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Sept taxis vides, plus une goutte d'essence

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Sur le vif - Jeudi 27.10.16 - 15.30h

 

Imaginez, pour reprendre le mot de Churchill sur son rival travailliste Attlee, sept taxis vides, stationnés devant le Palais fédéral. Vides ! Sept fois le néant, c’est encore le néant. Le 9 février 2014, le peuple et les cantons, souverains, ont exigé une régulation des flux migratoires, avec l’instauration de contingents. Près de trois ans plus tard, cette décision n’est toujours pas appliquée. Le souverain s’est exprimé, on l’ignore. Il a dit ce qu’il fallait faire, on reste inerte. On n’entreprend rien. Entre gouvernement et Parlement, on se neutralise, on s’immobilise. On attend. On atermoie. Au pays des horlogers, on joue la montre. En attendant quoi ? Le Déluge ? La Rédemption ? Le Messie ?

 

Gouverner, ça n’est pas attendre, mais agir. Gouverner, c’est choisir, avait dit le seul véritable homme d’Etat de la Quatrième République, Pierre Mendès France. Investi par la Chambre le 18 juin 1954, il se donne un mois, pas un jour de plus, pour trouver une issue à l’affaire indochinoise. Un mois plus tard, jour pour jour, ayant écrit l’Histoire à la Conférence de Genève, il trouve une solution. Il ne reste aux affaires que sept mois et demi, jusqu’au 5 février 1955. Plus jamais il ne retrouvera le pouvoir.

 

Vous voulez des exemples en Suisse ? Tschudi, notre grand conseiller fédéral socialiste (1959-1973), avec son fameux « Tempo », trois réformes de l’AVS, intégralement menées, en une décennie. Alors, quoi ? Le temps du possible serait-il révolu ? Plus personne ne serait capable de faire avancer la machine ? Faut-il abandonner la politique ? Abdiquer tout espoir d’une empreinte sur le destin ? Faut-il revenir à la loi du plus fort ? La jungle ? Renoncer au pays lui-même, à sa souveraineté, accepter qu’il se fonde dans un magma, un espace galactique, plus grand ? Cela porte un nom : cela s’appelle un Empire.

 

Sept taxis vides, sur la Place fédérale. Après trois ans de palabres, la Montagne magique (celle de Thomas Mann ?) enfante l’ombre sautillante d’un souriceau, délicieusement appelé « contre-projet à l’initiative RASA ». Tu parles d’un courage. Tu parles d’une clarté. Tu parles d’une lisibilité. « RASA », passé simple de « Raser les murs » ! Face à un enjeu majeur du destin national, le gouvernement de notre pays, tétanisé, paralysé, n’est plus capable de générer autre chose que des contre-projets à des initiatives dont le seul but est… d’annuler une initiative acceptée !

 

Paralysé, oui. Écoutez Mme Sommaruga, quand elle s’exprime sur le sujet. Apeurée par la possibilité de la moindre fausse note, elle ne nous livre plus que la partition tremblante d’une trop bonne élève, au soir de sa première audition. Nulle autorité sur son propre discours, ni sur le sujet. Juste le balbutiement juridique minimum, pour marquer l’étape d’une interminable et stérile bataille avec le Parlement, un insupportable ping-pong dont les citoyennes et citoyens ont plus qu’assez.

 

Dans ce dossier, le suffrage universel a tranché. Le Parlement fait ce qu’il peut. Et le gouvernement n’existe tout simplement pas. Sept taxis vides. Et pour redémarrer, même plus une goutte d’essence.

 

Pascal Décaillet

 

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