Sur le vif - Mercredi 27.10.21 - 10.43h
Il est de bon ton de condamner la haine. La justice est encombrée de plaintes pour "appel à la haine". Le législateur a cru bon, pour satisfaire la tiédeur du temps, de criminaliser ce sentiment. Ce mot, qui relève de la morale, s'invite dans le débat politique. Il sert de prétexte à la censure, l'étouffement des idées non-conformes. Il est devenu le passe-partout de la bonne pensée, celle qui régit l'orthodoxie de l'expression publique.
Le problème, c'est que la haine existe. Tout comme l'amour, dont elle n'est que le revers. Elle existe, elle fait partie de la nature humaine. Elle est en chacun de nous, à l'état de sommeil et parfois en phase de réveil. Je veux bien qu'il existe quelques humains délivrés de ce sentiment, tant mieux pour eux, qu'ils nous inondent de leur bonté. Mais rien n'y changera : la haine habite l'humain, se révèle dans les phases de crise. N'en point parler, ou en faire le mot-valise du moralement correct, n'en altérera en rien l'existence.
C'est le grand leurre de notre monde. En censurant l'expression d'un sentiment, on s'imagine qu'on va le faire disparaître. Alors qu'on le renforce, dans les tréfonds. C'est valable pour la haine. Pour le rapport à l'Autre. D'immenses courants de rejet massif, individuels ou collectifs, traversent nos sociétés. Interdire, dans la loi, l'expression de ces mouvements, c'est ranger la poussière sous le tapis.
L'humain est capable d'amour. Et il est capable de haine. Il peut accepter l'autre. Mais il peut le rejeter. Notre nature est complexe, contradictoire, protéiforme, tissée d'un peu de raison, et pourtant enracinée dans l'irrationnel. J'ai, pour ma part, une lecture pessimiste de ce que nous sommes, les humains. Enfants de la terre, non du ciel ! Fils et filles de la perdition. Combattants suprêmes, dans des guerres perdues, maudites, sans retour.
Si on parle d'amour - à quoi rien ne nous oblige - alors il faut accepter de parler de haine. Reconnaître sa présence. Ses causes, ses fondements. Prendre l'humain dans sa totalité. Dans toutes les nuances de noirceur de sa folie.
Pascal Décaillet