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Sur le vif - Page 296

  • Le petit théâtre du mercredi

     
    Sur le vif - Samedi 05.12.20 - 10.38h
     
     
    Personne n'a jamais obligé un gouvernement à prendre la parole.
     
    S'il la prend, il doit endosser toute la responsabilité de son acte de pouvoir consistant à se montrer au peuple, et lui parler. Ce qu'il dit. La manière dont il le dit. Ses tonalités. Ses gestes. Les sentiments qu'il dégage, auprès du public. Quand on monte sur une scène, il y a des acteurs, un décor, une mise en scène, des lumières, des choix.
     
    Personne n'a jamais obligé un gouvernement à prendre la parole.
     
    Le Conseil d'Etat genevois est libre de se taire ou parler. Libre de délivrer des communiqués, ou monter sur les tréteaux télévisuels pour se donner à voir et à entendre.
     
    Mais, s'il monte en scène, il doit assumer.
     
    La théâtralisation du pouvoir est à double tranchant. Elle peut servir le Prince, ou terriblement l'affaiblir. La parole du chef doit être rare : plus il se commet, plus il perd son aura.
     
    Personne n'a jamais obligé un gouvernement à prendre la parole.
     
    Prenez ces trios, ces délégations du mercredi, face aux caméras, sans filtre, sans médiateurs. Le public n'est dupe de rien. Il voit tout. Le vrai chef, il l'identifie tout de suite. Les rapports de forces derrière les rodomontades, "Merci Madame la Présidente", "comme vient de l'indiquer ma préopinante", "comme l'a très bien dit Madame Fontanet", le peuple ne se laisse pas avoir par tout ce cirque, il décèle immédiatement l'hypocrisie, les rivalités internes. Ne sous-estimez pas sa lucidité sur les enjeux réels.
     
    Le peuple n'est pas dupe, non plus, des fausses douceurs, aux attitudes maternantes, voix simulant la neutralité, du type "Je n'ai pas voulu cette situation, je n'y suis pour rien, elle m'ennuie tout autant que vous, mais dans l'épreuve commune, je vais vous accompagner". Le peuple préfère encore la raideur verticale des hiérarques assumés à ces fausses pudeurs, juste pour être dans le ton. Alors qu'on est un être de pouvoir comme un autre, et peut-être pire (sous le vernis) qu'un autre.
     
    Alors, continuez, Mesdames et Messieurs les Conseillers d'Etat, à vous montrer, tous les mercredis, en irrévocable majesté. Tantôt donneuses de leçons, tantôt régents, invoquant la bureaucratie sanitaire pour atténuer une responsabilité qui est foncièrement vôtre. Fausses douceurs, voix câlines, pour être dans le ton d'aujourd'hui, qui n'est plus aux tonnerres masculins. Mais le pouvoir, toujours et partout, demeure le pouvoir. Noir. Immuable. Personne n'est dupe.
     
    Continuez ce petit jeu de la monstration hebdomadaire. Continuez, dans le même temps, à ruiner les classes moyennes en les assommant d'impôts. Continuez à mépriser les petits entrepreneurs, les indépendants, les restaurateurs. Car la réalité de ce Conseil d'Etat 2018-2023, l'un des pires depuis Fazy, oui la réalité, derrière le petit théâtre du mercredi après-midi, c'est celle d'un Triste Sextuor, tout juste bon à nous pomper, endetter l'Etat, endetter nos familles, nos enfants. Un gouvernement qui n'écoute plus les classes moyennes, il ne songe qu'à les plumer.
     
    Continuez, avec vos voix suaves. Vos fausses apparences. Continuez. Et nous verrons le résultat.
     
     
    Pascal Décaillet
     

  • J'écris pour tous

     
    Sur le vif - Vendredi 04.12.20 - 13.17h
     
     
    J'écris pour tous. Pour toute personne voulant bien me lire. J'écris pour le peuple, dans sa totalité. Pas pour mes pairs. Pas pour les intermédiaires. Pas pour les lobbys. Pas pour les partis. Pas pour les clercs. Pas pour les initiés. Surtout pas pour les puissants. Il y a quelque chose, au fond de moi, depuis toujours, qui m'amène à rejeter le pouvoir. Tout pouvoir, d'où qu'il vienne.
     
     
    Pascal Décaillet

  • Giscard, fauve politique et rêveur mélancolique

     
    Sur le vif - Mercredi 02.12.20 - 23.12h
     
     
     
    Giscard est mort, je l'apprends à l'instant. J'avais seize ans à son élection, vingt-trois à son départ, c'est une partie de ma jeunesse qui s'en va, comme pour tous ceux de ma génération.
     
    Il y aurait tant à dire sur cet homme, allons à l'essentiel. Une brillante intelligence. Une connaissance parfaite des rouages de l'Etat. Un engagement européen, du temps où cette aventure-là était très belle, parce qu'elle reposait sur la réconciliation franco-allemande. Le couple formé par Valéry Giscard d'Estaing et Helmut Schmidt (que j'ai eu l'honneur d'interviewer à Hambourg, en 1999) était remarquable, doublé d'une très belle amitié entre les deux hommes.
     
    Député à 30 ans (1956, l'année de la vague poujadiste), Secrétaire d'Etat en 1959, Ministre des Finances du Général de Gaulle, puis de Georges Pompidou, Président de la République de 1974 à 1981, VGE dit "Au revoir !" aux Français en 1981, il n'a que 55 ans. Il hantera encore longtemps la vie politique, mais plus au niveau suprême.
     
    Très proche des gaullistes de gauche (eh oui !) dans ma jeunesse, puis mitterrandien, j'ai mal perçu Giscard lorsqu'il était au pouvoir. La droite orléaniste n'est pas mon fort, le libéralisme encore moins. Avec le recul, je m'en rends compte depuis quelques années, j'ai été, sur le moment, trop sévère envers cet homme aux éclatantes qualités intellectuelles, qui rappellent celles d'un André Tardieu, dans l’Entre-deux-guerres.
     
    Pendant toutes les années 1974-1981, j'étais abonné au Nouvel Observateur, qui accompagnait la montée de la gauche vers le pouvoir, et qui cassait du Giscard à longueur d'année. Nous n'avons pas reconnu la classe de l'homme, son intelligence diplomatique dans la question européenne, son savoir-faire avec l'Allemagne, son ouverture réelle sur les questions de société. Nous avons eu tort. J'ai eu tort.
     
    Et même son orléanisme, son libéralisme façon Second-Empire, ses accents d'enrichissement à la Guizot, nous les avons caricaturés, je m'en suis rendu compte en vieillissant. Car entre Giscard et les petites frappes de l'ultralibéralisme financier des années 1990, puis 2000, il y avait un monde, qui s'appelle l'Etat. VGE en était issu. Il a été un homme d'Etat, il a fait ce qu'il a pu, malgré les chocs pétroliers, la montée du chômage.
     
    Cet hommage, écrit à vif, arraché à ce début de nuit, est donc aussi l'histoire de ce qui fut, de ma part, et de beaucoup de mes contemporains, une profonde incompréhension face à un homme étiqueté comme un défenseur des seules valeurs pécuniaires, ce que manifestement il n'était pas.
     
    La France perd un homme d'Etat. Un fauve politique de première catégorie. Un rêveur mélancolique, bercé dès la naissances de tant de fées. Peut-être trop. Il nous reste une grâce, un style, une intelligence, au service de l'Etat. Au-revoir, Monsieur VGE.
     
     
    Pascal Décaillet