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Sur le vif - Page 619

  • La Palestine, ça existe !

     

    Sur le vif - Mercredi 30.05.18 - 09.11h

     

    Ignazio Cassis se rend-il compte que ses déclarations, maintenues ce matin à la RSR, sur le Proche-Orient font de lui, en termes d'image en tout cas, l'allié objectif du colonialisme israélien dans les Territoires ?

     

    Maladresse, méconnaissance de l'Orient compliqué, ou (pire) prise de parti consciente pour l'un des camps ? Pour m'être rendu plusieurs fois sur place, je puis attester que la réputation de la Suisse, là-bas, est excellente auprès de toutes les parties en conflit, pour peu justement que notre pays ne favorise aucune d'entre elles. Et accorde à chacun le même degré de reconnaissance.

     

    Surtout, cela n'intervient pas à n'importe quel moment. Il existe un plan, entre les Etats-Unis et Israël, pour jeter au panier la question palestinienne. Et, dans la foulée, faire la guerre à l'Iran. Donald Trump, sur cette question, laisse les milieux évangéliques américains, alliés avec les traditionnels soutiens d'Israël aux Etats-Unis, exercer sur lui une profonde influence. Soucieux de sa réélection en 2020 ?

     

    En attendant, la Suisse doit impérativement demeurer dans sa position de respect et d'amitié envers tous les antagonistes du conflit israélo-palestinien. Il existe des liens avec Israël. Il en existe aussi avec la Palestine, et les multiples composantes de ses aspirations à l'affranchissement. On sait à quel point, depuis 1948, Israël s'ingénie à monter les unes contre les autres. Par exemple, le Hamas contre les vieilles institutions du Fatah. Les ferments internes de dispersion ont toujours été les pires ennemis de la cause palestinienne.

     

    Dans ces circonstances, les propos de M. Cassis sur les réfugiés palestiniens constituent une grave erreur politique. Au moment où la plus grande puissance de la planète œuvre, avec Israël, à une évacuation historique de ce dossier, les Palestiniens, plus affaiblis que jamais, aux confins du désespoir, ont besoin d'entendre de notre pays des mots de reconnaissance et d'amitié. Et non des mots qui vont dans le sens des puissants, des colons et des dominateurs.

     

    Pascal Décaillet

     

  • 30 mai 1968 : 50 ans demain !

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    Sur le vif - Mardi 29.05.18 - 14.52h
     

    Comme journaliste, j'ai eu plusieurs fois l'occasion de couvrir des manifestations, en direct sur place avec micro HF. J'ai même eu l'honneur, à deux reprises, d'inhaler les gaz des grenadiers de la police municipale bernoise, en 1991 et 1992, lors de méga-manifs de paysans, très en colère. Expérience plutôt violente pour l'appareil respiratoire, croyez-moi.

     

    Mais comme citoyen, jamais participé à la moindre manif. Il est totalement contraire à ma nature d'aller hurler dans la rue, avec d'autres gens, même pour des causes que je partage. Cela n'est pas mon langage. J'exprime mon point de vue, depuis plus de trois décennies, dans des commentaires argumentés, avec ma voix ou ma plume, c'est mon mode, ma manière, cela me convient très bien.

     

    Il est pourtant, dans toute l'Histoire récente, une manif à laquelle j'aurais voulu participer. Pas sur le moment (j'avais dix ans !), mais rétrospectivement. C'est celle dont nous marquerons demain le cinquantième anniversaire : la contre-manifestation massive de soutien à de Gaulle, le 30 mai 1968, pour siffler la fin de la récréation. On parle d'un million de personnes, sur les Champs : le plus grand rassemblement humain depuis la Libération (26 août 1944). L'un des plus massifs depuis les funérailles de Victor Hugo (1885), ou l'accueil d'Henri, Roi de Navarre, faisant sur le Pont-Neuf son entrée dans la capitale (1594), pour réconcilier le pays, recru de l'épouvantable épreuve des Guerres de Religion.

     

    Je ne me réjouis pas du résultat politique de cette contre-manifestation : l'arrivée au pouvoir, en juin, d'une Chambre bleu-horizon, plus pompidolienne que gaulliste, la Chambre de la Banque Rothschild et des rentiers apeurés, bien en place jusqu'en 1973.

     

    Non. Je ne me réjouis pas que Mai 68 se soit conclu par ce retour de manivelle. Alors que justement, autour du Général, gravitaient les brillants esprits du gaullisme social, des hommes comme Louis Vallon et René Capitant. Ils étaient en train de préparer de remarquables réformes, lorsque le maelström de Mai, figeant les fronts, a tout foutu en l'air. C'est l'une des causes de mon rejet viscéral de l'ensemble du mouvement.

     

    Mais j'aurais tant aimé, ce 30 mai 1968, défiler sur les Champs. Sans haine pour personne. Mais juste pour affirmer mon soutien à un vieil homme de génie, qui depuis 28 ans avait tant fait pour la France. La Résistance. La Libération. Le droit de vote aux femmes (1945). La décolonisation. L'indépendance algérienne, et celle d'innombrables pays d'Afrique. Une nouvelle Constitution (1958), encore en vigueur aujourd'hui, 60 ans plus tard. La paix avec l'Allemagne, le Traité de Reims de 1962, avec Adenauer. Une politique étrangère extraordinaire d'audace, rejetant les deux blocs impérialistes du moment, prônant le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, dialoguant avec le monde arabe, avec les non-alignés. La France, alors, avait une Voix dans le monde. Comme jamais elle ne l'a retrouvée depuis, sauf peut-être lors de quelques éclairs d'un Villepin.

     

    A ce vieil homme, qui venait de vivre 48 heures hallucinantes, promené par son hélicoptère jusqu'à Baden-Baden, abandonné de presque tous, en rupture de confiance avec Pompidou, lâché par un patronat qui l'a toujours détesté, j'aurais voulu, juste moi au milieu d'un million d'autres, apporter mon soutien, ma fidélité, mon affection.

     

    Pascal Décaillet

     

     
  • M. Mattarella et le cadavre du Cid

     

    Sur le vif - Mardi 29.05.18 - 04.48h

     

    En qualifiant de "geste courageux" le refus du Président italien d'avaliser la nomination de Paolo Savona aux Finances, l'éditorialiste du Temps confirme la ligne, maintes fois réaffirmée, de ce journal : placer les décisions souveraines des peuples un cran (au moins) plus bas que la permanence de pouvoirs supra-nationaux, ceux du conglomérat "européen" de Bruxelles.

     

    En Italie, aux dernières élections, les partis anti-système ont gagné. Ensemble, ils peuvent former un gouvernement, cela dans la parfaite légitimité d'un fonctionnement démocratique et constitutionnel mis au point juste après la guerre, dans ce pays en ruines qui était celui du Voleur de bicyclette et de Riz amer.

     

    En parfaite connaissance de cause, aux législatives, les citoyennes et citoyens de la Péninsule ont voté majoritairement pour la restauration et le primat de la souveraineté italienne, et contre Bruxelles. Oui, contre une Europe dont Rome avait pourtant été le lieu du baptême, en 1957.

     

    C'est ainsi, l'Italie a changé. La vieille Democrazia Cristiana, celle de Gasperi, d'Andreotti et de Moro, cette antique et matoise constellation de Guelfes et de Gibelins, n'est plus, et depuis longtemps. Mais M. Matarrella, l'actuel Président, issu lui-même de ce monde défunt, rêve encore d'en brandir le cadavre, tel celui du Cid, à bout de bras, comme aux plus riches heures où le Trône et l'Autel se côtoyaient, dans un chuchotement sans fin.

     

    Défendre la position de M. Mattarella, c'est postuler qu'il existe, plus haut que la volonté souverainement exprimée par les peuples, une autorité supérieure, prétendument au nom de "valeurs". Une sorte de pouvoir arbitral de Saint-Empire, avec voyage à Canossa pour les récalcitrants.

     

    C'est précisément le corset de cette autorité, notamment ses ukases en matière de pression migratoire, mais aussi en matière monétaire, dont le corps électoral italien a voulu s'affranchir. Il a voté, en totale connaissance de cause, pour des partis eurosceptiques. Il est donc parfaitement normal que le nouveau gouvernement, a fortiori son ministre des Finances, soient eurosceptiques. Le respect du vote populaire doit être la seule, l'unique source d'inspiration du Président. C'est dans la Constitution italienne de l'après-guerre.

     

    Il n'y a donc aucunement lieu de qualifier de "courageux" le geste du Président italien. Mais, au contraire, de s'interroger sur ce qu'il porte en lui d'allégeance à des forces externes (Berlin, plus encore que Bruxelles). Et d'intelligence avec des puissances situées en dehors de la communauté nationale italienne.

     

    Pascal Décaillet