Sur le vif - Mardi 07.01.25 - 13.49h
Toute ma vie, j'ai défendu le concept d'économie nationale. Je l'ai fait avant la chute du Mur de Berlin (1989), dans une jeunesse où j'étais à la fois très attaché à l'industrie (mon père était ingénieur), aux travaux publics, et à l'Etat. L'un, pour moi, n'allait pas sans l'autre : on doit d'abord être fort économiquement, donc il faut produire, inventer, s'imposer. Mais cet effort commun n'a de sens que déployé au service d'un peuple, un pays, une nation. Et certainement pas dans des chimères planétaires. C'est cela, l'économie nationale. Elle exige la délimitation, la précision, la frontière. Je déteste le concept de multinationale.
Ce double attachement, à l'économie et à l'Etat, je l'ai puissamment gardé, et même renforcé, après la chute du Mur. J'étais un homme de droite, mais d'une droite clairement anti-libérale, en tout cas dans la version ultra, déracinée des patries, boursicoteuse mondiale, de ce mot. Dans les années 90, j'étais un homme de droite étatiste, partisan des nations souveraines, alors que paradoxalement la gauche devenait partisane de Blair, de Schröder, libérale, mondialiste. Aujourd'hui encore, je m'inscris dans cette double tradition : la vitalité économique, oh oui, mais au service d'une communauté nationale, et non des seuls actionnaires.
J'ai lu Marx, il m'a marqué. J'ai aussi, immensément, puisé mes sources dans Léon XIII (Rerum Novarum, 1891), dans le Sillon, dans la Revue Esprit, dans l'étude de la politique sociale bismarckienne, et bien sûr dans l'Histoire économique et sociale de mon pays, la Suisse. Tout converge, dans mon esprit, vers l'idée d'une économie nationale, au service du peuple, associant les travailleurs au profit, et même au capital, de l'entreprise dans laquelle ils œuvrent. C'est l'idée de participation, que je soutiens depuis toujours : j'y reviens demain, dans GHI.
Entre le philosophe de Trèves, journaliste dans sa jeunesse à la Rheinische Zeitung de Cologne (il faut lire ses articles de l'époque), et le Pape des ouvriers entre 1878 et 1903, nombreuses sont les pistes communes. Non dans les visions du monde (matérialiste dialectique pour l'un, profondément spirituelle pour l'autre), mais dans les propositions d'amélioration de la vie des plus faibles.
Pour mon pays, la Suisse, j'aspire à une économie dynamique, centrée sur les PME (97% de nos entreprises), avec un partage des bénéfices profitant aux plus faibles, aux plus précaires, aux plus modestes des travailleurs. Une économie nationale, déployée sur le marché intérieur, en fonction des besoins stratégiques de notre souveraineté, mais aussi de la qualité de vie de notre peuple. Dans ce sens doivent s'orienter, avec le soutien actif de l'Etat, notre agriculture, notre industrie. Une économie par le peuple suisse, et pour le peuple suisse.
Pascal Décaillet