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Liberté - Page 1282

  • Suffrage universel

     

    Chronique publiée dans le Nouvelliste - Mercredi 13.07.11

     

    Depuis plus de vingt ans, je défends l'idée de l'élection du Conseil fédéral par le peuple. Bien avant que l'UDC ne lance une initiative dans ce sens. Bien avant la polarisation de la vie politique suisse. Ce qui m'amène à militer pour cette réforme, c'est le souhait d'avoir, pour mon pays, un exécutif fort, avec les meilleurs, les caractères les plus trempés, ceux qui se seront frottés victorieusement au suffrage universel. Et non les souris grises, résultats d'accords de coulisses d'un parlement dont la mission historique est de faire les lois, et non d'élire le gouvernement.

     

    Depuis plus de vingt ans, je défends cette idée, qui n'est ni de gauche, ni de droite (Pierre-Yves Maillard la soutient, tout aussi bien que Christoph Blocher), mais le combat de ceux qui veulent créer un lien de confiance fort, tellurique, entre la population et les élus. Aujourd'hui, ce lien n'existe pas. Certes, les gens respectent les conseillers fédéraux, mais comme des personnages lointains, irréels, n'ayant à répondre que devant un parlement, sous les lambris du Palais fédéral. La politique comme cercle fermé, entre soi. Les deux seuls hommes, au fond, qui ont vraiment échappé à ce Cercle de Craie caucasien furent Jean-Pascal Delamuraz et Christoph Blocher, au moment de la campagne de 1992 pour l'Espace économique européen. Leurs successeurs, la plupart issus de la caste parlementaire, ont continué de faire de la politique entre soi, loin du peuple.

     

    La caste parlementaire ! Le mot est encore bien faible pour décrire la coagulation consanguine d'intérêts horizontaux, à travers les partis, aux Chambres fédérales. Ce principe même de « sessions », qui date du temps des diligences ou des tout premiers trains (1848), où l'on ne siège, qu'il pleuve ou qu'il vente, que quatre fois par an, est totalement caduc, et tout le monde, par confort, feint de l'ignorer. Cette jouissance d'être les grands électeurs, représenter chacun le 246ème de l'onction, s'exciter comme des fous au Bellevue, sous l'empire de la combinazione, pour finalement déboucher sur un Didier Burkhalter ou un Johann Schneider-Ammann (alors qu'on tenait l'occasion d'une Karin Keller-Sutter), il y a là un sérieux discrédit sur l'institution parlementaire. Les Suisses, lorsqu'ils voteront sur l'élection par le peuple, devraient songer à ces tristes épisodes, où non seulement on leur confisque leur pouvoir de décision, mais en plus on décide mal.

     

    Bien entendu, la quasi-totalité de la classe politique, à commencer par les actuels parlementaires fédéraux des partis qui se partagent la Suisse, ceux qui ont passé leur vie à blanchir sous le harnais de ce système-là, ceux qui s'en sont partagé les avantages, les dividendes et les prébendes, plaideront pour la continuation, jusqu'à la fin des siècles, du système actuel. Douillet. Confortable. Surtout rester entre soi. Sans rien changer. Jamais.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Il est minuit, docteur Coué !

     

    Chronique publiée dans le Nouvelliste - Mercredi 29.06.11

     

    Ils nous disent que l'UDC est l'opposition, la seule vraie du pays. Et qu'avec ses 30%, elle n'est finalement pas si dangereuse : heureuse contrée, où l'opposition, normalement à 49%, se limiterait à moins d'un tiers ! Et qu'au fond, les 70% d'autres, ceux qui charrient des « valeurs communes », doivent demeurer, ensemble, sous les lambris du pouvoir. Cette théorie, tellement rassurante qu'elle pourrait être du docteur Coué, circule, jusqu'au plus haut niveau, parmi les têtes les mieux pensantes (laissons les autres) du PLR. Ce raisonnement, qui fait des socialistes et des Verts des alliés, et de l'UDC des ennemis, ne tient tout simplement pas la route. Il relève du sophisme. Il passe par pertes et profits la barrière gauche-droite. Il émane, surtout, de personnalités politiques qui n'avaient pas tant d'états d'âme face à la gauche, dans les années 70 ou 80, lorsqu'elles incarnaient, avant le phénomène Blocher, la droite suisse.

     

    Rappelez-vous les radicaux des années 80. Omnipotents. Colonels. Banquiers. Administrateurs. Nuques raides. Militaristes en diable. Nucléaires. Machos. « Insubmersibles », qu'ils disaient. La vraie droite, c'était eux, têtes de béton de l'armée, copains de l'Afrique du Sud, épouvantails de la gauche. Peu ou prou, ce que l'UDC est devenue aujourd'hui : la droite à abattre. Ces héroïques officiers de la petite guerre, sans pareil pour le lustre du ceinturon et la réflexion de la guêtre, incarnaient la Suisse de « l'ail et du mauvais alcool », où l'employé d'arsenal était roi, poète et prophète : l'homme d'armes y apparaissait comme le laquais du financier. Suisse traditionnelle, juste la tristesse d'une caste, même pas la joie de vivre des UDC d'aujourd'hui, leur plèbe, leurs chants du terroir, leur jouissance tellurique, leur sentiment d'appartenance, « Gemeinschaft ». Oui, avec le phénomène Blocher, la Suisse des traditions a retrouvé comme une fierté d'être, une couleur, un bonheur populaire, qu'on ne percevait guère dans les heures très grisâtres des colonels.

     

    Ils sont tristes pourquoi, aujourd'hui, les héritiers des colonels ? En vérité pour une seule raison: ils ne font, tout simplement, plus le poids. La Suisse, ils ne la dominent plus. Sur leur droite, ils se sont fait doubler, comme des puceaux. Alors, pour rester dans les majorités de pouvoir, ils s'inventent avec la gauche des « valeurs communes ». Dont serait exclue, ostracisée, l'UDC, tas de sauvages, « moins démocrates que nous », abuseurs de démocratie directe, verticaux de la prairie, capables de tenir séance debout, en plein hiver, dans l'improbable obscurité d'une clairière. Alors, les héritiers des colonels des années 80 se découvrent amis d'une gauche qu'ils auraient volontiers, il y a trente ans, étripée. L'essentiel : survivre, rester au pouvoir. Entre gens de bonne composition. Entre bourgeois. Rotary par ci, golf par là. Et après nous, le Déluge.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

     

  • Course aux Etats : un espoir pour la droite

     

    Sur le vif - Mardi 28.06.11 - 11.22h

     

    La décision de la droite genevoise (Entente + UDC) de partir unie, derrière Yves Nidegger, pour la Cour des Comptes le 18 septembre, et de soutenir en contrepartie un ticket Lüscher-Barthassat aux Etats le 23 octobre, est à saluer. Elle est une décision raisonnable, stratégique, ambitieuse, à considérer comme un premier pas vers un long terme, qui sera à construire patiemment. Pour la première fois, si chacun tient sa parole, la machine à perdre pourrait bien être enrayée. Il faut rendre hommage, ce matin, tout particulièrement, à ceux à qui cette décision a beaucoup coûté : démocrates-chrétiens centristes, chrétiens-sociaux, pour qui il n'est pas évident, même en pure Realpolitik, d'accorder un soutien à l'UDC. Ou encore, ex-radicaux du PLR qui combattaient, ce printemps encore, l'idée d'une droite élargie, et semblent avoir un peu évolué.

     

    Ce matin, pour la première fois, Madame Maury Pasquier et Monsieur Cramer peuvent commencer à se faire quelques soucis. L'un des deux, peut-être, le 23 octobre, pourrait ne pas être reconduit avec cette douillette automaticité que leur promettait la machine à perdre de la droite. Du coup, Genève, canton majoritairement à droite, pourrait équilibrer sa représentation dans une Chambre dont tout connaisseur de la vie fédérale mesure l'importance capitale. Oh, rien n'est encore fait, les ferments de dispersion internes à la droite genevoise peuvent renaître, exploités par une gauche habile, et qui n'aurait pas à se gêner de l'être. Mais enfin, après les décombres de ce printemps, un heureux signal est donné. A Genève comme sur le plan fédéral, le PLR (en tout cas) et l'UDC sont d'accord, dans les votes, sur beaucoup plus d'objets que certains radicaux atypiques de Genève ne veulent nous faire croire. En matière financière, fiscale, ils sont même très proches. Ils partagent la même conception de l'individu, de la liberté, de la responsabilité. Ça n'est certes pas tout. Mais, face à l'ennemi commun (la gauche), ça n'est pas rien.

     


    Et puis, la politique, ce sont des personnes : les visages qui vous aurez sur vos affiches cet automne. Face au duo Maury Pasquier / Cramer, commence, visuellement, à naître la possibilité d'un Lüscher / Barthassat. C'est-à-dire de deux des sortants ayant, au National, le meilleur bilan. Avec, derrière eux, une stratégie d'union cohérente, à mille lieues de la lunaire singularité Jobin de 2007. Nous sommes là dans un scénario où les chances de Reconquista, même partielle, au Stöckli, commencent à devenir crédibles. C'est encore loin d'être fait, il y encore quatre mois de combat. Mais la première pierre, aujourd'hui, est posée.

     

    Pascal Décaillet