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Sur le vif - Page 696

  • Campagne américaine : le suicide des médias

     

    Sur le vif - Samedi 29.10.16 - 06.21h

     

    D'un côté, un monsieur passé au napalm, depuis des mois, par la plus odieuse unanimité médiatique de toute l'Histoire électorale américaine. Il y a juste 24 heures, la RSR, en ouverture de son journal de 7h, le proclamait perdant, avec certitude : "Les sondages sont formels", claironnait-elle. Les médias le trouvent vulgaire, nous parlent de lui comme d'une sorte de gros dégueulasse, à la Reiser. Ils s'attaquent même à son physique, la couleur ou la coupe de ses cheveux.

     

    De l'autre, la dame que les médias ont déjà élue. "Elle sera une grande présidente", nous affirme déjà l'Hebdo qui, pour prendre un peu d'avance, nous prépare déjà la candidature de Michelle Obama. En attendant Chelsea Clinton ?

     

    Que cette dame, déjà élue par les médias, puisse, par ses liens avec le lobby de l'armement et de l'interventionnisme guerrier, représenter un danger pour les équilibres de paix dans le monde, grief autrement lourd que la "vulgarité" prêtée à son adversaire, est volontairement passé sous silence par nos médias. On se fixe sur la paille de l'un, on veut ignorer la poutre de l'autre.

     

    Que cette même dame, par une mise en exposition inconsidérée de messages électroniques classés secret défense, ait peut-être mis en danger son pays, ce qui est d'une autre gravité que d'avoir les cheveux roux, on le tait. Froidement. Sciemment.

     

    Le traitement de cette campagne par les médias de Suisse romande aura été, d'un bout à l'autre, une catastrophe. Il faudra, après coup, que les instituts universitaires d'analyse des médias s'en emparent. Le cas d'école est tout simplement extraordinaire.

     

    Le 8 novembre, le peuple américain tranchera. J'ignore absolument qui il choisira. Je ne suis ni prophète, ni pythie. Je me contente de diagnostiquer le réel, le présent, sur la base de mes connaissances du passé.

     

    Oui, j'ignore qui gagnera. Mais je sais déjà qui sont les grands perdants : les médias. Ils auraient voulu ruiner ce qui leur restait de crédit, ils ne s'y seraient pas pris autrement.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Sept taxis vides, plus une goutte d'essence

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    Sur le vif - Jeudi 27.10.16 - 15.30h

     

    Imaginez, pour reprendre le mot de Churchill sur son rival travailliste Attlee, sept taxis vides, stationnés devant le Palais fédéral. Vides ! Sept fois le néant, c’est encore le néant. Le 9 février 2014, le peuple et les cantons, souverains, ont exigé une régulation des flux migratoires, avec l’instauration de contingents. Près de trois ans plus tard, cette décision n’est toujours pas appliquée. Le souverain s’est exprimé, on l’ignore. Il a dit ce qu’il fallait faire, on reste inerte. On n’entreprend rien. Entre gouvernement et Parlement, on se neutralise, on s’immobilise. On attend. On atermoie. Au pays des horlogers, on joue la montre. En attendant quoi ? Le Déluge ? La Rédemption ? Le Messie ?

     

    Gouverner, ça n’est pas attendre, mais agir. Gouverner, c’est choisir, avait dit le seul véritable homme d’Etat de la Quatrième République, Pierre Mendès France. Investi par la Chambre le 18 juin 1954, il se donne un mois, pas un jour de plus, pour trouver une issue à l’affaire indochinoise. Un mois plus tard, jour pour jour, ayant écrit l’Histoire à la Conférence de Genève, il trouve une solution. Il ne reste aux affaires que sept mois et demi, jusqu’au 5 février 1955. Plus jamais il ne retrouvera le pouvoir.

     

    Vous voulez des exemples en Suisse ? Tschudi, notre grand conseiller fédéral socialiste (1959-1973), avec son fameux « Tempo », trois réformes de l’AVS, intégralement menées, en une décennie. Alors, quoi ? Le temps du possible serait-il révolu ? Plus personne ne serait capable de faire avancer la machine ? Faut-il abandonner la politique ? Abdiquer tout espoir d’une empreinte sur le destin ? Faut-il revenir à la loi du plus fort ? La jungle ? Renoncer au pays lui-même, à sa souveraineté, accepter qu’il se fonde dans un magma, un espace galactique, plus grand ? Cela porte un nom : cela s’appelle un Empire.

     

    Sept taxis vides, sur la Place fédérale. Après trois ans de palabres, la Montagne magique (celle de Thomas Mann ?) enfante l’ombre sautillante d’un souriceau, délicieusement appelé « contre-projet à l’initiative RASA ». Tu parles d’un courage. Tu parles d’une clarté. Tu parles d’une lisibilité. « RASA », passé simple de « Raser les murs » ! Face à un enjeu majeur du destin national, le gouvernement de notre pays, tétanisé, paralysé, n’est plus capable de générer autre chose que des contre-projets à des initiatives dont le seul but est… d’annuler une initiative acceptée !

     

    Paralysé, oui. Écoutez Mme Sommaruga, quand elle s’exprime sur le sujet. Apeurée par la possibilité de la moindre fausse note, elle ne nous livre plus que la partition tremblante d’une trop bonne élève, au soir de sa première audition. Nulle autorité sur son propre discours, ni sur le sujet. Juste le balbutiement juridique minimum, pour marquer l’étape d’une interminable et stérile bataille avec le Parlement, un insupportable ping-pong dont les citoyennes et citoyens ont plus qu’assez.

     

    Dans ce dossier, le suffrage universel a tranché. Le Parlement fait ce qu’il peut. Et le gouvernement n’existe tout simplement pas. Sept taxis vides. Et pour redémarrer, même plus une goutte d’essence.

     

    Pascal Décaillet

     

  • En Pologne, les missiles

     

    Sur le vif - Mardi 18.10.16 - 17.00h

     

    En politique, et surtout en stratégie, il ne faut surtout pas écouter ce que les gens racontent. La première arme de la guerre, c'est la propagande. Observons donc les faits. Et considérons le réel : il y a, implantés en Pologne, qui fait maintenant partie de l'OTAN, des missiles américains directement pointés sur la Russie. Une situation encore inimaginable, il y a quelques années.

     

    Cela, c'est le legs des années Obama. Ce délicieux Président sortant aura passé huit années à ne rien faire de très précis sur le plan géostratégique, ne rien conduire jusqu'au bout. Mais sur ce terrain-là, celui de l'Europe orientale, celui de ces Marches intermédiaires entre l'Allemagne et la Russie, il a mené une action très précise : l'installation de ces missiles en Pologne, pointés vers la Russie. Cela, ça n'est pas du rêve, ni de l'interprétation, c'est du factuel, vérifiable.

     

    A partir de là, une question : qui, en Europe, ces dernières années, se conduit comme potentiel fauteur de guerre ? Les Russes ? Je ne le pense pas.

     

    Qui, pour la première fois depuis le 8 mai 1945, a bombardé, du ciel, une capitale européenne, qui s'appelle Belgrade ? C'était en avril 1999, j'étais dans le bureau de l'ancien Chancelier allemand Helmut Schmidt, à Hambourg, pour l'interviewer, au moment où les bombardements commençaient. Qui, ce jour-là, a bombardé Belgrade ? Les Russes ? Je ne pense pas.

     

    Le Président sortant, M. Obama, donne l'impression de soigner son image devant l'Histoire. Il ne veut pas associer ses huit ans au pouvoir au déclenchement d'une guerre majeure. Il s'est montré, à cet égard, un Président prudent, cherchant l'équilibre, ce qui est à la fois une grande qualité, et une sérieuse limite.

     

    En attendant, en Pologne, les missiles sont là. Pointés vers la Russie. Si j'étais Russe, je n'apprécierais que moyennement cette situation. Les missiles sont là, Obama n'en aura pas fait usage. Mais la personne qui lui succédera, à la Maison Blanche ? Imaginez qu'elle entretienne depuis longtemps, cette personne, des liens avec le lobby de l'armement aux États-Unis, le clan belliciste, le clan des faucons.

     

    A partir de là, oui, en partant du réel, donc des missiles, et non des grands discours, pourra commencer l'analyse d'une situation stratégique sur l'état des forces à l'Est de l'Europe.

     

    Pascal Décaillet