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Liberté - Page 1423

  • Jean Romain joue avec le feu

     

    « Le port de tout costume religieux est interdit sur la voie publique à toute personne ayant un domicile ou une résidence dans le canton de Genève, ou y exerçant une activité régulière. Les accessoires religieux ne sont pas concernés par cette interdiction ». Au nom de l’universalisme républicain opposé à la résurgence des communautarismes, le député radical Jean Romain, par ailleurs nouveau parlementaire crédible au Grand Conseil genevois, joue avec le feu. « Même moi, je n’aurais pas osé », déclare Oskar Freysinger.

     

    Il existe, à Genève, depuis le Kulturkampf et Antoine Carteret (seconde partie du dix-neuvième siècle), une solide tradition d’anticléricalisme dans une certaine frange des radicaux. Consciemment ou non, Jean Romain renoue, de facto, avec cette tendance qu’on croyait révolue, ou juste cantonnée à la garde noire de certains conseillers d’Etat. Depuis la loi de Séparation de 1907 (deux ans après la France), Genève est une République laïque, ce dont nul ne se plaint, en tout cas pas le soussigné. L’Etat ne s’y occupe pas de religion, tout au plus fixe-t-il des cadres pour que ces dernières puissent cohabiter dans le respect mutuel. Bref, les choses se passent bien, chacun peut s’exprimer, le croyant, l’agnostique, l’athée, sans compter l’excellence d’un dialogue interreligieux favorisé par la présence du Conseil œcuménique des Eglises.

     

    C’est donc bien mal connaître Genève que de chercher à y rallumer des querelles dont personne ne veut. Il y a, dans tout Genève, au maximum une dizaine de prêtres en soutane, quelques bonnes sœurs qui ne font strictement de mal à personne, des popes orthodoxes d’une belle qualité intellectuelle à Chambésy, de rares rabbins, un imam. Punkt, Schluss. Les quelques burqas qu’on y aperçoit, en août, ce sont des touristes, ne tombant donc pas sous le projet de loi de Jean Romain. Dès lors, à quoi bon, au nom d’un « universalisme » mathématique, où tout est pris en valeur absolue, sans la moindre ductilité d’approche, chercher noise à quelques hommes et femmes de paix pratiquant, dans le canton, la religion qu’ils ont choisie, et vêtus selon leur rite ? Toutes choses ne gênant personne, à part Jean Romain lui-même. Un projet de loi incompréhensible. Surtout de la part d’un esprit de cette qualité.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Bal masqué

     

    Chronique publiée dans la Tribune de Genève - Jeudi 17.06.10

     

    Burqa, soutane, même combat ? Au nom du principe d’universalisme contre les corporatismes, le député radical Jean Romain répond oui, en demandant l’interdiction, dans le canton, « de tout costume religieux sur la voie publique à toute personne ayant un domicile ou une résidence dans le canton ».

     

    Autrement dit : tu es porteuse de burqa, ma sœur, mais touriste, ça passe. Tu es porteur de soutane, mon frère, résidant à Tannay, ça passe encore. Tu portes la même soutane, mais tu habites Céligny, ça casse. Putains d’enclaves ! Tu es pope orthodoxe au Centre de Chambésy, ça casse. Tu es ensoutané à mort, mais résidant au Vatican et de passage pour un Congrès sur le sexe des radicaux, ça passe.

     

    Tu es rabbin, mon cher cousin, t’en fais quoi de ton grand chapeau ? C’est un habit ? Et la kippa ? Tu la relègues dans ta poche ? Ben dis donc, y a du boulot pour la maréchaussée, dans la ville de Calvin ! Au début, le Verbe, et puis juste après, la verbalisation, et le bal masqué pour se changer, au violon.

     

    Reste l’essentiel : a-t-on songé à inventer un habit de fonction pour radicaux anticléricaux trop zélés ? Ceux qui ne peuvent pas entendre le seul mot « religion » sans sortir leur flingue. Cet habit existe. Peu sacerdotal. Mais seyant et pratique contre la bougeotte. Ca s’appelle la camisole.

     

    Pascal Décaillet