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Sur le vif - Page 868

  • La Revue des Deux Mondes

     

    Sur le vif - Mardi 12.02.13 - 19.28h

     

    Je n’ai jamais très bien compris, pour ma part, le signal que voulaient donner les députés en présentant une Revue. Oh, je ne doute pas des talents d’artiste des uns et des autres, dans les domaines du théâtre, de l’humour ou de la chanson. Je ne doute pas, non plus, que ce soit au final un beau spectacle, agréable, drôle, piquant. Mais enfin, qui sont-ils, les députés ? Une centaine d’hommes et de femmes, venant de sept partis différents, rassemblés en deux blocs antagonistes, s’étant présentés à nos suffrages, nous les citoyens, pour œuvrer au mieux, pendant quatre ans, au bien de la République.

     

    Je ne doute pas qu’ils le fassent. Et n’irai pas leur chercher noise jusqu’à prétendre que le temps passé aux répétitions et aux spectacles leur ôterait toute énergie pour accomplir leur mission première. Non, rien de tout cela. Mais quand j’entends qu’ils viennent demander, eux les élus du peuple, chargés d’accoucher d’un budget qu’on attend toujours, en ces temps si déficitaires, une subvention publique de 25'000 francs, alors là désolé, je vois rouge. Ça n’est pas la somme qui provoque ma colère (encore qu’elle soit loin d’être fluette), mais la maladresse politique, ou alors l’inconscience, ou encore l’arrogance, la coupure du peuple. Il y aurait d’un côté le monde, de l’autre leur monde, et puis il y aurait encore, sur la fiction des planches, la Revue des Deux Mondes. Comme si ce petit monde vivait à ce point en vase clos qu’il en aurait oublié les signaux les plus élémentaires de décence, face à la population.

     

    Pire : nous sommes à moins de vingt jours d’une votation historique. Dans tous les cas, oui ou non le 3 mars, le citoyen contribuable sait qu’il devra passer à la caisse pendant des décennies pour éponger la sous-couverture des caisses de retraite de l’Etat. Cela n’a rien à voir avec la Revue ? Si. Cela crée ce qu’on appelle un contexte. Cela, à très juste titre, met le cochon de citoyen payeur dans une humeur bien mal ajustée à débourser davantage encore. Et à quelles fins, je vous prie ? A fins de financer le spectacle récréatif de ceux-là mêmes dont on attend que l’énergie première soit entièrement mise dans le redressement de nos finances.

     

    Alors, désolé, quels que soient vos talents, Mesdames et Messieurs les députés, comme citoyen payant ses impôts depuis l’âge de sa majorité, donc depuis 34 ans, dans ce canton, je dis non. Si vous voulez de l’argent, adressez-vous à ceux d’entre vous qui savent – avec génie, lorsqu’il le faut – dénicher des mécènes.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Moine ou politicien, il faut choisir

     

    Sur le vif - Vendredi 08.02.13 - 15.10h

     

    Le classement des députés les plus versatiles ne veut strictement rien dire. La politique est - entre autres - un art de la ductilité. On peut être un très grand homme, visant haut et voyant loin, tout en faisant preuve, pour parvenir à ses fins, d'habileté et d'adaptation. Nulle trajectoire, en politique, n'est rigoureusement droite. Atteindre le but passe par une prise en compte de la savoureuse complexité du monde. Il faut composer. Tout en gardant en tête l'objectif final. Lequel est d'ailleurs modifiable en fonction des circonstances. L'opportunité. Ce que les Grecs appellent le "kaïros". La politique n'est absolument pas faite, quoi qu'en pensent les idéalistes, pour les butés d'une seule idée, les tétanisés de la ligne droite, les marmoréens de l'Arche Sainte. Laissons cela aux moines. Et aux Croisés.



    Pascal Décaillet

     

  • Non, Sire, juste quelques transfuges...

     

    Sur le vif - Vendredi 01.02.13 - 18.44h

     

    Et maintenant, Monsieur Sanchez. Ça n’est certes pas la fin du monde, ni les grandes migrations, ni l’exode à travers la mer Rouge, ni la fin souffreteuse de la République de Weimar. En soi, ça n’est presque rien. Car ce qui est fou, ce ne sont pas les transferts. Non. C’est, chez les partis installés, ceux qui ont l’arrogance de se proclamer « gouvernementaux », comme si on l’était par essence et non par la volonté du peuple, ce cocktail de réactions à la fois méprisantes, moralisantes, ou alors ce doux frisson tétanisé, la jouissance par l’angoisse ou par la chair de poule. Le passage, ruisselant de désirs mêlés, d’une bourgeoise dans une ruelle noire.

     

    Car enfin, numériquement, pas de panique : trois transferts, en soi, ça n’a aucune pertinence pour nous annoncer un raz-de-marée du MCG le 6 octobre. Mais au-delà des chiffres, il y a l’inhibition. Comme dans un couple : pourquoi part-il, ou elle, qu’ai-je mal fait, ça ne peut être qu’à cause de moi, je suis un misérable, allez au fond ce qui m’arrive, je le mérite. Le parti de Stauffer nous a comme enivré Genève. Si quelque chose arrive, je me regarde moi, je m’en veux, je m’ausculte, je m’introspecte, je me fustige, me lacère. Et puis non, dites-moi, oh dites-moi, comme dans la chanson, qu’elle est partie pour un autre que moi, mais pas à cause de moi.

     

    Oui, les héros de l’histoire ne sont ni le MCG, ni les transfuges, mais bien la marécageuse incertitude de soi, oui l’état de délabrement idéologique des partis dont on part. Qui sont-ils ? Quelles valeurs ? Hélas, trop souvent des associations de notables, oh sympathiques, ils se tutoient, s’embrassent, se rendent des services, se partagent postes et prébendes dans la jungle des conseils de fondation que compte Genève. En clair, ils tiennent le pouvoir. Ce fameux pouvoir horizontal, partagé, multiple, mais qui, l’air de rien, demeure depuis des décennies celui de la Caste.

     

    Ce qu’ils voudraient, le 6 octobre et le 10 novembre prochains, c’est le garder, ce pouvoir. Ils veulent cela, et rien que cela. Ils en ont parfaitement le droit. Mais il ne faut pas qu’ils continuent de nous faire le coup des « partis gouvernementaux », parce qu’un beau jour, ils finiront bien par ne plus en être. Alors, que feront-ils de l’adjectif ? Oui, ils veulent se maintenir, rien que cela. Et d’autres partis, d’opposition, ou de la Marge, aspirent, quant à eux, comme dans n’importe quelle démocratie du monde, à être aussi, un certain temps, aux affaires. Il n’y là rien de grave, rien de singulier, rien de ce drame moral ni de ce délitement des mœurs politiques dont rêve – ou cauchemarde – la bourgeoise parfumée de la ruelle noire.

     

    Marécageuse incertitude de soi. Obsédé par les prébendes, les nominations de copains, on n’a pas vu qu’on glissait. Automne 2009, pour avoir le fric du patronat dans la campagne, on ne jure que par la libre circulation déifiée, sans entraves. Jouir du marché, sous-enchérir, libéraux sur l’étiquette, libertaires pour engager ou dégager. Et ça gueule, chez les Gueux, mais justement ce sont des Gueux, alors qu’ils gueulent. A mi-législature déjà, ce cirque est terminé, on reconnaît au plus haut niveau la primauté de l’emploi aux résidents, dans le Petit Etat, le Moyen Etat, le Tiers Etat, on se fout d’ailleurs du tiers comme du quart, on pique aux Gueux leur idée originale, en réalité on commence à paniquer : c’est cela, cette inconsistance, cette arrogance, oui cela le Marécage. Et de cela, en effet, il pourrait bien y avoir, le 6 octobre, une certaine sanction. Au profit de l’original.

     

    C’est ce mouvement de fond qui compte, l’absence de charpente de ceux qui sont actuellement aux affaires. Leur côté juste clanique. Famille. Copains. Il y a quelque chose, profondément, qu’ils n’ont pas vu venir. Le 6 octobre, l’addition viendra.

     

     

    Pascal Décaillet