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Sur le vif - Page 548

  • L'incomparable fumet du silex

     

    Sur le vif - Jeudi 06.12.18 - 12.37h

     

    Dans la vie, on ne se lève pas le matin en se disant : "Youpi, aujourd'hui, je vais faire des compromis !".

     

    Non. On se lève avec des convictions. Fortes. Ancrées. Nourries par une vie d'expérience et de jugement. Et puis, ces convictions, si on a choisi d'entrer dans un espace de dialogue (qui pourrait, par exemple, s'appeler un Parlement), on les frotte, on les oppose, aux idées des autres. On se bat ! Et le frottement doit dégager l'incomparable fumet du silex, et nul autre.

     

    Et puis, chacun s'étant courageusement battu, peut-être qu'à la fin, on négocie un compromis. Et puis, peut-être pas.

     

    Mais en aucun cas, on ne se lève le matin, Mesdames et Messieurs les centristes professionnels, en se disant : "Youpi, je vais faire un compromis !".

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Faire front, face à un homme

     

    Sur le vif - Mardi 04.12.18 - 14.35h

     

    Ne voir dans la crise des gilets jaunes qu'une jacquerie de plus, dans une Histoire de France qui n'en est pas avare, c'est passer à côté de l'essentiel.

     

    Les gilets jaunes, au-delà de la revendication (parfaitement légitime) sur le prix de l'essence, c'est l'émergence d'un nouveau langage dans la sémiologie politique française. Une nouvelle scénographie, aussi.

     

    On fait irruption sans préavis, sous le seul signe de rassemblement d'une monochromie banale, celle du conducteur en panne, sur la piste d'accotement.

     

    On ne se revendique d'aucune faction. Aucun parti. Aucun mouvement syndical. On laisse les corporatismes au vestiaire. On passe les corps intermédiaires au napalm.

     

    On fait front, face à un homme. Celui qui incarne le pouvoir suprême. Il n'y a plus que vous et lui. On s'adresse au trône, en refusant toutefois de lui parler, même s'il vous y invite. On se contente de SIGNALER sa présence. Massivement.

     

    Ce matin, les gilets jaunes ont obtenu un premier succès. Le chef de l'Etat a laissé son connétable annoncer lui-même les concessions sur le prix des carburants. Les rois, à l'époque des jacqueries, ne procédaient pas autrement.

     

    Les gilets jaunes s'en contenteront-ils ? On peut en douter. A en juger par l'ampleur du mouvement, la seule réponse sur la revendication de base (fût-elle essentielle) ne suffira pas. C'est à autre chose que le peuple de France aspire. Pas nécessairement un changement de régime, je l'ai déjà dit. Mais assurément, la mise en place d'un dialogue direct de la base avec le sommet. Cela pourrait passer par l'introduction de la démocratie directe. Et assurément, par la proportionnelle.

     

    Dialogue direct, oui. Sans les corps intermédiaires. Non qu'il faille dissoudre ces derniers (ne rêvons pas). Mais les remettre à leur place. Il ne convient nullement de s'en plaindre.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Le choeur, seul, face à Créon

     

    Sur le vif - Mardi 04.12.18 - 09.34h

     

    Les gilets jaunes pulvérisent les corps intermédiaires. Au grand dam des chefs syndicalistes, totalement dépassés par l'irruption de cette concurrence inopinée. Incontrôlée. Non-recensée dans leurs fichiers d'adhérents.

     

    Dans la mise en scène, il n'y a plus que le choeur, face au Prince. Même pas de coryphée.

     

    Le choeur, unique acteur, face à Créon.

     

    Il n'y a plus ni Eteocle, ni Polynice, ni Ismène. Il n'y a même plus Antigone.

     

    Antigone, c'est le choeur tout entier. Il a ravi le rôle au personnage principal.

     

    Il n'y a plus de personnage principal.

     

    Il y a le choeur, face à Créon.

     

    Les gilets jaunes, c'est la Révolution brechtienne. Sauf qu'il n'y a même plus de théâtre. Pas de texte. Ni actes, ni scènes. Ni intrigue.

     

    Juste le choeur, face à Créon.

     

    Préfiguration, dans la crise, de ce que pourraient être nos sociétés futures. Nos rapports de forces politiques et sociales. Disparition des corps intermédiaires. Mise en congé des médiateurs. La totalité d'une revendication, face à la solitude murée du pouvoir.

     

    Pascal Décaillet