Liberté
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Voir loin. Dans le coeur vibrant des humains
Sur le vif - Lundi 24.11.25 - 16.51hPassionné de politique depuis l'enfance, je suis le premier à admirer ceux qui voient loin. Les visionnaires.Enfant, mon idole était Charles de Gaulle. Je suis né au moment même de son retour au pouvoir (juin 58), après douze ans et demi d'absence. J'ai grandi avec lui, sur les écrans TV familiaux. J'ai pris goût à la politique, à sept ans et demi, lors de la présidentielle de décembre 65, première du genre au suffrage universel. J'ai suivi Mai 68 sur un transistor. Je me souviens, comme si c'était hier, du référendum d'avril 69, son départ immédiat pour l'avoir perdu. Encore plus précisément, je me souviens de sa mort. Il a succombé le 9 novembre 1970 autour de 19h, j'ai appris son décès par ma mère, le lendemain midi, en revenant de l'école.Les gens que j'admire sont Bismarck pour ses premières lois sociales, il a vu loin. De Gaulle. Mendès France, pour son contrat de confiance, son respect de la parole donnée, sa passion pour la vérité. Et surtout Willy Brandt, pour son intuition de l'Ostpolitik. Tous, ils ont su voir loin.Pourtant, aujourd'hui, j'admire ceux qui savent voir près. Très près. Au plus près des besoins les plus criants, les plus précisément identifiables, des gens, à commencer par les plus démunis d'entre nous. Je pense à ceux qui sont atteints dans leur santé. Je pense à nos aînés en situation économique difficile. Je pense aux jeunes, en recherche d'emploi. Je pense à tous les largués de la société. Les oubliés de la prospérité. Nous avons le devoir de les aider.Voir près ? Un homme, dans sa campagne, en a donné l'exemple. Il a 34 ans, il s'appelle Zohran Mamdani, il vient d'être élu Maire de New York. Cet homme jeune, révolutionnaire dans sa manière d'être, et déjà attaqué de toutes part, m'impressionne. Puisse-t-il réussir. Ce sera terriblement difficile.Mamdani sait voir près. Il a su identifier les vraies souffrances de la population. Il n'a sans doute pas la prodigieuse culture historique de Charles de Gaulle, ni son éclatant rapport au verbe, mais dans cette campagne, il a tenu le diapason du nouveau ton qui s'impose aux politiques : du concret, du concret, encore du concret.Alors oui, je continuerai toute ma vie à lire Plutarque et Thucydide, à admirer les hommes illustres, à me passionner pour l'Histoire de la cohésion sociale, en Allemagne, en France, en Suisse. Mais j'invite les politiques, toutes tendances confondues, à laisser le télescope, et lui préférer l'usage du microscope. Voir près. Sentir les failles. Saisir les souffrances. Respecter les délaissés. Leur venir en aide.Identifier le réel avec les armes puissantes de la lucidité, le réel d'ici et de maintenant, ça permet, par prodigieux paradoxe, de voir enfin très loin. Pas sur la Lune. Mais dans le coeur vibrant des humains.Pascal Décaillet -
La TG, le Marais, le tragique de l'Histoire
Sur le vif - Vendredi 21.11.25 - 08.02hEn politique, il y a la droite, et il y a la gauche. Il y a la lutte des classes. Il y a le tragique de l’Histoire, les guerres, les traités. Il y a la férocité de la lutte de chaque nation pour sa survie. Il y a la puissance tellurique de chaque sentiment national, qui se réveille au premier frisson de soufre. Il y a les intérêts vitaux des nations.La gauche, la droite. De l’antagonisme entre ces deux pôles, né de la Révolution française, naissent parfois des étincelles de lumière. Pour qu’il y ait compromis, il faut d’abord qu’il y ait bagarre. Un traité qui dure est engendré dans la confrontation la plus sévère, pas dans le centrisme de départ, ce non-lieu marécageux de la géographie politique.La Tribune de Genève croit bon, ce matin, de tenter de relancer la grande illusion du Marais. Elle le fait pour affaiblir la droite. Elle le fait par mode du moment. Elle le fait par méconnaissance, feinte ou réelle, des mécanismes implacables de la dialectique entre opposants.J’invite la TG à lire, à fond, les deux analystes politiques les plus lucides depuis 2500 ans : Thucydide, auteur il y a 25 siècles de la Guerre du Péloponnèse, ce choc d’impérialismes économiques entre Sparte et Athènes sur les Cités grecques, et Karl Marx, décrypteur de génie des mécanismes d’intérêts financiers de la Révolution industrielle, d’abord dans la Rhénanie de sa jeunesse, puis sur les Allemagnes, enfin sur l’ensemble de l’Europe.Pascal Décaillet -
Les dents, c'est du concret !
Commentaire publié dans GHI - Mercredi 19.11.25
De quoi souffre la gauche, à Genève comme ailleurs ? De s’être, depuis la chute du Mur, éloignée des fondamentaux du social, pour s’égarer dans le sociétal. Elle souffre aussi de tenir, en milieu urbain, un discours bobo déraciné, au lieu de plonger dans les souffrances des Suisses. Elle souffre encore de mépriser les saintes et légitimes colères de nos compatriotes pour qui la libre-circulation des personnes, entendez les flux migratoires massifs, ne sont pas nécessairement vécus comme un enrichissement. Elle souffre, enfin, sous l’influence des Verts, de privilégier la fin du monde sur la fin du mois.
Face à cette dérive, l’initiative cantonale sur les soins dentaires, lancée par la gauche genevoise, et portée par la députée socialiste Sophie Demaurex, fait plaisir à voir. Les dents des humains : rien de plus concret, rien de plus fragile si on se nourrit mal, si on abuse du sucre. Une dent infectée peut avoir des conséquences funestes sur l’ensemble du corps. La dent n’est absolument pas un élément extérieur, elle est partie intégrante de notre corps. Nous devons en prendre soin.
L’initiative propose un chèque annuel de 300 francs pour les plus défavorisés d’entre nous, valable pour leurs soins dentaires. Elle va totalement dans le bon sens. Et surtout, elle donne un signal : s’occuper ENFIN des vraies souffrances des gens. A commencer par les plus démunis. Aux initiants, je dis bravo !
Pascal Décaillet