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Liberté - Page 1178

  • Polac, la liberté du promeneur

     

    Hommage - Mercredi 08.08.12 - 15.22h

     

    Emmerdeur surdoué, dérangeur, homme d'une infinie culture, pétri par les livres, concerné jusque dans l'intime par l'aventure de l'écriture, Michel Polac nous a quittés à l'âge de 82 ans. C'était un grand. Un solitaire. Une singulière essence de sauvagerie, si raffinée, dans le grotesque cliquetis des cocktails parisiens. Je dirais, profondément, un « Provincial », au sens à la fois de Pascal et de la Compagnie de Jésus. Provincial, oui, bien qu'il fût infiniment urbain. Il ne suivait jamais les modes. Ses chemins de traverse à lui, ses choix de lectures, étaient d'un autre ordre, d'une autre pente, d'une autre galaxie. Provincial, dans le sens de la solitude.

     

    Polac, homme total, journaliste total. Il a tout fait, créant la première version du Masque et la Plume en 1955, illuminant nos vingt ans avec Droit de réponse, ce qui équivalait, en ces années-là, à produire et animer une émission au sommet de l'Etna. Il fait partie des meilleurs, ceux qui se font virer par les médiocres, disparaissent, reviennent. Hallucinant bosseur, infatigable. Jour et nuit sur les bouquins. Le plus fascinant, dans Droit de réponse, c'était sa connaissance à lui des dossiers. Sur le bout des doigts.

     

    Je crois qu'il aurait voulu être écrivain, il le fut d'ailleurs. Son équation à la chose littéraire, malgré des choix parfois à des années-lumière des miens, me frappe par sa magnifique liberté de cheminer, de fureter, au pays des autoroutes et des passages obligés. Lui, producteur de TV, se contrefoutait allègrement des impératifs des maisons d'édition et des petits marquis de la criticature. Il allait son chemin. Et la petite magie tranquille de cette errance, en premier lieu de toutes choses, me fascinait. Polac était un esprit indépendant, un homme libre. J'aurais aimé, un peu, cheminer avec lui. Un jour, peut-être. Ailleurs.

     

     

    Pascal Décaillet

     

  • Présidente de la Confédération... ou du Conseil fédéral ?

     

    Commentaire publié ce matin en une du Giornale del Popolo - Mercredi 08.08.12


     

    Un bilan de sept mois, c'est original, inédit. On peut gloser sur le premier semestre de l'année présidentielle, ou sur l'année elle-même, mais sept mois... Eveline Widmer-Schlumpf, présidente 2012 de la Confédération, serait-elle en panne ? Aurait-elle besoin de lustrer un peu son blason, à quelques jours d'une intervention SSR du 1er août dont le moins qu'on puisse dire - en restant poli - est qu'elle n'a pas galvanisé les foules. En langue française, ce fut même catastrophique. Alors oui, quelques annonces intéressantes, hier à Berne, comme cette invitation lancée au président François Hollande. Mais surtout, pour nous, peuple suisse, l'occasion de nous interroger sur cette présidence.

     

    D'abord, Mme Widmer-Schlumpf, comme conseillère fédérale, apparaît beaucoup plus légitime depuis décembre 2011 que lors de la législature précédente. Elle a été réélue, avec aisance, dans un scrutin qui, cette fois, ne sentait pas la combinazione, comme en 2007, lorsqu'il s'agissait d'évincer Blocher. Légitime comme conseillère fédérale, et donc aussi comme présidente. Elle est maintenant, un ministre comme les autres. Ses interventions sont intelligentes, précises, mesurées. Comme présidente, elle a le souci du pays, de son unité dans la diversité : les habitants des Grisons, comme de la Suisse italienne, sont habités par l'impérieuse nécessité de ces équilibres, les lecteurs de ce journal le savent bien.

     

    Un ton présidentiel, donc. Comme les Suisses l'aiment. C'est-à-dire sans élever la voix, sans se draper dans des postures supérieures, sans se hausser au niveau de l'homme ou de la femme providentiels. De ce côté-là, bravo. Reste à savoir si cette femme travailleuse mais discrète est vraiment présidente de la Confédération, ou plutôt, seulement, présidente... du Conseil fédéral. Ça n'est pas la même chose ! Nul doute que Mme Widmer-Schlumpf fasse fort bien son boulot de prima inter pares, au sein des sept. Et c'est, en effet, une partie capitale de sa fonction. Mais on pourrait, pour l'intérêt du pays, en rêver une autre : une présidente qui irait, bien davantage, au contact du pays profond. Dans le style, toutes proportions gardées, d'Adolf Ogi : un président apprécié et populaire.

     

    Là, nous touchons aux limites. De Suisse romande (et vous, en Suisse italienne ?), on a vraiment l'impression d'une ministre qui ne vit que pour convaincre le cercle très fermé de la Berne fédérale. Hier encore, elle rappelait la complexité des dossiers dont elle est chargée, ce qui est un bilan de Département, pas de présidence. Élue par le Parlement (et dans quelles circonstances, la première fois !), cette conseillère fédérale ne semble avoir pour horizon, pour théâtre d'opérations, que le Palais fédéral. Dommage. Parce qu'une présidence de la Confédération, ça doit être autre chose. Les Suisses doivent sentir la puissance d'une personnalité, le lien intime qui les unirait à un combat pour le pays. Je pense, en écrivant ces lignes, à Jean-Pascal Delamuraz. Ce type de lien, l'actuelle présidente ne l'a pas. Elle ne cherche pas à l'avoir.

     

    Reste - mais c'est une autre affaire - à dresser le bilan de son Département. Là, les Suisses la jugeront sur son intransigeance à les défendre. On sait que de nombreuses voix, notamment à droite, se montrent de plus en plus sévères en évoquant les concessions de la Suisse à l'étranger. Par exemple, en matière de fiscalité. En attendant, souhaitons que Mme Widmer-Schlumpf, pour les cinq mois qui lui restent, vienne davantage voir les Suisses, sur le terrain. Car la politique n'est pas seulement gestion au jour le jour. Mais elle aussi incarnation.

     

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Christo et les géomètres

     

    Sur le vif - Lundi 06.08.12 - 17.29h

     

    Gouverné, en bien des cantons, par une sacrée bande de cérébraux glaciaux, le grand vieux parti qui a fait le pays a encore un peu de peine à nous persuader que son slogan « par amour de la Suisse », inventé pour les dernières élections, soit autre chose qu'un pur label, un effet marketing, destiné à attaquer sur son terrain la politique d'émotion de l'UDC. Deux exemples récents le prouvent.

     

    1) Lorsque Berne se fait rouler dans la farine par la France dans un accord sur les successions, il faut que ce soit, par la voix de Philippe Nantermod, les Jeunesses du parti qui clament haut et fort le raz le bol d'une bonne partie de la population. C'est bien pour les jeunes. Mais les aînés, les caciques ? Ils font quoi ? Du ski nautique ?

     

    2) Lorsqu'une bande, à Genève (on espère au moins qu'ils aient le courage de se dévoiler au grand public) nous concocte une affiche où le drapeau suisse est représenté en forme de papier-toilettes, qui réagit ? Un UDC, le député Christo Ivanov. Bravo à lui, mais c'est un peu dommage de laisser à ce parti l'apanage de l'attachement affectif au drapeau. Le patriotisme n'appartient à aucun parti, ni à la droite, ni à la gauche. J'eusse espéré, contre cette affiche, un « front républicain », comme ils aiment tant dire en d'autres circonstances. En lieu et place, néant.

     

    Elles sont où, les grandes voix radicales, ou les grandes voix socialistes, les Delamuraz, les Tschudi, les Chavanne ? Ceux qui n'avaient pas peur - en étant politiquement ce qu'ils étaient - de dire leur attachement au pays. Elles sont aux abonnés absents. Et cette timidité, sur un thème pourtant majeur, est sans doute l'une des carences les plus graves de notre classe politique, tous partis confondus. A commencer par celui "qui a fait la Suisse", qui hélas ne touche ni n'émeut plus personne. Si ce n'est quelques géomètres de l'ère glaciaire.

     

    Pascal Décaillet