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Sur le vif - Page 727

  • L'Adieu au Temps

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    Sur le vif - Samedi 03.10.15 - 10.53h

     

    Il y a quelques jours, j'ai commis un acte majeur dans ma vie de passionné de journaux (depuis l'âge de dix ou onze ans) : je me suis désabonné du Temps.

     

    Pour moi, ça n'est pas rien. J'étais un abonné de la première heure, dès le premier numéro. Surtout, en amont de la création du Temps en 1998, j'étais abonné depuis des décennies à son ancêtre, le Journal de Genève, où j'ai d'ailleurs accompli, il y a trente ans, mes premières années de journalisme. J'en garde un souvenir ému.

     

    C'est donc avec une partie de ma vie, avec de longues années que j'opère cette rupture. Je ne reproche rien au Temps. Il a parfaitement le droit d'être ce qu'il est. La presse est libre. Je ne vais quand même pas, moi, dire le contraire.

     

    Aucun reproche, donc. Sauf que je ne le lis plus. Alors, couper des arbres pour ne même pas lire, c'est dommage. Politiquement, il est devenu le journal du PLR. Le journal de M. Burkhalter. Le journal de M. Longchamp. Le journal de M. Maudet. Le journal du patronat, plus précisément d’Économie Suisse, surtout pas de l'USAM, puisque cette dernière est maintenant présidée par un UDC. Le journal des pleurnicheries post-9-février de M. Aebischer. Le journal de la libre circulation, érigée en dogme. Le journal de la "démocratie représentative" contre la démocratie directe. Le journal du lobby pro-SSR, miroir oblige. Le journal du NOMES. Le journal qui nous ventile l'extase europhile de M. Cherix.

     

    Le cahier culturel est illisible. Il ne fait que se greffer sur les dernières promotions des circuits d'éditeurs ou de producteurs de films. Il suinte la mode et les affinités d'un tout petit cercle lausannois. Il n'y a ni choix assumé, ni plumes transgressives. Juste l'élégance d'être dans le courant. C'est tellement confortable, le courant. Pour la culture, s'il faut lire des journaux, je lis Gauchebdo, la Weltwoche, le cahier du samedi de la NZZ, la Frankfurter Allgemeine.

     

    Je ne reproche rien au Temps. Tout ce qu'il est devenu, il en a le droit. Les journaux sont libres. Les lecteurs aussi.

     

    Le Temps est un journal élégant, mais manque singulièrement de courage. Il me fait penser à ces officiers d'état-major qui, faute d'avoir remporté des victoires sur le terrain, se pavanent dans les salons avec des uniformes trop lustrés pour être vrais. Manque de courage. Manque de solitude. Manque de plumes. Oh, certains ont du style, de belles tournures. Mais où est passé l'engagement ? Celui, par exemple, d'oser parfois la posture minoritaire, la Marge ? Où sont les plumes qui osent affronter la pensée dominante ?

     

    Le Temps est devenu le Journal du pouvoir. Il est devenu le média suisse de révérence.


     

    Pascal Décaillet

     

     

  • M. de Senarclens : un parfum de rue des Granges

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     Sur le vif - Samedi 26.09.15 - 19.00h

     

    Un parfum de rue des Granges. Le fumet d’un autre temps, celui où le bonheur patricien se jouait, à Genève, de toute concurrence dans la galaxie des droites. Il fallait être libéral, ou avoir l’élémentaire politesse de ne point être. Radical, c’était déjà limite, on voulait bien leur laisser la nostalgie bonapartiste, celle de Fazy, ou l’ivresse si raisonnable de se réunir en des Cercles cryptés – ou peut-être des Cryptes circulaires – pour cogiter puissamment, en commune liturgie, sur les thèmes du progrès, de la géométrie et de la mort.

     

    Un parfum de rue des Granges, oui, émane de l’interview donnée à la Tribune de Genève, édition de ce matin, par le président du PLR, Alexandre de Senarclens. Il y défend les bilatérales, soit. Il refuse de voir l’insignifiante faiblesse de cette immense plaisanterie appelée, dès la votation de 2002, les « mesures d’accompagnement », soit. Il proclame Genève canton modèle en matière de contrôles du travail, soit. C’est faux, mais soit.

     

    Un parfum de rue des Granges, lorsque le sourcilleux défenseur du libre-échange évoque l’élection au Conseil des Etats. Du haut de son Parnasse libéral, il y exclut toute alliance avec l’autre droite du canton, celle qui, comme la sienne, pèse un tiers de l’électoral, l’UDC-MCG. Là encore, soit : chacun est libre d’envisager la bataille comme il veut. Mais là où l’éminent patricien pousse un peu, c'est que dans le même temps, il espère un « ralliement » de l’électorat de ces deux partis.

     

    C’est beaucoup demander, Monsieur le libéral. Si l’on sollicite le soutien d’autrui, dans la vie, la meilleure méthode n’est pas nécessairement de commencer par l’exclure. Encore moins de le traiter de Gueux. Mais enfin, vous faites comme vous voulez, c’est vous le grand stratège. Simplement, vous rouleriez pour Mme Maury Pasquier et M. Cramer, vous ne vous y seriez assurément pas pris autrement. Longue vie à ces deux éminentes personnalités de gauche sous les augustes boiseries du Stöckli.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Gauchebdo : un air de liberté

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    Publié en page 2 du no 38 de Gauchebdo, 18 septembre 2015 - Cette prise de position inaugure leur série d'automne "Ils soutiennent Gauchebdo".

     

     

     

    Tous les samedis, entre 15h et 16h, à mon bureau de Carouge, je lis Gauchebdo. Dans l’aventure de cette équipe rédactionnelle, dont je ne partage pourtant pas les options politiques (enfin, disons « pas toutes »), je respire, profondément et avec bonheur, un air de liberté. Dans le choix des sujets, dans la qualité des plumes, dans l’orfèvrerie de la chose écrite, et jusque dans l’archaïsme délibéré d’un « journal papier » fin 2015, je retrouve cette part de bonheur de mon adolescence : lire, découvrir, me laisser surprendre.

     

    Adolescent au début des années septante, je considérais la Bibliothèque municipale de ma commune comme un temple de liberté intérieure, je m’y rendais presque tous les samedis, tiens le revoici, le samedi. Dans Gauchebdo, je découvre des textes historiques sur la Guerre civile en Grèce juste après la guerre, des critiques de cinéma grec, une ouverture culturelle sans précédent aux pays du Maghreb, du Moyen Orient, de l’Amérique latine, toutes choses qui n’existent quasiment pas dans les suppléments de week-end de nos grands journaux romands.

     

    Parce que, dans ces journaux-là, la culture, c’est devenu de la promotion. Elle ne repose que sur la nouveauté, elle ne fait qu’emprunter le circuit publicitaire d’un nouveau film, ou d’un nouveau livre. Je déteste cela. Je rejette ce fumet de suivisme. Gauchebdo nous invite toujours sur des voies de traverse, insoupçonnées. Pour cela, je vous encourage vivement à soutenir ce journal. Il nous aide à mieux respirer.

     

     

    Pascal Décaillet