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Primaires : le trompe-l'oeil de Monsieur X
Sur le vif - Vendredi 18.11.16 - 17.24hLe singulier exercice des "primaires de la droite et du centre" constitue l'un des plus gigantesques trompe-l’œil de l'Histoire de la Cinquième République. Digne de la campagne "Monsieur X", lancée par l'Express de JJSS en 1964,1965, censée dévoiler progressivement le champion de la gauche contre de Gaulle à la présidentielle de décembre 1965.J'ai tous ces exemplaires dans mes collections de journaux, je les relis depuis des décennies avec délectation. A lire l'Express, on pouvait se persuader que le candidat providentiel des gauches françaises, le fameux "Monsieur X", serait soit Gaston Defferre, soit Pierre Mendès France, deux hommes au demeurant d'une grande valeur, notamment le second. Hélas pour l'Express, Monsieur X ne fut ni le Maire de Marseille, ni l'ancien Président du Conseil des années 54-55. Ce fut un certain François Mitterrand.Quelle erreur avait commise l'Express ? Celle de partir trop tôt ! Ce journal n'avait pas compris que l'élection présidentielle au suffrage universel, première du genre (le principe venait d'en être accepté, en 1962), allait obéir à de tout autres critères, beaucoup plus telluriques, que la simple désignation d'un Président du Conseil, affaire de cabinets et de cléricatures, sous la Quatrième.Il en va de même avec ces "primaires de la droite et du centre". Elles fonctionnent dans le seul bocal télévisuel. Ces débats, ce sont de Grands Oraux pour forts en thèmes de l'ENA, où chacun s'enfonce dans une multitude de détails, comme s'il s'agissait de désigner un Sous-Secrétaire d’État à l'Emploi. Et plein de gens, aidés par une presse d'une incroyable connivence (d'ailleurs, en quel honneur ces débats, qui sont l'affaire interne à un camp, sont-ils retransmis par de grandes chaînes nationales ?), sont persuadés que le vainqueur de ces "primaires" sera, en mai 2017, le vainqueur de la présidentielle. Alors que nous n'en savons STRICTEMENT RIEN.A la vérité, une présidentielle française, sous la Cinquième, se joue dans les toutes dernières semaines. Certainement pas l'automne qui précède ! Attention aux effets de bocal. Attention aux vedettes américaines. Attention au jeunisme des "rénovateurs". Attention aux dents blanches à la Lecanuet. Attention aux trompe-l’œil. Nul d'entre nous ne peut prévoir, à l'heure où j'écris ces lignes (18 novembre 2016), quelles secousses profondes pourront surgir, au printemps prochain, de la vieille terre de France, si riche d'Histoire et de surprises.Pour ma part, j'ignore totalement qui sera le prochain Président. Tout au plus, avec les clefs qui sont miennes, fruits de milliers de lectures d'Histoire politique française, puis-je entrevoir assez aisément qui... ne le sera pas !Pascal DécailletLien permanent Catégories : Sur le vif -
Les pleins, les déliés, le bonheur
Sur le vif - 14.11.16 - 14.02h
En écriture, une virgule, c'est une virgule. Un point, c'est un point. Un point-virgule, c'est encore autre chose. Ce solfège, magnifique parce qu'il éduque à la nuance de la phrase, doit impérativement être enseigné dès l'aube de l'initiation à l'écriture.
J'ai eu cette chance, avec des plumes à encre, des pleins et des déliés, la magie des dictées, où l'oralité doit se transfigurer en écriture. Encriers dans le pupitre, buvards, bouts des doigts noirs d'encre. Mais infini bonheur.
De même, apprendre l'expression orale. Au moins, déjà, lire correctement un texte. Une Fable de La Fontaine : très difficile, en fait, mais tellement génial comme exercice ; la ponctuation, chez cet auteur d'exception, rythmée autour du souffle (comme dans le Héron), est toujours munie d'un sens profond, la forme et le fond s'entrelacent, s'embrassent, s'étreignent, ne font qu'un.
Si l'école primaire doit servir à quelque chose, ce doit être à cela. Merci aux instituteurs qui le font encore, avec le goût de la précision, l'amour des textes, la passion de la langue.
Pascal Décaillet
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Trump et l'ombre de Roosevelt
Sur le vif - Dimanche 13.11.16 - 10.25h
Il est peut-être temps, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, de considérer l'élection de Donald Trump autrement que sous le jeu des apparences, piège où sont tant tombés les médias, ne voulant voir en lui qu'un rouquin vulgaire, et le jugeant sur des critères moraux plutôt que politiques.
Trump a une vision. Et il a un programme. S'il parvient à les appliquer, notamment la grande ambition de rénover les infrastructures, annoncée dès le discours de victoire, c'est assurément l'accent d'un New Deal qui sonne à nos oreilles. Avec lui, la mémoire de l'un des plus grands Présidents de l'Histoire américaine, Franklin Delano Roosevelt (1933-1945).
Aucune comparaison, bien sûr, entre les deux hommes : juste une référence, qui affleure. Même si le rapport à l'Etat de FDR est très différent de celui que laisse entrevoir Trump, dans ses discours de campagne. Pour ma part, mon attachement au protectionnisme est viscéralement lié à très haute idée que je me fais, depuis toujours, de l'interventionnisme d’État. Ce qui me sépare totalement de tant de conservateurs américains, n'ayant jamais rompu avec le libéralisme. Situer Trump dans cette dialectique n'est, pour l'heure, pas facile.
Mais tout de même, rappelez-vous : la campagne électorale de 1932, trois ans seulement après le krach de Wall Street. Une Amérique saignée, en lambeaux, dévastée par la crise de 1929, partout la faillite, les familles déchirées, les suicides. Lire Steinbeck, absolument.
Dans ce climat, le candidat Roosevelt arrive avec le plus grand programme de relance économique de l'Histoire. Relance organisée par un prodigieux volontarisme d'Etat, construction de routes, politique industrielle, regard tourné (jusqu'au 7 décembre 1941) vers l'intérieur du pays, un peu moins vers le vaste monde. A ce programme, Roosevelt donne un nom : le New Deal. Nouvelle Donne, comme aux cartes.Ce que veut Trump, c'est quelque chose, toutes proportions gardées et rien n'étant exactement comparable, qui ressemble à cela. 84 ans plus tard. J'ignore absolument s'il y parviendra, mais c'est cela qu'il veut, cela sa vision. La référence à Roosevelt est dans toutes les consciences, elle m'est immédiatement tombée dessus, alors que j'écoutais en direct son discours de victoire.
Pour placer toutes les énergies sur la réussite de ce pari, Trump devra appliquer une politique plutôt isolationniste qu'expansionniste, plutôt pacifique que belliciste, encore que dans ce domaine, il n'aura peut-être pas d'autre choix, ici ou là, que celui d'une guerre. Comme Roosevelt ! Arrivé en 1932, à des milliers de lieues marines de l'idée d'une guerre, FDR deviendra, les quatre dernières années de sa vie, le champion et le vainqueur de l'un des plus importants conflits de l'Histoire humaine. Parce que gouverner, ça n'est pas seulement appliquer un programme préconçu, mais tenter de répondre au tragique de l'Histoire.
Eh oui. Car deux mois et trois semaines après l'élection de Roosevelt, une autre, en Allemagne, le 30 janvier 1933, allait sceller le destin du monde.
L'Histoire est totalement imprévisible. Nul d'entre nous ne sait de quoi demain sera fait. Tout au plus, par quelques éclairs, pouvons-nous, parfois, y déchiffrer l'une ou l'autre correspondance. Pour cela, il n'est pas inutile de lire des livres. Des milliers de livres.
Bon dimanche à tous.
Pascal Décaillet
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