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Sur le vif - Page 21

  • François Lachat : cinq secondes, inoubliables

     
    Sur le vif - Lundi 24.06.24 - 15.34h
     
     
    Cinq secondes, peut-être six. C'était, hier soir au19.30h RTS, l'intervention de François Lachat, dans la belle émission spéciale de Jennifer Covo à Delémont, pour marquer les 50 ans du plébiscite de 1974.
     
    Cinq secondes, c'est court. Mais cet admirable père fondateur, tellement attachant, premier Président du gouvernement jurassien, aujourd'hui octogénaire, a été, une fois de plus, bouleversant.
     
    Cinq secondes, pour laisser sortir toute l'intensité de son émotion. Et la nôtre. Et la mienne.
     
    Le même François Lachat, dans l'après-midi du vote historique du 24 septembre 1978, proclamant les résultats devant la foule, avait simplement dit "Citoyennes, citoyens, victoire !". La simplicité révolutionnaire de ces trois mots, sur le moment, m'avait profondément touché.
     
    Le peuple et les Cantons de la Suisse, ce jour-là, venaient d'accueillir le Jura comme 23ème Canton de la Confédération.
     
    J'avais vingt ans et trois mois. A l'époque, le droit de vote était à vingt ans. Le tout premier vote de ma vie, ce fut, ce jour-là, pour dire OUI, du fond du coeur, à la République et Canton du Jura. L'année précédente, 1977, j'avais fait mon service militaire, il y avait des Jurassiens dans la compagnie, ils chantaient la Rauracienne pendant les marches. Ils avaient conquis mon coeur.
     
    Oui, c'était une belle émission de Jennifer Covo. Avec la Conseillère fédérale jurassienne, rayonnante au milieu des siens. Avec la foule, joyeuse. Et avec ces cinq secondes d'un grand Jurassien, et d'un grand compatriote suisse. Cinq secondes, inoubliables.
     
     
    Pascal Décaillet
     

  • "Chroniqueur" : un mot dévoyé par les coqs parisiens

     
    Sur le vif - Dimanche 23.06.24 - 17.37h
     
     
    Loin de moi l'idée d'entamer une carrière d'étrangleur, mais je veux, une fois pour toutes, tordre le cou à cette scandaleuse distorsion d'un mot, depuis quelques années, sur les chaînes privées françaises : le mot "chroniqueur".
     
    François Mauriac, dans le Figaro, puis dans l'Express, était un chroniqueur. Dans une colonne plutôt brève, appelée "Bloc-Notes", il déboulait, croquait un sujet de son choix, brillait par sa plume, sa cruauté, et même un humour qui n'apparaît pas, en première lecture, dans ses romans. Il était en décalage avec le reste du journal, il faisait un court numéro, étincelait, puis tirait sa révérence. On aimait on non, c'était Mauriac. Et surtout, c'était une chronique.
     
    De même, la chronique radio, dense, limitée dans le temps (plus elle est courte, ciselée, meilleure elle est), vous offre l'irruption d'une voix, un timbre, un tempérament. On surgit, à 07.20h du matin par exemple, on ne s'éternise surtout pas, on s'éclipse. Cela aussi, c'est une chronique.
     
    J'en viens au dévoiement du terme, aujourd'hui. Ce que les surexcités parisiens des chaînes privées, toutes orientations politiques confondues (donc celles de la droite dure, comme les autres, j'insiste sur ce point), ont le culot d'appeler "chroniqueurs", n'a strictement plus rien à voir avec la sublime intervention d'un soliste dans un concerto ou une symphonie, celle que l'on retiendra plus que le concert lui-même.
     
    Non, les prétendus "chroniqueurs" à la mode parisienne ne sont que des meutes, toujours recommencées, d'impénitents bavards. Leur existence précède l'essence de l'émission, c'est très Saint-Germain au fond : par nature, il sont là, le thème suit. L'émission, on la construit autour d'eux, et non autour de la primauté d'un sujet. La bande de bavards est là, par définition, elle fait tapisserie. Et aura son mot à dire sur absolument tous les sujets du monde, l'important étant qu'elle ramène sa fraise, loin de toute idée de pertinence, ne parlons pas de compétence, ce sont là des mots d'un autre âge.
     
    Dans ces émissions, on ne se fatigue même plus à inviter des politiques, un de droite, un de gauche, par exemple, dans l'idée de construire le débat démocratique sur l'antagonisme sémantique entre leurs positions. Non, on reste en famille. Entre "chroniqueurs". C'est moins fatiguant à préparer. Moins onéreux en frais de téléphone. Et tellement plus confortable, en termes de consanguinité.
     
    Ce qui arrive à la France, ces jours, dans sa crise démocratique majeure, la vitrine recommencée de ces "chroniqueurs", gladiateurs d'un soir avec une bonne dose de ketchup, en est, à bien des égards, responsable. Voilà des années que le débat démocratique, compétent et bien posé, a cédé la place à des combats de coqs stériles. Il ne faut pas trop s'étonner, si l'image même de la politique, au sens le plus noble, celui d'Aristote, s'en trouve, pour longtemps, dévastée.
     
     
    Pascal Décaillet

  • 22 juin 1974, Sparwasser, Hambourg, 78ème minute

     
     
    Sur le vif - Dimanche 23.06.24 - 10.31h
     
     
     
    Jamais je n'oublierai ce match, il y a cinquante ans et un jour, 22 juin 1974, au Volksparkstadion de Hambourg, dans le cadre du Mondial, entre la BRD et la DDR. Une rencontre de la Coupe du monde avec seulement des Allemands sur le terrain !
     
    25 ans après la naissance des deux Etats (1949), l'Allemagne de l'Ouest, la mythique équipe de Beckenbauer qui gagnera d'ailleurs la Coupe en finale face à la Hollande, affronte... l'Allemagne de l'Est !
     
    J'avais seize ans et deux jours, j'étais à moins de deux ans de ma Maturité, je m'apprêtais à retrouver l'Allemagne pour tout un été. Ce match avait à mes yeux une importance capitale.
     
    Le public connaissait mal l'équipe de la DDR, alors que celle de l'Ouest était déjà une star mondiale. Des Frères de l'Est, on pensait qu'elle ne ferait qu'une bouchée. On a eu tort.
     
    Le monde entier a fait la connaissance, ce jour-là, du football est-allemand. À la 78ème minute, le destin a basculé : Jürgen Sparwasser, 26 ans, attaquant au FC Magdeburg, a marqué. Une joie immense, dans les gradins de l'Est, a éclaté. La DDR, un peu plus de douze minutes plus tard, l'a emporté 1-0 face à l'Ouest. Elle a battu le futur vainqueur du tournoi ! Alors, Sparwasser et les siens se sont payés un tour d'honneur dans le Volksparkstadion de Hambourg.
     
    Moins de deux heures plus tôt, le "Auferstanden aus Ruinen" avait précédé le "Deutschland über alles". Tout cela, dans une ambiance de respect mutuel : deux équipes d'un même peuple se faisaient face. Willy Brandt, le plus grand Chancelier allemand de l'après-guerre, orfèvre de l'Ostpolitik, venait hélas de quitter le pouvoir à cause de la stupide Affaire Guillaume. L'ambiance, entre les deux Allemagnes, était au rapprochement.
     
    J'étais constamment dans les Allemagnes à cette époque-là, je peux vous dire que l'ignoble mépris de l'Est par certains Allemands de l'Ouest n'est venu que plus tard, avec les années Reagan, puis Bush Senior, et les années Kohl à l'Ouest. L'importation en Europe de cet insupportable anticommunisme américain, manichéen. Il aura pour conséquence le phagocytage pur et simple de l'Est par le glouton Kohl, c'est cela, cette vulgarité-là du capitalisme occidental, qu'on appelle "Réunification".
     
    On en voit les résultats aujourd'hui, sur la carte des dernières élections européennes.
     
    Je fais partie des gens qui se passionnent viscéralement pour ce qui fut, entre 1949 et 1989, une partie intégrante de l'Histoire des Allemands. Ceux, simplement, qui se trouvaient à l'Est.
     
    Mais des Allemands, à 100%, de langue et de culture allemande, de caractère allemand, comme les autres Allemands.
     
     
    Pascal Décaillet