Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Sur le vif - Page 203

  • A tous les livres, émotion et reconnaissance

     
    Sur le vif - Jeudi 28.04.22 - 16.24h
     
     
    Depuis l'âge de huit ans, je me passionne pour l'Histoire de la Seconde Guerre mondiale. Principalement : tout ce qui touche à l'Allemagne, à la France, à l'Italie, à la Guerre à l'Est. Ces domaines, depuis plus d'un demi-siècle, me dévorent. Il existe d'autres théâtres d'opérations que je connais fort mal, par exemple la Guerre du Pacifique.
     
    Pourquoi, dès l'âge de huit ans ? Parce que, fin 1965, ou début 1966, mes parents ont acheté le remarquable "Mémorial de la Seconde Guerre mondiale", en trois gros volumes (un vert, un bleu, un rose) de "Sélection du Reader's Digest". Et moi, comme ce triptyque venait de débarquer dans la bibliothèque familiale, je m'y suis lancé à corps perdu. On s'occupe comme on peut, quand on est enfant.
     
    Vingt ans après la guerre, c'était un ouvrage remarquable. Bien que de facture anglo-saxonne, il donnait la parole à tous les échos possibles à l'époque : aux Allemands, aux Italiens, aux Japonais, autant qu'aux vainqueurs. 56 ans plus tard, je porte évidemment, aujourd'hui, ayant lu entre-temps des milliers d'autres livres sur le sujet, ayant eu accès à tous les progrès des recherches historiques, un regard critique sur le triptyque. Sur certains thèmes, il a vieilli. Mais sur l'ensemble, l'honnêteté d'approche est remarquable pour l'époque. C'était, pour 1965, du très bon boulot.
     
    Je vous parle de cela, parce que la conscience historique se tisse patiemment, au fil des ans, des décennies. Plus on lit, plus on visionne d'archives, plus on écoute les témoins, plus on corrige, et mieux se révèle, très lentement, la photographie d'ensemble. Je ne vois évidemment plus la Seconde Guerre mondiale comme dans mon enfance, ni comme dans mon adolescence, très allemande. Mais cette correction progressive n'a rien d'une négation de la vision des époques précédentes. Je dirais plutôt : un constant travail de précision, de polyphonie : écouter toutes les voix, embrasser toutes les perspectives, s'imprégner de tous les témoignages.
     
    Bien sûr, il y eut des moments de correction plus radicaux que d'autres. Dans ma jeunesse, quand j'allais en Allemagne, et plus tard aussi, j'ai recueilli directement des témoignages qui n'existaient (à l'époque, à ma connaissance) nulle part ailleurs. Mais à part ces moments très forts, le travail de mise au point de la conscience historique se joue dans l'infinie patience du temps.
     
    Oui, j'ai lu des milliers de livres sur la Seconde Guerre mondiale, Allemagne, France, Italie, Balkans, Guerre à l'Est, depuis 1965. Et pourtant, je n'aurais pas une seule seconde l'idée de renier le brave triptyque de la Sélection du Reader's Digest, dévoré dès l'âge de huit ans. Comme ma première mappemonde, magique, illuminée de l'intérieur le soir, ces trois volumes m'ont permis d'avancer sur un terrain de la passion. Je dirais même : ils m'ont donné, comme à une fusée, la propulsion initiale.
     
    A tous les livres qui m'ont accompagné, à tous ceux qui restent à lire, émotion et reconnaissance.
     
     
    Pascal Décaillet
     

  • L'Ukraine et les gentilles armes du "monde libre"

     
    Sur le vif - Mercredi 27.04.22 - 16.59h
     
     
    Truffer l'Ukraine d'armes occidentales. Américaines, allemandes. Légitimées par le Bien : c'est pour aider les Ukrainiens à se défendre qu'on leur envoie tous ces arsenaux.
     
    Truffer l'Ukraine de chars, de lance-missiles, gracieusement mis à disposition par le "monde libre", expression chère au gentil Kennedy, dans son discours de Berlin, en 63.
     
    Truffer l'Ukraine, ou plus exactement la partie occidentale de ce pays. Celle que l'on convoite depuis tant d'années.
     
    Truffer l'Ukraine d'armes de l'Otan. Elles pourront y rester, très longtemps. On pourra en ajouter, encore et encore, au fil du temps.
     
    Truffer l'Ukraine d'une véritable armée. Les missiles de l'Otan seront sur place, avec bénédiction des bonnes âmes de la planète. Les chars. Les armes d'infanterie. Il n'y aura plus, le jour venu, qu'à envoyer aux Ukrainiens des "conseillers militaires", par milliers, comme au Vietnam. Du temps de qui ? Je vous le donne en mille. Du temps du gentil Kennedy ! Le tout premier à avoir engagé son pays dans ce qui allait devenir le cauchemar de l'Asie du Sud-Est.
     
    Truffer l'Ukraine d'armes de l'Otan. Et si c'était cela, depuis des années, l'objectif recherché par les Etats-Unis ? Il ne leur manquait qu'un prétexte. M. Poutine, sur un plateau en or, le leur a offert, le 24 février 2022.
     
     
    Pascal Décaillet

  • Des chars allemands en Ukraine : la puissance mnésique d'un symbole

     
    Sur le vif - Mercredi 27.04.22
     
     
    Il faut prendre la mesure de ce que représente, dans l’Histoire allemande de l’après-guerre, la livraison de chars allemands - je dis bien « de chars » - à l’Ukraine.
     
    L’Histoire des chars fait partie de l’Histoire allemande. La percée géniale des Ardennes en mai 40, ce sont les chars. Le passage de la Meuse par Rommel le 13 mai, ce sont les chars. La guerre à l’Est, dès le 22 juin 1941, ce sont les chars. Et l’un des principaux théâtres d’opérations dans cette guerre, voyage aller en 41, voyage retour en 44, c’est l’Ukraine. Le plus important choc de la Guerre à l’Est, ce ne fut pas Stalingrad, mais, six mois plus tard, la bataille de chars de Koursk, en juillet 43. Après Koursk, la Wehrmacht n’a fait que refluer.
     
    En 41, lorsque les chars allemands arrivent en Ukraine, ils sont accueillis, en maints endroits de l’Ouest du pays, comme des libérateurs. Cet élément factuel, parfaitement vérifiable, du reste largement connu, est une réalité de la guerre à l’Est. J’ai personnellement été initié à cette guerre il y a exactement cinquante ans, par un ancien combattant, chez qui j’ai passé l’été, tout au nord de l’Allemagne.
     
    Il y a donc, dans le char allemand livré à l’Ukraine, une puissante dimension symbolique. Mnésique. Pour qui connaît l’Histoire, il y a quelque chose qui parle, qui évoque. Renaissance, depuis 1989, d’une politique proprement allemande en Europe centrale et orientale. Réarmement totalement décomplexé. Budget militaire sans précédent voté par le Bundestag dès les premiers jours de la guerre en Ukraine.
     
    L’Allemagne est là, elle est de retour, elle mène sa politique à elle à l’Est, pour sauvegarder les marchés infatigablement conquis depuis la chute du Mur : Pologne, Hongrie, Pays Baltes, et bien sûr demain l’Ukraine. Là sont tous les enjeux de ce qui se passe, au-delà de Poutine, au-delà du Donbass, au-delà de Biden. Et surtout, au-delà de l’insoutenable naïveté de nos moralistes.
     
     
    Pascal Décaillet