en a 36 lorsque s'effondre le Saint-Empire, 45 au Congrès de Vienne, 51 à la mort de Napoléon. Il lit Rousseau, Plutarque, il vénère Bonaparte puis s'en détourne, il est homme de son temps. Il affranchit la musique du mécénat de Cour, il vit de ses compositions. Il donne à chacun de nous, ses auditeurs, ses admirateurs, ses passionnés, une fantastique leçon de liberté. Il est l'homme du destin. L'homme qui chemine. Il ne s'arrête jamais. Il est, à lui-seul, le passage de la Comète.
     
     
    Pascal Décaillet