Sur le vif - Vendredi 15.07.11 - 19.32h
J'ai beaucoup de respect et d'amitié pour Massimo Lorenzi, le chef des sports à la RTS, mais ses larmes, à l'instant dans Forum, n'y pourront rien changer. L'achat, pour 30 millions, des droits de retransmission des matches de Super League par Swisscom TV, relève de la pure loi du marché, n'a strictement rien de scélérat, fait partie de la vie. Il ne porte strictement nulle atteinte au domaine régalien du service public, pour peu que ce champ fantasmatique de virginité doive d'ailleurs exister. Il n'y a pas, d'un côté, un service public qui ferait éthiquement son boulot en matière de sports, et de l'autre les ignobles privés qui ne penseraient qu'à l'argent. Il s'agit de montrer des matches de foot, pas de sauver, que je sache, le cœur mystique de notre nation. À cet égard, Massimo a eu des mots beaucoup trop durs, arrogants même, face aux commentateurs de Swisscom TV : je connais, parmi ces derniers, certains des meilleurs journalistes sportifs du pays.
C'est sûr, pour Swisscom TV, c'est un coup de maître. De loin, l'attaque la plus dévastatrice du privé contre la SSR de Roger de Weck, parce qu'elle porte sur des sommes considérables, va aiguiser chez d'autres des pulsions de concurrence. Je pense, particulièrement, aux chaînes régionales privées, qui doivent maintenant se réveiller, ne plus se considérer comme de timides petites sœurs, porter l'attaque, même avec cent fois moins de moyens. Le récent papier de Christophe Rasch, directeur de la Télé, dans le Temps, relayé par son homologue Antoni Mayer, de Léman Bleu, avait les délicieux accents salés d'une déclaration de guerre. Cette guerre, mille fois justifiée par une loi sur la radio et la télévision (LRTV) taillée sur mesure pour le Mammouth, les privés doivent maintenant la mener.
Regarder un match de foot gratuitement ne fait pas partie des droits imprescriptibles de la personne humaine. Sur Swisscom TV, on paiera Fr. 2.50 par match, c'est plus que raisonnable ! Et c'est une forme de redevance intelligente, puisqu'elle est ciblée sur le produit consommé, et non versée à l'aveugle, comme les 463 francs annuels versés par chacun d'entre nous à la SSR.
La concurrence ne doit évidemment pas se cantonner aux droits de retransmissions sportives. Dans les émissions politiques, les débats citoyens, la culture, l'économie, les antennes privées doivent se battre, montrer, sur leurs terrains respectifs, qu'elles existent. Même avec des moyens dérisoires : l'argent ne viendra, de la part des milieux économiques locaux, que si les investisseurs sentent dans ces chaînes une volonté de faire la guerre. Sinon, elles disparaîtront. Ainsi fonctionne la concurrence : dure, cruelle, mais tellement stimulante pour qui aime entreprendre.
Pascal Décaillet