Sur le vif - Mardi 09.07.24 - 11.03h
Non, M. Bardella, votre défaite n'est absolument pas due aux quelques "erreurs de casting" (bien réelles, certes), dans le choix de vos candidats, dans certaines circonscriptions. Ces erreurs vous auront peut-être fait perdre quelques sièges, mais elles ne sauraient expliquer la contre-performance de votre parti, au deuxième tour. Les vraies raisons qui comptent, les voici.
La première, vous n'y pouvez rien, c'est le système majoritaire à deux tours. Il lamine les puissances montantes, portées par des masses croissantes d'électeurs, dès qu'elles font peur au pouvoir en place. Je me suis déjà exprimé sur le sujet, je n'y reviens pas.
Mais il y a une autre raison, M. Bardella, et cette raison c'est vous. Vous, Jordan, et pas Mme Le Pen. Vous êtes certes brillant, beau parleur à souhait, gendre idéal, tiré à quatre épingles, comme le bourgeois du parti le plus classique, bref vous passez formidablement à l'antenne. Je vous reconnais ces qualités d'intelligence, ainsi qu'une indéniable énergie. Vous êtes un combattant politique de premier plan.
Mais tout talent a ses limites. Vous êtes froid, M. Bardella, cérébral à souhait, vous ressemblez à un jeune cadre ultra-libéral qui aurait pu être dans l'aile orléaniste du Parti Républicain. Les jeunes vous adorent, tant mieux pour vous, mais je crois que pas mal de Français, y compris dans vos rangs idéologiques, ont besoin qu'on leur parle avec un peu de chaleur populaire, de coeur, d'empathie réelle, de sourire, d'humour, de bonne humeur. Peut-être ces qualités-là ont elles encore, chez vous, une certaine de marge de progression, avant que d'affleurer dans le coeur des gens.
Bref, j'admire en vous d'éminentes qualités, je partage pas mal de vos valeurs sur la souveraineté, la régulation des flux migratoires, le respect des paysans et des ouvriers. Mais de grâce, pourquoi mimez-vous à ce point la haute bourgeoisie dominatrice ? Vous cherchez d'ailleurs trop leurs voix, vous éloignant ainsi d'un fumet populaire qui est la force de votre parti.
En comparaison de ces choses-là, qui vous impliquent directement, les quelques "erreurs de casting", avec deux ou trois cinglés mal ciblés dans telle ou telle circonscription, représentent assurément peu de choses. Il ne faudrait pas que vous donniez l'impression, en les citant sans cesse dans le débriefing de la campagne, que vous passez au deuxième plan votre propre responsabilité (vous l'avez certes reconnue), comme chef, au plus haut niveau de cette campagne.
Pascal Décaillet