Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Alain Juppé, le candidat du convenable

6a00d8341c86dd53ef01b7c89a8fb9970b-600wi 

Sur le vif - Dimanche 16.10.16 - 15.25h

 

C’est fait. Plus besoin de suivre le moindre débat, ni de lire le moindre journal, jusqu’en mai 2017. C’est fait : Alain Juppé sera le huitième président de la Cinquième République. Ainsi en ont décidé les médias. La presse française, ou ce qui en tient encore lieu, disons ces fragments blanchâtres de satellites gravitant autour des salons parisiens. Mais aussi, notre bonne presse romande, qui trottine et patine derrière sa sœur aînée, comme une Bécassine, toute heureuse de se rendre aux Comices agricoles.

 

C’est fait : la presse a décidé. Comme elle avait décidé, à l’automne 1994, que le président du printemps suivant serait soit Delors, soit Balladur, et nul autre. Ce fut Chirac 1. Comme elle avait décrété, l’automne 2001, que le président de mai 2002 serait Lionel Jospin. Ce fut Chirac 2. Excitations d’arrière-saison, comme ces rêves de fêtes, dans la grande peinture flamande. Imaginaires de cocagne. Ça vous réchauffe, ça vous fouette l’avenir. A l’approche du Père Noël.

 

Donc, ils ont tous décidé que Juppé serait président. Il gagnerait d’abord les primaires. Puis, serait dans les deux premiers, avec Marine Le Pen, au soir du premier tour, en avril 2017. Puis, en mai, il battrait cette dernière, grâce à un formidable « Front républicain », digne de 2002.

 

Les choses se passeront-elles comme cela ? Je n’en sais rien. Ce que je sais, c’est qu’Alain Juppé est, en cet automne 2016, le candidat du convenable. Sautant allégrement tous les obstacles à sa place, les observateurs le voient déjà incarnant la dignité des « valeurs républicaines » contre la Bête immonde, au second tour. Comme Chirac terrassa son père, il aurait la peau de Marine.

 

Le candidat du convenable. Je l’ai observé, au débat, l’autre soir. Je l’ai trouvé assurément très présentable, mais complètement éteint. Un discours éthéré, technocrate, énarque années 70, une rhétorique des années Giscard, où les élites politiques nous snobaient avec des concepts inaudibles. Coupé des réalités. Surtout, je ne lui ai pas trouvé beaucoup d’envie.

 

Mais cela n’importe pas : la presse, unanime, dès la fin de l’émission, nous annonçait que Juppé avait gagné le débat. Je crois que ses titres étaient déjà prêts avant. Et même si Juppé n’était pas venu, pour cause de grippe, on aurait quand même titré qu’il avait gagné. Parce qu’à tout prix, il devait l’emporter. Pour que ça corresponde au parfait scénario des journalistes. Ils ont écrit la partition, merci de bien vouloir la jouer.

 

Tout cela est bien beau. Mais une élection n’est pas un train électrique. Nul d’entre nous ne sait ce qui peut se passer, en France et sur la scène internationale, d’ici au printemps 2017. Nul ne possède les vrais éléments d’appréciation pour toiser le véritable état de mécontentement de l’électorat français, face aux partis « traditionnels ». Je vous invite juste à vous reporter, au plus près, aux résultats des dernières communales et régionales. Nul, surtout, ne peut prévoir cette magie des dernières semaines que constitue, sous la Cinquième, la rencontre d’un homme – ou d’une femme – avec tout un peuple.

 

Seulement voilà, il paraît qu’il faut Juppé. Parce qu’il est le candidat du convenable. Parce que même la gauche va infiltrer massivement les « primaires » de la droite pour voter pour le Maire de Bordeaux. Parce qu’on s’entend déjà, à droite et à gauche, pour faire du candidat du convenable (que les socialistes détestaient lorsqu’il était à Matignon, entre 1995 et 1997) le champion de la République réconciliée. Contre la Bête immonde.

 

La France se résoudrait-elle, six mois avant l’échéance, à un président par défaut ? En ces temps extraordinairement difficiles, est-ce vraiment là le destin qu’il faut souhaiter à notre grand voisin ?

 

Pascal Décaillet

 

Les commentaires sont fermés.