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Sur le vif - Page 509

  • La noire fureur des entrailles

     

    Je republie ici ce texte datant d'il y a deux ans (09.06.17), un an et demi avant le mouvement des Gilets jaunes. Aujourd'hui, je ne lui retrancherais pas la moindre virgule.

     

    L'ère Macron : cinq ans de répit pour l'Ancien Monde.

    Cinq ans, non pour rénover, mais pour conserver.

    Conserver le système actuel, ultra-libéral, celui qui nous étouffe depuis trois décennies. Négation de l'idée nationale. Intégration progressive à une idée impériale, appelée "Union européenne", en réalité une vassalité de l'Allemagne qui, doucement, construit sa puissance tutélaire sur le continent.

    Cinq ans d'obédience à l'atlantisme. Priorité à la finance spéculative. Aucun souci de l'humain, de son épanouissement. Dérégulation. Délocalisations. Défaut de contrôle sur les flux migratoires. Mépris de la cohésion sociale. Mort de la paysannerie. Prolongation du mensonge multilatéral : cinq ans de SDN, cinq ans d'Aristide Briand. On prend des milliers d'avions, on grille des millions de tonnes de kérosène, pour signer des protocoles sur le... climat. Cinq ans de tartufferies encravatées.

    Et les gens, pour l'heure, applaudissent. Parce que c'est le printemps. L'état de grâce d'un nouveau souverain, le Bien Aimé, comme on surnommait Louis XV au début de son règne. Il fait beau. On s'apprête à savourer les Congés payés, cet été. On ne pense pas, on sifflote. On est au printemps 36.

    Cinq ans de répit pour l'Ancien Monde. Cinq ans pour réprimer, enfouir, jeter au diable toute parole contraire. Cinq ans pour oublier les neuf millions de voix qui, au second tour, n'ont pas soutenu Macron, mais sa rivale.

    Cinq ans pour laisser l'Ancien Régime, faussement rajeuni sous l'aimable visage de l'orléanisme, briller de mille feux. Mais un jour, le contrepoids surgira. Tout ce que l'ère Macron aura voulu enfouir, dissimuler, en se bouchant le nez, tout cela éclatera comme un volcan demeuré trop longtemps silencieux.

    Tout cela, toute cette lave et cette braise, ne jaillira pas des cerveaux, ni des puissants raisonnements, ni du choc démontré de quelque Talmud. Mais de la noire, l'incandescente fureur des entrailles.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Le temps des vapeurs

     

    Sur le vif - Samedi 08.06.19 - 11.34h

     

    Nés à l'époque de Balzac et des Illusions perdues, promis à s'éteindre d'ici (au maximum) deux ou trois décennies, le métier et la fonction de journaliste auront vécu un peu plus de deux siècles.

    Deux siècles, ça n'est pas si mal.

    C'est mieux que conducteur de locomotives à vapeur (un peu plus d'un siècle). Mais c'est nettement moins que tant d'autres métiers, vraiment utiles au plus grand nombre, qui, eux, ont traversé les âges.

    Mon arrière-grand-père, en Valais, était boulanger. Mon grand-père, instituteur. Mon père, ingénieur en génie civil. Ces trois métiers, utiles et concrets, survivront tous à celui auquel j'ai consacré tant de passion, toute ma vie, et aujourd'hui encore.

    Peut-être ces métiers-là étaient-ils moins arrogants, moins persuadés d'être "indispensables à la démocratie", plus ancrés dans la vie réelle, plus en lien avec les gens de tous les jours.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Suisse-Europe : bonjour le peuple, adieu les diplomates !

     

    Sur le vif - Vendredi 07.06.19 - 14.40h

     

    Le NON du Conseil fédéral, à l'instant, à l'Accord-cadre est une bonne nouvelle. Nous appelions, ici même et dans GHI, à ce NON, avant-hier. Pour une fois - la première, depuis bien longtemps - nous voilà donc en phase avec le gouvernement de notre pays, sur la politique européenne, dossier que nous suivons, comme journaliste, depuis plus de trente ans. La campagne EEE du 6 décembre 1992, nous l'avons couverte jour après jour, à fond, sur l'ensemble du pays.

    La Suisse doit maintenant reprendre à fond le dossier européen. Nous devons savoir qui nous sommes, ce que nous voulons, quels liens nous entendons tisser avec nos voisins continentaux.

    Au fond, il n'y a pas de problème Suisse-Europe. Il n'y a qu'un problème de la Suisse face à la Suisse. Cette affaire, complexe et passionnante, est davantage révélatrice de nous-mêmes, nos contradictions, nos relations intestines équivoques, que de l'état du continent.

    A dater d'aujourd'hui, une inversion s'impose. Le temps - que nous avons connu et couvert pendant des années - des diplomates qui négocient, puis du paquet qu'il faut ratifier (Parlement, puis peuple), est totalement révolu. Le temps des diplomates est passé, tout au moins celui de leur tyrannie, en lien avec l'Administration bernoise, sur le monde politique, peuple et élus.

    Désormais, nous devons d'abord consulter en profondeur la population de notre pays. Écouter le peuple ! C'est à l'ensemble des citoyennes et citoyens de ce pays - et surtout pas les seuls élus - de prendre en charge ce dossier. Nous en avons les moyens organiques et constitutionnels : la démocratie directe, principalement le droit d'initiative, sont des outils uniques au monde pour permettre au suffrage universel de se saisir du destin national.

    D'abord, un immense brassage populaire, ça nous prendra quelques années. L'enjeu est de taille, il s'agit de notre place au milieu de nos amis européens, ça vaut la peine de prendre le temps, travailler en profondeur. Le jour où nos outils démocratiques nous auront permis de nous mettre d'accord (dans la douleur, comme dans toute dialectique avec des enjeux), alors nous reprendrons contact avec l'Union européenne (ou ce qu'il en restera), et nous leur dirons : "Chers amis, voici ce que la Suisse veut". Et c'est à ce moment-là seulement que pourra commencer une phase de négociation.

    Car dans toute négociation, le problème no 1, ça n'est pas le partenaire, qui est en face. Non, le problème no 1, c'est soi-même : qui suis-je, quels sont mes objectifs stratégiques profonds, dans quelle état vais-je aborder la discussion ?

    Nos diplomates ? Qu'il prennent un peu de congé. Ou de retraite. Ils pourront s'épancher dans les journaux lausannois prétendument romands, faire la leçon aux Suisses, au peuple, à notre démocratie directe, vitupérer le populisme. Ils feront ce qu'ils voudront. Pourvu qu'ils ne se remettent pas, derrière le dos du peuple, à "négocier".

     

    Pascal Décaillet