Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Sur le vif - Page 1039

  • Affaire Mark Muller – Analyse

     

    Sur le vif - Mercredi 09.02.11 - 11.44h

     

    La grave affaire qui affecte le département de Mark Muller, à Genève, est doublement révélatrice. D’abord, sur les négligences internes à ce département. A cet égard, de nouvelles informations pourraient nous parvenir d’ici 48 heures. Ensuite, sur les limites politiques de l’Entente (libéraux, radicaux, PDC) à prétendre gouverner ce canton avec une majorité au Conseil d’Etat, alors qu’elle n’obtient, au Parlement, que les suffrages de deux Genevois sur cinq. Non que ce soit impossible, j’entends bien que les deux élections (législatif, puis exécutif) obéissent à des logiques différentes. Mais parce qu’il eût fallu, dans ces conditions de faiblesse électorale, une tonalité beaucoup moins arrogante que celle, par exemple, du prédécesseur de Mark Muller à la présidence du Conseil d’Etat.

     

    Aujourd’hui en danger, Mark Muller va sérieusement avoir besoin de soutien politique pour s’en sortir. Nos informations, très claires, nous disent qu’il ne pourra guère compter sur son propre parti, où l’exécution interne procède de l’abattage rituel, et où on ne le défendra – à l’exception de vrais fidèles – que pour la galerie. Signalons en passant la remarquable probité intellectuelle de l’actuel président des libéraux genevois, Cyril Aellen, face à cette tourmente : les crises dévoilent souvent des abysses, parfois (et c’est le cas avec Aellen) la cristalline fermeté de certains caractères.

     

    Il n’est pas exclu qu’une extension des dysfonctionnements au sein du DCTI soit rendue publique avant la fin de la semaine. Si c’est le cas, la situation sera vraiment très difficile pour Mark Muller. Dans le cas contraire, la survie politique du président du Conseil d’Etat devra, hélas pour lui, s’accompagner de toute une batterie de mesures, proches de la tutelle, et signifiant de toute manière un affaiblissement politique. A coup sûr, cette perte de soutien eût été moindre si l’Entente avait un peu moins, dans les dernières années, considéré comme des gueux de bas chemin les partis non-gouvernementaux qui se trouvent, soit à sa droite, soit dans la prétendue « ni gauche, ni droite », disons le néo-boulangisme galopant.

     

    Aucune de ces deux marges, évidemment, ne lui fera le moindre cadeau : déjà, elles menacent ensemble de manifester devant le Palais Eynard, le 18 février prochain, à 10.30h. La Ville doit officiellement, ce jour-là, recevoir le nouveau président du Conseil d’Etat. Triste paradoxe : Mark Muller a toujours fait partie de ceux qui prônaient ce que Christian Lüscher appelle aujourd’hui la « droite élargie », qu’on peut aussi nommer « droite unie », ou « droite non-suicidaire ». Au contraire de son prédécesseur à la présidence du Conseil d’Etat, qui n’a cessé, par d’improbables triptyques de « conditions », d’ostraciser ce troisième tiers, oui ce Tiers Etat de l’espace politique genevois. Arrogance à vouloir incarner à soi-seul la famille de la droite, erreur de vouloir jouer sur un savant pivot de passerelles, par exemple avec les Verts, la Genève des compromis horizontaux, qui dilue la clarté des fronts politiques, et finalement exacerbe, dans le public, le sentiment d’un establishment.

     

    Rien, à l’heure où j’écris ces lignes, ne permet de prévoir l’issue de la crise. Mais une chose est sûre : la réduire aux seuls dysfonctionnements du DCTI, sans en tirer des leçons politiques plus englobantes, serait sombrer dans l’errance. C’est dans la crise – et non dans la trompeuse torpeur des cocktails – que se mesure l’ampleur des soutiens. Et aussi, n’en doutons pas, celle des trahisons.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

  • Cinq lignes pour défendre la dignité du Parlement

     

    Sur le vif - Lundi 07.02.11 - 16.36h

     

    Chargée de s’occuper du dossier du Service de la gérance de l’Etat, à Genève, dont on a tant parlé en fin de semaine dernière, la Commission du contrôle de gestion du Grand Conseil vient de publier, à 16.12h, un communiqué de cinq lignes, qui frappe par sa sobriété et sa détermination.

     

    Aucune mention de la fuite qui a permis de rendre public le fameux rapport de l’Inspection cantonale des finances. Ni de celle qui a mis au grand jour le PV de la séance du 24 janvier 2011.

     

    Non. Juste cinq lignes, signées du président, Eric Stauffer, et du vice-président, le socialiste Antoine Droin, pour dire que la commission ira jusqu’au bout. Le mot « à l’unanimité » est inscrit en gras.

     

    Cinq lignes qui sentent la défense de la dignité parlementaire face à l’exécutif. Et qui, face aux pressions qu’on imagine dans ces cas-là, ne manquent ni de classe, ni d’allure.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

  • Pitoyables pleurnicheries à la RTS

     

    Sur le vif - Samedi 05.02.11 - 10.00h

     

    « La communauté des journalistes » : j’ai toujours, y compris pendant mes longues années à la SSR, détesté ce mot, ce concept. Sous le masque et l’arrogante prétention de représenter les collègues, en vérité un improbable quarteron de frustrés et de revanchards, où l’aigreur règne en souveraine, avec sa sœur la délation. Le grand problème de ces machines à fabriquer de l’éther, ça n’est pas leur direction, mais bel et bien leur base.

     

    La « communauté des journalistes » de la RTS nous gratifie donc, à lire mon excellent confrère Joël Cerutti, dans le Matin d’aujourd’hui, de l’une de ces pleurnicheries dont elle cultive jalousement le secret. L’objet de sa folle complainte ? La décision de la direction de sous-traiter à la société de production « Point Prod » la future émission culturelle. Cela sous-entend qu’aucun des innombrables membres de la « rédaction culturelle » de la SSR (dont on guette avec impatience le moindre éclair qui fulmine ou simplement flamboie) ne serait à la hauteur pour relever le défi. Alors, on gémit. Alors, on geint. Alors on se complaît à recréer, le temps d’une protestation, la « communauté des journalistes ». Une sorte de Conseil national de la Résistante, sans résistants.

     

    Le signal donné par la direction de la RTS est pourtant excellent. Il indique à sa base qu’il existe, quelque part hors des murs, des studios chauffés et de la cafétéria, une source de vie qui s’appelle la concurrence. La société Point Prod, où travaillent entre autres les talentueux David Rihs et Iris Jimenez, en est l’un des moteurs. Des coûts de production plus bas, la priorité donnée à la qualité du produit, personne pour glander dans les couloirs, bref une boîte qui bosse, avec beaucoup de qualité et d’enthousiasme.

     

    « Une boîte qui bosse ». C’est bien ça le problème. À la vérité, plus une société de production est petite, plus on y bosse, moins on y compte les heures, il n’a plus ni samedi ni dimanche, il n’y a plus que l’enthousiasme. Sans doute la perspective de ce genre de cadences irrigue-t-elle de quelque sueur glacée le front si peu audacieux de nos buveurs de tisanes. Ils se disent soudain qu’ailleurs, le monde existe aussi, avec l’incroyable énergie de sa beauté et de sa fureur.

     

    « Énergie ». Ce seul mot les fait trembler. Vite, vite, convoquons la « communauté des journalistes ». Ensemble, gémissons une petite heure. Demain, peut-être, nous songerons à vivre.

     

    Pascal Décaillet