Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Sur le vif - Page 724

  • Dolomites, 1915 : reportage bouleversant

    24.jpg 

    Sur le vif - Mardi 03.11.15 - 15.17h

     

    Avant-hier dimanche, série de reportages historiques sur les combats, en 1915-1916, entre Italiens (qui venaient d'entrer en guerre, l'Intervento du 23 mai 1915) et Autrichiens, dans la région des Dolomites. La guerre de position, en haute montagne, pour quelques centaines de mètres carrés de terrain escarpé, à un point qu'on n'imagine pas.


    Ce reportage m'a énormément appris. Ces hommes, des deux côtés, qui se faisaient la guerre dans les régiments alpins, d'un côté ceux de l'Italie, de l'autre ceux de François-Joseph en sa dernière année de règne (1848-1916), se connaissaient avant la guerre. Nombre d'entre eux étaient guides de montagne, ils avaient les uns pour les autres respect et proximité. Au fond, des deux côtés des Dolomites, ils vivaient la même vie. Celle de mes grands-parents. Celle de tous mes ancêtres maternels à Orsières, ou paternels à Salvan.


    Le reportage est désespérant. Au sommet de la montagne, une guerre de position plus immobile encore que celle des tranchées, à Verdun ou dans la Somme. On s'enterre dans la roche, on creuse des kilomètres de galeries, mais pas à la dynamite à cause du bruit qui vous fait repérer, on laisse le minimum de fenêtres dans la paroi pour placer une mitrailleuse. Et puis, pendant des semaines, des mois, on attend.



    Cette étape de la guerre, malgré l'héroïsme des uns et des autres, n'a servi à rien. Ce que les Italiens ont gagné, ou préservé, ils ont dû le restituer aux Autrichiens après le désastre de Caporetto, en 1917. Et puis, après l'Armistice de 1918, ce sont des accords politiques qui leur ont finalement rendu ces régions.


    Ce reportage, visionné avant-hier soir, me poursuit depuis 48 heures. Des hommes incroyablement courageux, réunis dans une connaissance intime de la montagne, menant une guerre oubliée de nos jours, peu connue, sauf j'imagine en Italie et en Autriche. Une guerre d'apparence inutile. Mais des hommes, tout de même, qui se sont battus dans les conditions épouvantables de l'hiver 1915-1916, l'un des plus glaciaux du siècle.



    Désormais, chaque fois qu'en Italie, je croiserai un Chasseur alpin (vous savez, avec la belle plume au chapeau), je penserai à ces hommes-là.



    Et puis, pendant tout le reportage, diffusé au soir de la Toussaint, à quelques heures du Jour des Morts, j'ai pensé à mon père. Jeune ingénieur, en 1942, c'est lui qui a construit le Fort d'Artillerie de Champex. En préparation du même type de guerre que celle de 1915. Dieu merci, elle ne s'est pas produite.

     


    L'Histoire m'habite, jour et nuit.

     

     

    Pascal Décaillet

     

  • Le diable est-il collégial ?

    2178229-meph.jpg 

    Sur le vif - Samedi 31.10.15 - 18.48h

     

    Les journalistes SSR, les journalistes Ringier, les journalistes Tamedia, ainsi que 95% de mes chers confrères de ce pays, s’égosillent à nous brosser hargneusement le portrait-robot du deuxième conseiller fédéral UDC, à partir du 9 décembre prochain. A les lire, ou les entendre, ce futur élu doit certes venir des rangs de l’UDC (ils sont déjà bien gentils d’en convenir), mais à un détail près : sur le fond, il doit être tout, sauf UDC !

     

    Ils ne cessent de nous répéter, ces chers éditorialistes, que la perle rare doit être « collégiale ». Argument singulier. Car enfin, que la personne soit « collégiale » ou non, c’est l’affaire de qui ? Du collège ! C’est un critère totalement interne au fonctionnement du septuor, lequel, croyez-moi, relève d’une chimie tellement aléatoire qu’elle ne dépend jamais d’un seul facteur.

     

    L’argument « Blocher pas collégial » a été lancé, placé sur orbite marketing, rabâché en boucle, dans la législature 2003-2007, par l’entourage d’un conseiller fédéral radical valaisan pour qui il y avait, dans la cour, un coq de trop. C’était cela, tout le monde le sait, le vrai problème. Il fallait cet échauffement des esprits, pendant des mois, en amont du 12 décembre 2007, pour donner une assise de justification à l’éviction du Zurichois.

     

    Oh certes, Blocher n’était pas un homme facile au sein du collège. Mais enfin, vous pensez que Couchepin en était un ? Ou Mme Calmy-Rey ? Ou, plus tôt, Mme Dreifuss ? Ou Jean-Pascal Delamuraz, admirable, quand il combattait la loi sur le travail, qu’il jugeait trop libérale ? Ou M. Stich ? Et puis, dans tous les cas, cette histoire de « collégialité », c’est une affaire interne à la chimie du collège : les proportions que l’argument prend chez les commentateurs trahit en fait leur haine totale, qu’ils feraient mieux d’avouer franchement, du premier parti de Suisse.

     

    Du coup, sous le prétexte de « collégialité », la grande masse des commentateurs du pays n’en peut plus d’exiger, pistolet sur la tempe du parti qui vient de sortir premier des élections (donc, de recevoir un signal fortement positif de l’électorat), que l’heureux élu du 9 décembre soit tout, sauf UDC. Il faudrait qu’il soit ouvert à la libre circulation, alors que le credo de son parti dit exactement le contraire. Il faudrait qu’il se montre souple, arrangeant, sur la mise en application du 9 février 2014, alors qu’il provient du parti qui a remporté cette votation. Il faudrait, en un mot, qu’il abdique le sens de son engagement politique jusqu’ici, et s’aligne immédiatement sur les positions des cinq non-UDC du Conseil fédéral.

     

    Cette exigence, face à un parti qui vient de remporter un résultat historique aux élections, est tout simplement surréaliste. Elle révèle, dans l’univers médiatique suisse, une mortifère tendance au déni volontaire de réalité. Une preuve de plus que le champ journalistique du pays doit, lui aussi, évoluer. En laissant vivre, éclore et s’exprimer, en Suisse romande notamment, une ligne de pensée capable de traduire les préoccupations du tiers de l’électorat pour qui le vote conservateur n’est pas nécessairement le diable. D’ailleurs, le diable est-il collégial ? Vaste question, non ?

     

    Pascal Décaillet

     

  • EWS : la récré est finie

    La%20consigliera%20federale%20Eveline%20Widmer-Schlumpf 

    Sur le vif - Jeudi 29.10.15 - 15.47h

     

    Huit ans pour ça ? Huit ans c’est long, l’équivalent de deux mandats complets d’un président américain. Huit ans, à cause du coup de force de quelques-uns, le pronunciamiento d’une poignée de chefs de parti, qui avaient ourdi, et d’ailleurs s’en étaient ouvertement vantés. Huit ans d’une anomalie dans la composition du notre Conseil fédéral. La formule du 17 décembre 1959, ce grand jour qui vit arriver Tschudi, c’est deux conseillers fédéraux pour les trois premiers partis, un seul pour le quatrième. C’est cela, et non la contorsion. Cela, et non l’atteinte à l’esprit.

     

    Mme Widmer-Schlumpf fut-elle tout de même une bonne conseillère fédérale ? L’important n’est pas là. Il réside dans le parfum de trahison des origines, largement de quoi entacher d’un péché originel la légitimité de la Grisonne. Elle est la seule conseillère fédérale, depuis des décennies, que je ne connais pas. Je ne l’ai jamais rencontrée, jamais interviewée. Tous les autres, y compris les anciens, je les ai connus. Mémorable moment que ce jour du 12 septembre 1998, celui du 150ème anniversaire de la Suisse moderne, où nous avions reçu, en compagnie d’Uli Windisch (que j’avais invité dans cette émission un peu folle), en direct sur la Place fédérale, tout un après-midi, debout dans la foule, l’intégralité des conseillers fédéraux encore vivants (à part deux, trop malades pour venir), à la retraite ou en exercice. Eux, oui, je les ai tous approchés. Mme Widmer-Schlumpf, jamais.

     

    Sur son œuvre ministérielle, je ne me prononce pas ici. Ce qui est sûr, c’est que dans les médias aussi, il y aura un avant et un après-EWS. L’arrivée aux affaires, dans les circonstances qu’on sait, de la parfaite inconnue (mais ô combien consentante) qu’était encore, au matin du 12 décembre 2007, la patronne des Finances grisonnes, a ouvert une ère, de huit ans, celle des journalistes EWS, en pâmoison devant elle. Toute une génération de confrères, principalement sous la Coupole, sanctifiant la ministre, au seul réel motif, non de ce qu’elle était, mais de ce qu’elle représentait : puisqu’elle incarnait la chute de l’homme tant haï, elle ne pouvait être qu’excellente. Reprenez Shakespeare, « Jules César », discours de Marc-Antoine sur Brutus et Cassius, juste après l’assassinat, pensez à Marlon Brando qui l’incarne dans le film inoubliable de Mankiewicz en 1953, vous aurez tout compris. Rien d’autre à dire.

     

    Oui, il y a eu, pendant huit ans, toute une cour de journalistes dans la célébration sémantique et rhétorique de Mme EWS. Les mêmes, dans l’après-midi du 18 octobre, refusant de prendre la mesure du message du jour, l’incroyable percée de l’UDC, tellement riche pourtant d’enseignements sociologiques sur l’évolution de notre pays, n’avaient en tête que le destin d’Eveline Widmer-Schlumpf. Moi, je dis que cette génération des journalistes EWS, on en a maintenant soupé. Chez Ringier, c’était même devenu une religion que de défendre la Grisonne. Alors oui, maintenant, la récréation est finie. Il y a une révolution politique à faire au Conseil fédéral, en octroyant enfin à l’UDC les sièges qui sont les siens. Et puis, Mesdames et Messieurs, il y a une révolution médiatique à opérer, en laissant éclore de nouveaux espaces d’expression, où la Suisse conservatrice ne soit pas systématiquement bafouée.

     

     

    Pascal Décaillet