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Liberté - Page 1427

  • Âmes soeurs

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    Chronique publiée dans la Tribune de Genève - Jeudi 10.06.10

     

    Je me suis retrouvé hier matin, sur le coup de 07.30h, face à un fou transgénique qui m’a lancé : « Je suis une maîtresse enfantine ». Je me suis d’abord dit qu’il se gaussait, me cherchait, j’ai guetté un pré où l’affaire aurait pu se régler. Je l’ai contemplé : c’était bien un homme, pourtant, nous n’étions ni chez Michou ni à Hambourg, quartier du port. J’ai pris peur.

     

    Et l’homme a confirmé : « Je suis maîtresse enfantine ». J’ai rougi, j’ai pâli, j’ai frémi à ses yeux, genres, grammaires, kabbales se sont mélangés dans mon esprit embué, d’étranges pensées salerniennes m’ont envahi, maires, mairesses, j’ai cherché le masculin de l’amertume, j’ai pensé aux points cardinaux, aux boussoles du côté du Pôle Nord.

     

    Il faut dire que j’avais là, face à moi, le meilleur des hommes. Il y avait, à côté de lui, toute l’animalité taurine d’Olivier Baud, comme une mise à terre, pour me rassurer. Je me suis dit que, si cet homme-là était une maîtresse, que serais-je, moi-même ? Une ombre ? Une lueur ? Une inconnue dans l’équation ? Une disparition ?

     

    J’ai pensé aux genres et à leurs mélanges, aux confluences, aux eaux du Rhône et celles de l’Arve, aux semi-créatures de Platon, dans le Banquet. J’ai pensé, aussi, à la géométrie. La définition de la droite. Le plus court chemin d’un point vers l’autre ? Et si c’était, simplement, la course d’une âme, quelque part, vers sa sœur ?

     

    Pascal Décaillet

     

  • Neuf membres : un faux problème

     

    Commentaire publié dans le Giornale del Popolo - Jeudi 10.06.10

     

    Un Conseil fédéral à neuf membres : le Conseil des Etats, aujourd’hui, va se pencher sur la question, via une motion du Vert vaudois Luc Recordon. Si le thème n’a rien de tabou (il est bel et bien urgent de réformer le gouvernement), la proposition, hélas, apparaît comme un peu courte : c’est d’une refonte beaucoup plus drastique que l’exécutif suisse a besoin.

     

    Sur un point, les Verts ont raison : certains Départements actuels, celui de Moritz Leuenberger (ministre en exercice depuis le Neandertal) et celui de Didier Burkhalter sont de taille disportionnée. Alors que celui d’Ueli Maurer doit sans doute laisser pas mal de temps libre à son titulaire pour des lectures (bandes dessinées ?), des parties de golf, ou simplement siroter un drink (bio, of course).

     

    Le nombre de sept, si biblique soit-il, n’a rien, non plus, de tabou. On peut l’élever à neuf, l’abaisser à cinq, cela n’a, en soi, aucune importance. Ce qui compte, c’est dans quel contexte de réforme beaucoup plus globale ce changement de nombre interviendrait. Si la Suisse se dotait d’un vrai gouvernement, en dégageant du temps pour les ministres, en laissant des secrétaires d’Etat assister aux commissions parlementaires, le nombre de cinq ferait parfaitement l’affaire.

     

    Et puis, ne soyons pas naïfs ! De qui émane ce projet de réforme ? D’un Vert ! Cosigné par un autre conseiller aux Etats Vert, le Genevois Robert Cramer. Donc, d’un parti qui aurait, immédiatement, tout à gagner à un collège plus large : il pourrait, sans tarder, y placer l’un des siens. Par exemple qui ? Par exemple, Luc Recordon ou Robert Cramer ! Ah, les braves gens, ah que le monde est bien fait lorsqu’on n’est jamais si bien servi que par soi-même !

     

    Passer à neuf membres, why not ? Mais il n’y aurait là qu’un emplâtre sur une jambe de bois. Les vraies questions sont ailleurs : rompre avec ce système de passants, où on ne fait que boucher les trous, parce que certains, en pleine législature, alors qu’ils ne sont ni malades ni touchés par un scandale, décident de déposer les plaques. En finir, aussi, avec ces candidats à l’éternité, ces Moritz Leuenberger qui n’en peuvent plus de s’accrocher. Elire des gens en fonction d’un programme, pourquoi pas des listes. Ensuite seulement, il serait temps de voir s’il faut trois, cinq, sept, neuf ou onze ministres.

     

    Le projet Recordon est donc de pure convenance pour le bien des Verts. Il ne repose sur aucune réflexion globale, ne propose aucune anticipation imaginative de réforme, ne tire pas les leçons terribles du dernier rapport des commissions de gestion sur la gouvernance en temps de crise (affaire UBS). Il ressemble à une refonte administrative de l’équipage du Titanic, alors que personne ne songerait à pointer son nez dans le hublot. Histoire d’entrevoir cette sublime masse bleutée, qui s’appelle l’iceberg.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Le Conseil d’Etat genevois prédit le passé


    Sous la forme d’un fastidieux catalogue énumératif, dans lequel on peine à voir émerger l’esquisse d’une priorité, le Conseil d’Etat genevois vient de publier son programme de législature.

     

    Un peu catalogue Veillon, un peu catalogue des vaisseaux, un rien annuaire téléphonique, un chouïa Redoute, ce document n’est rien d’autre qu’une juxtaposition. Sans mise en évidence par ordre d’urgence. « Gouverner c’est choisir », avait dit le plus grand homme d’Etat (peut-être le seul, d’ailleurs) de la Quatrième République, Pierre Mendès France. Là, le Conseil d’Etat ne choisit pas vraiment. Alors, gouverne-t-il ?

     

    Peut-être, enfin, pourrait-on, dans un abcès de folie qu’on voudra bien nous pardonner, rêver qu’une fois, les « programmes de législature » soient brandis AVANT les élections, ce qui permettrait d’élire des équipes sémantiquement cohérentes, et non des patchworks de fortune.

     

    Parce que là, un programme d’action avancé au septième mois d’un mandat qui en compte 48, on pourrait presque se dire que c’est un peu tard. Mais ce serait médire.

     

    Pascal Décaillet