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  • L'extension américaine à l'Est : jusqu'où ?

     
    Sur le vif - Lundi 28.02.22 - 15.46h
     
     
    Depuis trente ans, les Etats-Unis avancent leurs pions en Europe centrale et orientale, et même dans certaines Républiques de l'ex-URSS. Sous la bannière de l'Otan, leur club d'affidés, ils ont pris pied en Pologne, dans les Pays Baltes. Et ont leur plan, dûment macéré, pour s'installer en Ukraine. Les Etats-Unis auront bientôt des troupes sur les frontières terrestres de la Russie.
     
    A cela s'ajoute, depuis trente ans, le jeu de l'Allemagne. Implantation massive des entreprises allemandes en Pologne, en Hongrie, en Tchéquie, dans les Pays Baltes. Conquête des marchés. Contrôle financier des conseils d'administration. Pour le stratégique, on place des Allemands. Pour l'opérationnel, on donne le change avec des directions locales.
     
    Cela, c'est la réalité. Pour l'Otan, on nous dit : "Les pays concernés ont demandé leur adhésion". C'est exact. Mais cela ne justifie en rien l'extension. Je doute qu'une demande d'appartenance de l'Espagne ou du Portugal au Pacte de Varsovie eût rencontré un grand succès. L'Otan, le Pacte de Varsovie, sont nés du partage de l'Europe en deux, après la défaite du Troisième Reich. Chacun avait son territoire, sa zone d'influence. Après la chute du Mur, le Pacte de l'Est s'est dissous, et l'Otan a... continué !
     
    Il n'a pas seulement continué. Il s'est engouffré en direction de l'Est de l'Europe, américanisant les économies, normalisant les consciences dans le culte du capitalisme financier, version occidentale. Point n'est besoin d'être un partisan de Poutine pour percevoir là, tout au moins, des causes profondes, à long terme, cérébralement constatées, de ce qui se passe aujourd'hui.
     
    Cela, non pour approuver l'agression contre l'Ukraine, bien évidemment. Mais pour faire jouer d'autres registres que ceux de l'émotion, de la compassion, de l'indignation, de la vocifération.
     
    Chacun choisit son registre. D'un bout à l'autre de la crise qui s'ouvre, c'est celui de l'explication que vous trouverez sous ma plume. Tenez, on pourrait peut-être, dans les jours qui viennent, s'intéresser à l'Allemagne (dont je connais l'Histoire autrement que celle de la Russie). Providentiels, non, ces cent milliards d'euros pour le réarmement ? Le naïfs s'imaginent qu'il en sortira des armes européennes. J'affirme, quant à moi, que ce seront un jour ou l'autre, devant l'Histoire, des armes allemandes.
     
     
    Pascal Décaillet
     

  • Ukraine : on travaille avec son cerveau, SVP !

     
    Sur le vif - Dimanche 27.02.22 - 14.09h
     
     
    Les événements d'Ukraine font appel à nos cerveaux, nos capacités d'analyse, nos connaissances historiques. C'est la tonalité qui sera nôtre ici, je l'ai annoncé dès le premier jour.
     
    Dès le premier jour aussi, j'ai rappelé ce que vous savez sans doute déjà : la très vieille ligne de fracture, au sein de l'actuelle Ukraine, entre russophones, tournés vers Moscou, et l'Ouest du pays, partisan de liens forts avec notre Europe. Césure millénaire : parfois les Russes augmentent leur influence, parfois ils refluent. Les deux tropismes ont toujours existé. L'un et l'autre, ils seront toujours là.
     
    C'est un très vieil enjeu entre l'Ukraine et la Russie : pendant des siècles, il s'est joué dans la plus parfaite indifférence de l'Occident, plutôt même dans son ignorance des faits.
     
    Tenez : si les événements de ces jours s'étaient produits pendant l'époque soviétique, nulle compassion n'aurait envahi nos rues, et un écho tout au plus timide nous en serait parvenu. D'aucuns, de Washington aux atlantistes européens, auraient même accueilli comme une bonne nouvelle cet affaiblissement interne de l'Empire du Mal.
     
    Prenez les Balkans : les guerres des années 1990 ont été les premières, de ce théâtre d'opérations, médiatisées dans nos pays. Elle s'étaient pourtant déjà déroulées tant de fois en mille ans, exactement sur les mêmes lignes de fractures, traversant les mêmes villages, les mêmes familles, ici telle relique de l'Empire ottoman, là telle marche méridionale des Habsbourg, puis de l'Empire austro-hongrois, ici telle mosquée, tel couvent catholique, tel monastère orthodoxe. Tout, déjà, s'était produit auparavant, ne serait-ce qu'entre 1941 et 1945.
     
    Je suis allé dans les Balkans, maintes fois, depuis 1966, je suis allé en Ukraine (en 2004). Dans le premier cas en tout cas, j'ai pu mesurer sur place la complexité des choses, le poids de l'Histoire, la nécessité de reconstituer la polyphonie, celle de toutes les voix, pour se rapprocher d'une vérité.
     
    Pour l'Ukraine, l'approche par le cerveau (qui n'exclut évidemment ni la compassion, ni l'aide humanitaire d'urgence) exige de reconstituer ce qui a pu se passer, en termes de blessure, dans l'âme russe, face à l'implacable avancée des pions de l'Otan en Europe centrale et orientale, depuis la chute du Mur. D'un côté, il y avait le Pacte de Varsovie, il s'est auto-dissous. De l'autre, il y avait l'Otan : elle n'a cessé, depuis 1991, de se renforcer. La Pologne, les Pays Baltes, en sont aujourd'hui membres. La poussée américaine en direction de la Russie est constante. Et il était question que l'Ukraine devienne membre du club atlantiste ! Les troupe américaines, aux frontières terrestres de la Russie !
     
    Il ne s'agit pas de justifier. Il s'agit de comprendre des mécanismes. Nous continuerons, ici, de demeurer dans ce registre cérébral et rationnel pour nos prochains commentaires. Nous reviendrons sur l'expansion de l'Otan en Europe centrale et orientale. Nous établirons les têtes de pont de l'économie allemande dans ces pays-là. Nous nous pencherons sur la guerre de la communication, le choc des propagandes.
     
    Plus que tout : nous tenterons de clarifier ce qui, dans notre for, nous travaille de plus en plus : l'idée d'une guerre des Balkans (années 1990) comme prélude aux événements d'aujourd'hui. Le jeu des apparences (droits de l'homme) et des causes réelles (établir une base atlantiste à l'Est de l'Adriatique, vieux rêve churchillien ; contrôler les gazoducs). Le jeu de la vérité et du mensonge. Le jeu des émotions et de l'analyse. Le jeu de la proximité (ah, les reportages embarqués, en 1999-2000 avec les gentils de l'UCK !) et du recul.
     
    Nous serons, ici, dans ce registre-là. Et attendons la même démarche analytique de nos commentateurs. Ils pourront plaider la cause qu'ils voudront. Mais avec le cerveau. Et avec les références historiques. Pour le primat de l'émotion, pour les facilités de l'indignation, pour les vociférations manichéennes, merci d'aller voir ailleurs.
     
     
    Pascal Décaillet
     

  • Ostpolitik

     
    Sur le vif - Vendredi 25.02.22 - 07.50h
     
     
    L’Europe politique n’existe pas. L’Allemagne, quatrième puissance économique mondiale, ne tardera pas à jouer sa propre carte face à la Russie. En fonction d’un tropisme fondamental de la nation allemande : l’Ostpolitik.
     
    Depuis Frédéric II de Prusse (1740-1786), le destin allemand est tourné vers l’Est. En Europe centrale et orientale, l’Allemagne a tissé des liens économiques et commerciaux exceptionnels, depuis la chute du Mur. Jusqu’à la Russie, comprise.
     
    L’Allemagne, dans les mois qui viennent, va être amenée à jouer ses propres intérêts nationaux. Et affirmer la spécificité de sa relation avec la Russie. Des intérêts économiques vitaux, pour la nation allemande, sont en jeu.
     
    À cela s’ajoute une chose : l’Ostpolitik, depuis Willy Brandt (1969-1974), c’est une marque de fabrique SPD, la famille politique du nouveau Chancelier, Olaf Scholz.
     
    Mme Merkel, c’est fini. Helmut Kohl, Chancelier rhénan de Saint-Empire, c’est fini. Une autre Allemagne est aux affaires.
     
    Cette immense puissance continentale ne jouera pas la carte européenne, pour la simple raison que l’Europe n’existe pas. Elle jouera la carte nationale allemande. Qui inclut un lien permanent avec les marches de l’Est. Russie comprise.
     
    La grande illusion multilatérale s’est fracassée hier sur le récif du réel. Seuls comptent les intérêts nationaux. Ceux qui refusent, depuis des décennies, de les prendre en considération, sont désormais hors-jeu. Hors-sujet.
     
     
    Pascal Décaillet