Liberté - Page 157
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Laisser croupir nos retraités, c'est dégueulasse !
Sur le vif - Mercredi 01.03.23 - 14.25hOn déverse des sommes colossales dans le gouffre à millions de l'asile. Et on refuse le moindre geste dans l'adaptation des rentes de nos retraités. C'est purement et simplement dégueulasse.Nos retraités, j'insiste sur le possessif. Parce qu'il est affectif, il indique une communauté nationale d'appartenance, en allemand on dit "Gemeinschaft".Les nôtres, oui. Nos pères, nos mères. Nos compatriotes. Le lien du sang, celui de la Patrie. Cette communauté doit être placée en tête de nos priorités, en termes de solidarité.Aujourd'hui, c'est le contraire. On sanctifie l'Autre, on laisse croupir le Nôtre. C'est immonde. C'est contraire à tout ce qui fonde l'instinct national, l'essence même d'un pays. Car il faut délimiter, il faut des frontières, le "monde" n'existe pas, ni "l'universel" : seul existe l'instinct de survie de communautés rivales. Le reste, c'est du pipeau, du catéchisme, de la floraison d'utopie dans nos âmes en jachère.D'abord, les nôtres. Et parmi les nôtres, les plus fragiles. Nos personnes âgées en font partie : leurs conditions de vie doivent être impérativement améliorées. Oui, on commence par ça. Et après, SEULEMENT APRÈS, on envisage éventuellement de soulager la misère du monde.Pascal Décaillet -
Le débat, c'est fini. Place au combat !
Commentaire publié dans GHI - Mercredi 01.03.23
A l’école, on nous apprend à argumenter. Je me souviens, dès l’âge de treize ans, de mes premières dissertations : que pensez-vous de la peine de mort ? J’étais résolument contre, le suis toujours, mais il fallait entrer dans la mécanique ternaire, un peu convenue, thèse, antithèse, synthèse, où même l’opposant farouche à la peine capitale, que j’étais, devait consacrer un paragraphe aux arguments des partisans. C’était scolaire, ennuyeux à mourir, j’ai très vite préféré l’explication de texte : on prend le passage d’une œuvre, on le décortique, on tente de dégager les ressorts du langage, l’usage des mots, le rythme, les silences, la musique des syllabes, le processus d’écriture.
Thèse, antithèse, synthèse : c’était très bateau, comme exercice, mais c’était réputé avoir la vertu de nous faire entrer dans la pensée de l’autre. Ainsi, le débat. Radiophonique, télévisé. On prend des gens d’opinions opposées, ils s’expliquent, le ton monte parfois, mais globalement on s’écoute, c’est en tout cas la conception que j’en ai. Mais franchement, à part la catharsis, la vivacité démocratique, la polyphonie, la belle humanité d’une rencontre où des antagonistes se respectent, nul débat ne change la face du monde. Dans l’écrasante majorité des cas, auprès des auditeurs, ou spectateurs, il conforte l’opinion qu’ils avaient déjà.
J’aime organiser des débats. Parce que je suis un homme de voix, de direct, de radio. Mais en même temps, je vois bien que nous entrons dans un autre monde : celui du combat. Il faut être réaliste : les gens s’écoutent de moins en moins. Ils se recroquevillent dans des communautés d’idées, de visions du monde, vitupèrent l’autre en son absence, se confortent mutuellement. Cela s’appelle des meutes. Parfois sauvages, parfois phalanges, parfois joyeuses, jouissant du verbe, parfois décaties, revêches, revanchardes. Nul d’entre nous n’y échappe. C’est la nature humaine, notre nature. C’est la noirceur de chacune de nos âmes, nos cicatrices, nos souffrances, nos amertumes.
Ce repli, l’époque s’y prête. Guerre en Ukraine, promesses d’Apocalypse climatique, communautarisme fragmenté autour de questions « sociétales », exacerbation de tout ce qui touche au genre, à la couleur de la peau : les sujets sont innombrables, où nous n’avons même plus envie d’ouvrir le débat. Mais juste la force, pour les plus déterminés d’entre nous, de livrer le combat. Le désert de la parole partagée précède les guerres. Surgit un moment où l’on parle seulement aux siens, on les compte, on les rassemble. L’ennemi (oui, il faut oser ce terme, et parfois le préférer à celui, trop doux, d’adversaire), on ne lui parle plus. On coupe les canaux de communication. Drôle de guerre ? Oui, Ligne Maginot, ou Siegfried, tranchées, chiens de faïence, le grand silence qui précède les chocs frontaux.
Nous sommes entrés dans ce processus-là. Le temps des soliloques antagonistes se substitue à l’élégance feinte de la disputatio. Le verbe, un jour, deviendra poudre. Et peut-être, un autre jour encore, renaîtra-t-il. Mais ce sera dans un autre monde : celui d’après.
Pascal Décaillet
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La "communauté internationale", alibi de l'impérialisme américian
Sur le vif - Mardi 28.02.23 - 10.36hLa "communauté internationale" n'existe pas. Elle est juste un mythe. Un paravent à l'hégémonie mondiale, depuis 1945, des Etats-Unis d'Amérique, vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale sur deux fronts : la partie occidentale de l'Europe, et le Pacifique.En Europe, c'est la Guerre à l'Est qui a décidé, le 8 mai 1945, du sort des armes. Quatre années d'un affrontement titanesque entre l'Allemagne et l'URSS, avec à la fin la victoire de cette dernière, au prix de 25 millions de morts, dans leurs propres rangs.Dans le Pacifique, c'est une victoire 100% américaine. Il s'agissait de disputer à l'Empire du Japon la domination économique et commerciale sur cette immense surface du monde. Ca s'est terminé par l'horreur absolue de deux bombes atomiques. Les Américains, à ce jour, sont les seuls, en 78 ans, à avoir utilisé l'arme nucléaire.En 1945, les Américains se retrouvent première puissance mondiale. C'est précisément dans les mois qui suivent que naissent les premières grandes organisations internationales, à commencer par l'ONU. Elles sont une invention du camp occidental, comme la SDN l'avait déjà été en 1919. Et elles sont, dès le départ, dominées par les Etats-Unis d'Amérique. Regardez Genève : la Mission permanente des Américains n'est séparée que de quelques centaines de mètres du siège européen de l'ONU. On peut, sans problème passer de l'un à l'autre à pied, plusieurs fois par jour.Depuis 1945, toute l'architecture des organisations dites "internationales", dont Genève est l'un des épicentres, s'est construite sous la tutelle, et avec le blanc-seing des Etats-Unis d'Amérique. Elles ont leur siège chez eux ou en Europe, bref dans le camp occidental, jamais en Orient, ni même en Europe de l'Est. Elles ne sont pas des organisations mondiales (si ce n'est pour la façade). Non, elles sont l'alibi de respectabilité, l'illusion de démocratie mondiale, de l'impérialisme sans partage des Etats-Unis.Depuis 1945, les Etats-Unis ont été en guerre en permanence. En Corée. Au Vietnam, ce petit pays de paysans qu'ils ont défloré, défolié, en lui déversant davantage de bombes (à fragmentation, au napalm) que sur toute l'Europe, pendant la Seconde Guerre mondiale. En Amérique centrale. En Amérique du Sud. En Irak. En Afghanistan. Partout, ils ont guerroyé, bombardé, incendié, tué. Ils sont, depuis le début, une nation guerrière. Avec, reconnaissons-le, de grands soldats, et une tradition militaire de premier ordre. Ils sont tout, sauf des pacifiques. Ils sont une nation intrinsèquement belligérante.Derrière eux, la plupart du temps pour les applaudir, les "organisations internationales". Sises, toutes, dans le camp occidental.L'un des enjeux des événements d'Ukraine, c'est que ce petit jeu de légitimation est en train de s'effondrer. Les Russes sont boudés par ce petit monde consanguin et atlantiste ? Même pas ! Un nombre insoupçonné de pays du monde les soutiennent. La Chine est l'un de leurs partenaires. L'autre partie du monde n'a pas dit son dernier mot.Méfions-nous ici, notamment à Genève, de la caisse de résonance idéologique dont nous sommes captifs. Il est infiniment agréable de se promener sur les bords du lac, traverser un Jardin Botanique enchanteur, remonter le chemin de l'Impératrice jusqu'au Château de Penthes, descendre l'avenue de la Paix en passant devant la Mission américaine, la Mission indienne, le CICR, l'ONU. Se dire que la vie est belle, paisible.Sauf que justement, elle ne l'est pas. La guerre ne s'est pas arrêtée en 1945. Un pays, en continu, pour tenir son rôle d'Empire conquis de haute lutte de 41 à 45, l'a menée, partout sur la planète, cette guerre. Ce pays, ce sont les Etats-Unis d'Amérique.Depuis la chute du Mur (1989), ils ont décidé, sous couvert "d'Otan", de casser les Accords de Yalta (1945), et d'étendre au maximum leur domination sur la partie orientale de l'Europe. Le Pacte de Varsovie s'est dissous. Les Etats-Unis et leurs affidés avaient le champ libre pour s'installer. C'est dans cette perspective-là, et non dans des questions morales, qu'il faut placer les causes profondes des actuels événements en Ukraine.Le conflit régional autour du Donbass, vieux d'un millénaire, constamment sujet à la rivalité des influences entre les Russes et un tropisme plus européen, est une chose en soi. Jamais il n'aurait pris de telles proportions, à la limite d'un embrasement généralisé, si les appétits impérialistes des Etats-Unis n'étaient allés aussi loin vers l'Est, jusqu'à narguer l'Ours russe, sur les rebords de son menton.Pascal Décaillet