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Liberté - Page 1175

  • Bayrou, un sillon solitaire

     

    Dimanche 15.04.12 - 10.38h

     

    A une semaine du premier tour français, je reste fidèle, comme il y a cinq ans, à la candidature de François Bayrou, même si les sondages sont mauvais. Justement parce que les sondages sont mauvais. C'est un homme seul. Pas très bon, pour une présidentielle au suffrage universel! Certes. Mais j'ai toujours aimé les hommes seuls. Et les causes perdues.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • L'argent c'est quoi, au juste ?

     

    Ma série d'entretiens avec le jeune écrivain Grégoire Barbey. Suite. Publié le vendredi 13.04.12, 15.31h.

     

    PaD - Je reviens à ces 2500 francs d'allocation d'existence. Une chose m'échappe. Qu'un apparatchik comme Oswald Sigg, ayant passé sa vie à blanchir sous le harnais de superstructures subventionnées, défende cette idée, soit. Mais vous ! Vous êtes jeune, avez la vie devant vous, l'envie d'écrire, vous militez en politique (Verts libéraux), tout cela est excellent. Vous m'avez l'air, aussi, en pleine forme : travaillez donc ! Engagez-vous dans l'aventure professionnelle. Frottez-vous à des concurrents. Suez. Défoulez-vous. Brillez. Mais n'attendez pas qu'une manne tombe du ciel.

     

    GB - Bien sûr, comme vous dites, pour moi, les choses vont bien. Ou mieux, c'est selon. Cela n'a pas toujours été le cas, et si aujourd'hui je défends cette idée - même si je ne suis pas dupe quant à sa possible réalisation - c'est par idéologie, parce que toutes et tous n'ont pas ma chance - votre chance ! Je n'attends rien du Ciel. Je ne crois en rien de transcendant. J'ai foi en l'humain, et j'aime à penser qu'il peut œuvrer pour le bien-être de chacun, et non le contentement de tous. Cette nuance est d'importance !

     

    PaD - Ceux qui ont perdu leur emploi, ou leur santé, ceux qui ne peuvent pas, ou ne peuvent plus, c'est en ordre : nous devons les aider. Je parle de ceux, comme vous et moi, qui peuvent ! Cet argent, ces 2500 francs, viendraient d'où ? Cette richesse, qui l'aurait produite ? Réponse : les actifs ! En clair, si l'initiative passe, on demande à ceux qui bossent, en plus de toutes les taxes, tous les prélèvements obligatoires (j'en connais un rayon, comme entrepreneur indépendant et employeur !), tous les impôts (trois à quatre mois de boulot pas an), de financer cette manne universelle de 2500 francs par tête de pipe. Pour les déshérités, je dis oui. Pour les autres, désolé, je dis non.

     

    GB - Et que gagnerons-nous à nous débarrasser d'une bureaucratie sociale inefficiente et inadaptée aux besoins d'une population dont chaque individu est foncièrement différent ? Pensez-vous, ou avez-vous même idée, de l'effroyable machine administrative qui se cache derrière l'aide sociale en Suisse ? Ce qui me séduit dans cette initiative, c'est justement la possibilité de faire reculer la puissance d'un État bureaucrate. L'État, disait Nietzsche, est le plus froid des monstres froids.

     

    PaD - Je crois en l'Etat, depuis toujours. Pas comme machine, mais comme arbitre. Justement pour corriger les inégalités. Mais de façon ciblée. Cette allocation-arrosoir, ces 2500 francs qu'on recevrait au seul titre qu'on existe, c'est la vraie valeur de l'argent qui perd son sens. Paradoxalement, et même si les intentions n'ont rien à voir, je rapproche cette perte de sens du principe de spéculation. Je rejette l'un et l'autre : la manne et le casino. Le céleste, et le virtuel. Je crois profondément que l'argent doit se gagner en travaillant. Si vous avez un peu de temps. Je vous recommande « L'Argent », de Péguy, dans les Cahiers de la Quinzaine, Editions Pléiade. Une œuvre anticapitaliste, et profondément républicaine.

     

    GB - J'en prends note. Mais qu'est-ce que l'argent ? Je vous disais lors de notre dernier entretien qu'il n'est pour moi qu'un moyen, celui de vivre, car il en faut bien dans notre société pour tourner ! J'aime beaucoup la phrase du candidat français à l'élection présidentielle, Jean-Luc Mélenchon : survivre, ce n'est pas vivre. Je suis persuadé qu'il faille désormais nous concerter toutes et tous pour apporter des solutions à tous ces gens, oubliés par nous autres, et leur offrir la moindre des choses que nous pourrions souhaiter pour nous-mêmes : la décence et la dignité. Je récuse les dogmes, et l'argent ne doit pas devenir un Dieu suprême. Nous ne devons pas en avoir peur, il nous faut l'utiliser, puisqu'il nous est nécessaire. Mais à bon escient, sans laisser d'autres, avec nos connaissances et nos technologies, mourir la bouche ouverte. Pourquoi pas, comme Rousseau jadis, créer un nouveau contrat social ?

     

     

    Grégoire Barbey + Pascal Décaillet

     

     

  • L'argent se mérite. Par le travail

     

    Chronique publiée dans le Nouvelliste - Vendredi 13.04.12

     

    2500 francs par mois pour chaque personne, active oui non, vivant légalement en Suisse. On appelle cela un « revenu de base inconditionnel ». Le montant, certes, ne figure pas dans le texte de l'initiative, mais des membres du comité l'articulent eux-mêmes. 2500 francs qui tomberaient du ciel, manne d'Etat, non parce qu'on aurait produit un travail, mais simplement parce qu'on existe. J'existe, donc je touche le revenu inconditionnel. Aberrant. Lunaire. Totalement irréaliste quant au financement. Surtout, jailli de cerveaux totalement théoriques, tellement éloignés de la réalité du monde du travail. Où il s'agit se retrousser les manches pour obtenir un salaire.

     

    Dieu sait si je suis attaché à l'Etat social. Il n'est pas question de laisser sur le bord du chemin les plus démunis, les plus faibles, les infirmes, les personnes âgées dépourvues de moyens, ni les jeunes en formation. Dieu sait, et mes lecteurs ici, depuis plus de douze ans, peuvent en témoigner, si j'ai toujours rejeté le libéralisme de casino, celui que condamne déjà Péguy, celui de l'Argent roi, l'Argent spéculé, gagné sans efforts. Dieu sait, aussi, si j'ai toujours prôné les mécanismes régulateurs permettant à l'Etat d'accomplir son devoir de solidarité. Cela me rapproche à la fois des radicaux historiques, de la Doctrine sociale de l'Eglise, et même, eh oui, de certains socialistes, lorsqu'ils puisent leurs racines ailleurs que dans la vengeance de classe.

     

    Tout cela, oui. Responsable d'une PME, indépendant avec une employée, je trouve tout à fait normal, sur le bénéfice qui me reste une fois réglées toutes les charges, de payer des impôts, et même pas mal d'impôts, pour la sécurité, la santé, la solidarité, les grandes infrastructures de la ville, du canton, du pays où je vis. Je dis simplement qu'il y a une limite, et que toute la dialectique gauche-droite s'organise autour de cette limite : où placer le curseur ? Quand j'entends les taux fiscaux annoncés par François Hollande, candidat qui par ailleurs me séduit, je ne suis plus d'accord. Il y a un moment où ça n'est plus possible !

     

    Bien sûr, l'initiative sur le « revenu inconditionnel » sera (pour peu qu'elle obtienne les signatures) balayée par le peuple suisse. Parce que c'est un peuple incroyablement mûr et responsable. Capable de refuser des baisses d'impôts, des vacances supplémentaires. Parce qu'il sent bien que rien, dans le monde du travail ni d'ailleurs dans la vie, ne peut surgir de la facilité. Il faut se battre ! Et c'est cela qui m'inquiète tant dans le cerveau des initiants : cette idée d'une rémunération arrosoir, indépendante de tout mérite, de tout effort. Pour les faibles, les démunis, les écorchés de la vie, aucun problème, je dis oui. Pour un homme en pleine santé, en pleine force de l'âge, osons le dire : ce serait tout simplement une honte.

     

     

    Pascal Décaillet